Des « terroristes » français néonazis liés avec la Belgique ? (enquête exclusive)

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite  | Jeudi 20 mai 2021  | 15 : 22

Cette enquête exclusive de RésistanceS a commencé avant l’actuelle « chasse à l’homme » lancée contre le militaire d’extrême droite Jürgen Conings. Nous reviendrons prochainement sur lui.

 

Trois membres du groupe néonazi Honneur & Nation, dont son vice-président, Jérôme Galuppini, à Lyon en mars 2020 au Forum de la Nation, organisé par Yvan Benedetti (au centre), le chef de Jeune Nation © Réseau social

 

AU CŒUR DE L’EXTRÊME DROITE FRANCO-BELGE – Les services de renseignement français ont procédé au démantèlement d’une cellule clandestine d’Honneur & Nation. Elle est soupçonnée d’avoir planifié des attentats contre une loge maçonnique et le ministre de la Santé. Une section belge de ce groupe néonazi existe. Est-elle également liée au dossier terroriste ouvert en France ? – UNE ENQUÊTE EXCLUSIVE DE RÉSISTANCES

 

Le mardi 4 mai dernier, dans l’Est de la France, dans le Doubs et le Bas-Rhin exactement, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a interpellé six activistes d’extrême droite, quatre hommes et deux femmes. Ils ont tous été placés en garde à vue. Sous étroite surveillance, les enquêteurs du service de renseignement français les pistaient depuis plusieurs mois. Ces six individus sont soupçonnés d’une préparation d’actions terroristes, sous le nom de code de « Projet Alsace », notamment contre une loge maçonnique en Moselle, des locaux communautaires et le ministre de la Santé, Olivier Véran. 

 

Une source judiciaire proche de l’enquête a indiqué que sur les six interpellés, trois ont été mis en examen et placés en détention provisoire, le vendredi suivant, pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Il s’agit de deux hommes de 56 et de 29 ans provenant de Haguenau dans le Bas-Rhin, et d’une femme de 53 ans domiciliée dans le Doubs. Du matériel de propagande nazie, ainsi que des armes – détenues légalement dans le cadre d’entrainement dans des stands de tir – ont été retrouvés chez eux lors des perquisitions. Ils sont tous les trois membres d’Honneur et Nation (H&N).


  

Le blason des néonazis d’Honneur & Nation
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FAN CLUB D’ADOLF HITLER

Lors de l’annonce de cette enquête policière, aucune information sur ce groupe néonazi n’a été donnée en particulier, ni les noms des inculpés. RésistanceS, le journal de l’Observatoire de l’extrême droite, peut apporter des détails sur Honneur & Nation. Il est composé de fanatiques de la « cause nationaliste », pour qui la violence a toujours été au programme.

 

Honneur & Nation est issu d’un précédent groupuscule, la Division nationaliste-révolutionnaire (DNR). Elle a été formée en janvier 2018 par des ex-membres de la « division France » de l’organisation transnationale  Blood & Honour (B&H), regroupant des « crânes rasés » du courant NS, c’est-à-dire National-Socialiste, soit nazi. N’ayant rient de « révolutionnaire » ni de « socialiste », la DNR est un véritable fan club musclé de disciples français d’Adolf Hitler, d’abord active en Corrèze. Elle va ensuite se déployer ailleurs en France, avec quelques mini-sections locales. Dix mois après sa fondation, une délégation de la DNR défile, en uniforme noir, dans les rues de Paris à la « Marche de la reconquête », avec la plupart des organisations, formations et dirigeants de la droite radicale subversive : le mouvement racialiste Terre & Peuple (T&P), la Dissidence française (DF, depuis : Mouvement national-démocrate, MND), l’association des amis de la revue Synthèse Nationale(des nostalgiques du mouvement fasciste Ordre Nouveau), l’Action nationale radicale (ANR) et une délégation belge du Mouvement Nation. Également sur place : Alexandre Gabriac, le dirigeant des feues Jeunesses nationalistes (JN), passé à l’institut national-catholique intégriste Civitas, et Yvan Benedetti, l’ex-chef de l’Œuvre française (OF), le plus vieux groupe néofasciste en France, intégré après sa dissolution dans le Parti nationaliste français (PNF), et responsable de la publication « Jeune Nation ». Le 20 avril 2019, quelque part en Bretagne, la DNR fête clandestinement, à la date exacte, la naissance du Führerdu Troisième Reich, une vieille tradition chez les nouveaux hitlériens.


Six mois plus tard, la DNR change de nom pour devenir Honneur & Nation (H&N). Avec un objectif principal : « la sauvegarde de notre patrimoine, nos traditions, notre héritage culturel, ainsi que notre identité, face à la mondialisation, et le capitalisme. » Sans préciser cependant les moyens choisis pour y parvenir. Quelques sections de H&N sont ouvertes dans l’Est et le Nord de la France. H&N maintient les liens de la DNR avec la mouvance ultra de l’extrême droite française. En mars 2020, juste avant le confinement sanitaire, une délégation, conduite par son vice-président, Jérôme Galuppini, se rend à Lyon au Forum de la Nation, organisé annuellement par Yvan Benedetti.

