Dans la foule bigarrée de « La Boum », des activistes d’extrême droite bien présents

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite  | Vendredi 28 mai 2021  | 23 : 05

Trois membres du collectif d’extrême droite En Colère lors de « La Boum 2 », le 1er mai dernier au Bois de la Cambre de Bruxelles. Photo RIDAF-Mouscron.
 

RADIOSCOPIE – Ce samedi, l’édition numéro 3 de « La Boum » est programmée dans le Bois de la Cambre de Bruxelles. Le journal RésistanceS a enquêté sur l’infiltration par l’extrême droite de la précédente « boum » du début du mois. Des activistes de groupuscules nationalistes flamands et wallons y étaient bien présents. Ainsi que des membres de mini-partis de droite populiste, des motards et des ultras de football. Aujourd’hui, un « super-héros » les rassemble. Il se nomme Jürgen Conings, le déserteur de l’Armée belge qui veut combattre la « dictature sanitaire ». Réapparaitra-t-il ce samedi dans le bois bruxellois ?– ENQUÊTE

 

À la fin de la journée de ce samedi 1er mai, tous les regards médiatiques étaient tournés vers le Bois de la Cambre de Bruxelles. Dans cet immense espace vert de la capitale belge, et européenne, « La Boum 2 » débute en fin d’après-midi. Une fête en plein air non autorisée et organisée sans responsables officiels.

Comme lors de « La Boum 1 », le premier jour du mois d’avril dernier, le public est majoritairement composé d’adolescents et de jeunes adultes en mal de sorties, depuis plus d’un an de confinement et d’autres mesures sanitaires pour endiguer, comme dans le reste du monde, la pandémie de la Covid-19.

 

LE RETOUR DES SOUND SYSTEM

Sans scène pour des groupes de musique ni autres infrastructures ad hoc, la pelouse du Bois de la Cambre prend néanmoins les allures d’un festival de musique estival. Certes improvisé. Technoici ou raplà, cela danse dans tous les sens grâce à des sonos connectées par bluetooth. Habituellement fréquenté par la bourgeoisie du sud de Bruxelles, mais aussi de familles venant de quartiers populaires du centre-ville et de fonctionnaires européens, ce haut lieu de détente va vite se transformer en lieu de rendez-vous alternatif. C’est l’exportation dans ce Central Parkbruxellois des sound systemjamaïcain, londoniens et parisiens des années 1970. Ce moment historique d’une jeunesse des milieux précarisés, vivant dans des buildingslézardés et surpeuplés, qui occupa les rues pour écouter et danser au rythme reggae d’abord, hip-hopensuite, de sonos mobiles.

 

La foule bigarrée, beaucoup plus plurielle que lors de la première édition de cette auto-organisation festive, devient très vite plus populaire lors de la deuxième édition de cette gigantesque boum bruxelloise. Il y a encore des plus âgés venus sur place pour voir ce phénomène exceptionnel ou même soutenir la liberté des jeunes.

 

ZONE DE GUÉRILLA URBAINE

Le bourgmestre de Bruxelles-villes, le socialiste Philippe Close, avait prévenu. Refusant de fermer le bois, malgré les demandes des libéraux, il avait martelé qu’aucun débordement ne sera toléré. Dès que les drones de la police fédérale filment des incidents, notamment entre participants de cette boum géante incontrôlable, le bourgmestre donnera l’ordre d’intervenir sur le champ. La charge des forces de l’ordre est importante, plus conséquente et plus massive qu’en avril passé. Plus de policiers, plus d’autopompes et de drones, le déploiement pour mettre fin à La Boum 2 est impressionnant.

 

Les bleus sont partout. Le quartier huppé avoisinant, celui de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), se transforme en zone de guérilla urbaine. Avec des petits groupes de « boumeurs » quittant les lieux, des blocs plus constitués voulant en découdre avec « la police de Philippe Close ». Parcelles du bois et rues des alentours seront ratissées par les robocops de la Fédérale. Sur les informations de son hélicoptère et de ses drones, les jets de gaz lacrymogène sont réguliers en direction de leurs cibles, suivis de l’intervention ordonnée d’une autopompe et de la charge de policiers à pied, en uniforme, en civil et à cheval, comme nous avons pu le constater sur place. Les bavures policières seront nombreuses.