 

IMPLANTATION EN BELGIQUE

En juillet 2020, l’Observatoire belge de l’extrême droite - RésistanceS - constate la création dans le Hainaut, à la frontière belgo-française, d’une branche belge du groupe Honneur & Nation. Selon sa déclaration de principe, elle a pour but de « rassembler des personnes, ayant la même idéologie, les mêmes convictions, ainsi que de passer des moments conviviaux, et de découvrir le patrimoine franco-belge lors de sorties socio-culturelles ». Rien de réellement inquiétant. Officiellement.

 

Le meneur de la section belge agit sous le nom de « Roland Culer ». C’est un jeune skinhead connu dans le milieu nazi wallon sous le pseudonyme de « Duss ». Sur les réseaux sociaux, il se présente encore sous divers autres alias : « Duss Nsb » (Nsb pour « national-socialiste belge »), « Duss Shnsb » (Shnsb pour « Skinhead national-socialiste belge »), « NS Duck 88 » (88 pour HH, soit « Heil Hitler »), « Chucky » ou « Snipeur Pro ». Pas de doute, ce Roland Culer est un radical, tendance nazie, qui prône l’utilisation des armes pour le combat politique dans lequel il s’est engagé.

 

L’évaluation du nombre de membres de H&N Belgique est estimée à moins de cinq personnes, et l’équivalent de sympathisants. Il s’agit d’un groupuscule d’adeptes de la croix gammée, comme il y en a d’autres encore en Wallonie et en Flandre. Pour la plupart, ce sont des « crânes rasés » qui écoutent des groupes phares de la et du NSHC (National-socialiste hardcore) : des vieux skinnazis de Bunker 88 aux jeunes belges du groupe nord-bruxellois Les Éburons.

 

« GAZER CES BOUGNOULES »

Ils sont quasi tous « crânes rasés » et partagent le nazisme comme croyance. Comme RésistanceS l’a observé, ils communiquent entre eux avec un vocabulaire de clan. Il est codé et habituel dans ce milieu politique : « 14 », « 88 », « Honneur et Fidélité », « Kamaraden », « frère », « sœur » (de sang), etc. 

 

Leurs propos sont directs et sans détours (repris tels quels) : « Y a plus que des bougnoules maintenant et en plus toutes ces racailles qui les aiment ! Plus que des gauchistes ! Réveillez vous ! Tout çà dehors », « A bas les bougnoules hangar et les gazé ç est vermines », « Les expulser, pour autant que ce soit fait, ne sert plus à rien… Ca revient 4x plus nombreux telles des cafards ! Et qu’est qu’on fait quand on est envahi de cafards ??? », « Éradiquer ! Nostalgie ! », « Lance flammes ça ferait des brochettes Halal bande d enculer de basané », « Pu1 quesque ça donne envie d’y foutre le feu… !!! » à propos de l’annonce de l’installation d’une mosquée dans la commune namuroise de Jambes, « Ca ne pourra que ce finir comme ça », poursuit « Duss », « Allez je vais me pieuter et rêver de gauchiasses a dépecé. Sales putain de rouge ! », « On les brulera en regardant leur meres ce faire def leur trou du cul par des chèvres mn frère », « Cest clair ont va tous les gazer ces bâtards ».


Drapeau d’Adolf Hitler chez un membre
belge d’Honneur & Nation © RIDAF-Charleroi
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CONTACTS AVEC NATION

Comme cela a été démontré, les membres et sympathisants d’Honneur & Nation-Belgique sont tous des boules à zéro, partagent le nazisme comme croyance et prônent la violence terroriste comme moyen. Son meneur « Duss », ses quelques autres membres et sympathisants sont pour la majorité tous liés - d’une manière ou d’une autre - au Mouvement Nation, un groupuscule électoral qui avait ambitionné de remplacer le FN belge. Il y en a qui sont même passés un temps dans ses rangs. D’autres qui y sont toujours, comme la Liégeoise Erika Maes, une fanatique du nazisme et admiratrice aveugle de Michaël Kühnen (1955-1991). Ancien militaire de carrière, ce dirigeant des néonazis allemands dans les années 1970-1980 reste toujours de nos jours une figure de référence. Le premier mai dernier, Erika Maes se trouvait à Liège aux côtés d’Hervé Van Laethem, le chef-fondateur de Nation et ancien membre du Mouvement Européen que codirigea Kühnen. Autres contacts entre H&N-Belgique et Nation, Romuald Van Gompel, un vieux routier du néonazisme à Charleroi (il fut membre du groupe L’Assaut, lui aussi lié à Michaël Kühnen), Olivier Buys, venant de la section francophone du Vlaams Belang, passé au Front national belge, cofondateur des Identitaires Ardenne, puis passé chez Van Laethem (après une sévère condamnation pour racisme, il a démissionné en novembre dernier de sa fonction de responsable de la Province du Luxembourg de Nation, tout en restant membre), Renaud Zak, très actif chez les ultras du club de football de Charleroi, ou encore le chanteur des Éburons, un ancien de Jeune Nation.

 

Par ses contacts directs, Roland Culer exprime en janvier 2020 son souhait de participer aux activités de « Nation Solidaire », la branche sociale du mouvement national-solidariste Nation. Culer est contact avec Jean-Pierre Demol, membre historique de ce dernier. Outre ses fonctions politiques antérieures (secrétaire général puis président), ce Demol est l’actuel responsable de l’Alliance nationale des seniors (ANS), fondés le mois dernier par Nation. Comme un étrange hasard, le sigle « ANS » fut auparavant celui d’une organisation allemande néonazie, fondée en 1977 par… Michaël Kühnen, encore lui, l’Aktionsfront Nationaler Sozialisten (Front d’actions nationales-socialistes).

 

La section belge de H&B a aussi des liens avec d’autres groupuscules d’extrême droite en Wallonie et en Flandre, via certains de leurs affiliés. C’est le cas avec feu la Droite conservatrice, via son ancien président liégeois, ou avec l’association Valeurs nationales, via l’une de ses fondatrices, et membre du Parti national européen (PNE).


D’HONNEUR & NATION À L’ALLIANCE-BELGIQUE

Histoire de brouiller les pistes et se faire plus lisse, en automne 2020, en France, le groupe Honneur & Nation change d’appellation pour devenir « L’Alliance ». Le nouveau nom est effectivement plus passe partout. Sa section belge devient alors « L’Alliance-Belgique ». Roland Culer reste son responsable, au titre cette fois-ci de « Président ». Son objectif officiel est d’être « une association qui s'implique socialement, politiquement et culturellement. Pour la survie de notre peuple, pour notre identité et notre patrimoine ! ». Le changement de nom n’augmente pas pour autant la « popularité » du groupe. À la date de cette enquête, sa page Facebook ne rassemblait toujours que 217 abonnés. Sur le plan idéologique rien n’a non plus changé.

 

Depuis quelques semaines, les quelques membres de L’Alliance-Belgique surcollent des autocollants antiracistes et antifascistes avec des autocollants anti-migrants et de défense de la « race blanche ». Cela a été fait à Jodoigne dans le Brabant wallon, à Dison, près de Liège, et à Fleurus, dans les environs de Charleroi. Sur son mur Facebook, L’Alliance-Belgique partage régulièrement des posts du Mouvement Nation, avec qui le groupe néonazi maintient les liens militants. 

 

Roland Culer, chef belge d’Honneur & Nation
et de L'Alliance © RIDAF-Charleroi
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CELLULE TERRORISTE EN BELGIQUE ?

Comme chez les responsables d’Honneur & Nation-France, les Belges de ce réseau suprémacistes blancs partagent le même langage politique, pour désigner leurs ennemis, et stockent aussi du matos, comme des livres, des drapeaux et des enseignes, à la gloire du nazisme. Les liens ont-ils été plus étroits encore entre les Français et les Belges de H&N ? La Belgique peut-elle être liée par le dossier de terrorisme ouvert en France concernant le groupe nazi Honneur & Nation ? La réponse est oui. 

 

En août dernier, Roland Culer se rendait à Valenciennes, à quelques kilomètres de la Belgique, pour participer à une action de propagande de sa « section Nord 59 ». Sur place, il a rencontré Jérôme Galuppini, le numéro deux du groupe néonazi, monter dans le Nord pour soutenir ses « kamaraden » locaux. Cet individu pourrait être un des trois activistes arrêtés au début du mois de mai par la DGSI, pour constitution d’« association de malfaiteurs terroriste criminelle » dans le cadre d’un dossier de terrorisme.

 

Les liens du chef de H&N-Belgique avec le vice-président de H&N-France allaient bien au-delà de simples contacts numériques. Le premier – et sa bande de naziskins wallons – aurait-il été mis au courant des projets terroristes des néonazis français ? Ceux-ci auraient-ils pu l’influencer pour agir de la même sorte plus tard en Belgique ? 

 

DES MOTS AUX MORTS ?

À la lecture de la « littérature » diffusée par la section wallonne d’Honneur & Nation, et son pseudopode L’Alliance-Belgique, une évidence : la forme violente du discours politique, les références à la « guerre raciale », les menaces d’exécution des ennemis de la Nation… se lisaient constamment dans la correspondance échangée entre ses membres. Comme le démontre l’enquête exclusive de l’Observatoire belge de l’extrême droite.

 

L’histoire ancienne - et plus récente - nous l’enseigne, après des lectures régulières d’une propagande de haine, ils ont été nombreux, au sein de l’extrême droite, à devenir des « machines à tuer ». Le passage des mots aux morts peut-être est rapide. Comme le démontre aussi les attentats islamiques, l’autre face de la même pièce terroriste.

 

SIMON HARYS

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite

Avec le Réseau d'informations et documentations antifascistes (RIDAF)

 

 


Le vice-président français et le chef belge (premier et deuxième sur cette photo) d’Honneur & Nation
à Valenciennes, en août 2020 © RIDAF-Ath


L’enquête exclusive de RésistanceS que vous venez de lire a commencé avant l’actuelle « chasse à l’homme » lancée contre le militaire d’extrême droite Jürgen Conings. Nous reviendrons prochainement sur lui.

 



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