 

EX-PARACOMMANDOS, PROFILS DANGEREUX

Une semaine avant La Boum 2, Harold Nottetde l’hebdomadaire Moustiqueavait investigué en amont sur sa préparation. Notamment auprès de groupes radicaux de citoyens s’opposant aux mesures sanitaires. Le journaliste notait déjà : « Des débordements sont à craindre. Depuis quelques jours, des personnes peu recommandables gravitent autour de ces collectifs citoyens. Nous en avons identifié une demi-douzaine. Responsables de mouvement d’extrême droite, ex-para-commandos, groupes issus du monde de la sécurité privée ou de salles de sports de combat. Des profils dangereux, mais aussi très complotistes. Ces individus, dont certains affirment qu’ils seront présents au bois de la Cambre par dizaines, voire centaines, ont-ils l’intention de récupérer cette révolte, a priori pacifiste ? ».

Fascisme, violence et thèses conspirationnistes ont toujours fait bon ménage.


 
Annonce de la création du groupe L’Éveil du peuple belge, dissidence de Belgium United for Freedom, avec la cofondatrice de Valeurs Nationales, dissidence liégeoise du Mouvement Nation (ci-dessus dans le cercle rouge). Doc. RIDAF-Liège.











L’EXTRÊME DROITE BIEN LÀ

Sur la base de diverses sources, témoignages, photos, vidéos et messages diffusés sur les réseaux sociaux, si la majorité des participants avaient les allures de festivaliers bons enfants, la présence d’activistes d’extrême droite est confirmée.

Des groupuscules antivax wallons, nés de la crise sanitaire et sociale actuelle, ont fait le déplacement à Bruxelles et plusieurs de leurs militants étaient sur place. C’est le cas de Belgium United for Freedom. Fort actif sur Internet, il dispose aussi d’activistes qui descendent, depuis plusieurs mois, dans les rues de Liège, de Namur, de Charleroi ou dans celle de la capitale, pour protester contre les mesures anti-Covid-19. Ces micro-groupes sont infiltrés par l’extrême droite.

En automne, Belgium United for Freedoma reçu le soutien de Valeurs Nationales (VN), formée par des dissidents du Mouvement Nation, conduits par Leticia Knevels, l’ex-présidente de sa section liégeoise. En cartel politique avec le Parti national européen (PNE), l’association VN a participé, il y a quelques jours, à la création d’un nouveau groupe, suite à des divergences internes chez laBelgium United for Freedom. Ce groupe, du nom de L’Éveil du peuple belges, était également dans le Bois de la Cambre.

Toujours lié à Valeurs Nationales, le collectif d’extrême droite En Colère, dont le fief se trouve à Mouscron, avait annoncé qu’il allait y être présent. Il y sera bien, conduit par son fondateur en personne, Grégory Bourguignon, accompagné de deux autres nervis de ce collectif, Pascal Cornet et Jérémie F.

Depuis la fin des années 1990, Grégory Bourguignon est bien connu comme un activiste d’extrême droite qui est passé de chapelle en chapelle, du groupe L’Assaut au Front national belge, en passant à Agir (premier du nom), Mouvement Ref et Mouvement Nation. De retour au sein de ce dernier, après quelques années d’hibernation politique, il en fut à nouveau exclu. En janvier 2020, il participa avec son groupe anti-migrants, « Mouscron en colère », au congrès de fondation du Parti national européen (PNE), avant de s’en faire exclure pour « racisme ». Depuis, Bourguignon s’active intensément dans le collectif En Colère, cofondé en été dernier avec d’autres de Nation.

Pascal Cornet est l’un des nombreux ex-secrétaires généraux de ce dernier qu’il quitta avec le groupe interne « Racines », après sa condamnation en 2015 pour le tabassage d’un SDF polonais qui suivi une action anti-migrants de Nation, organisée avec des identitaires flamands. Cornet fut parmi les cofondateurs du PNE, mais depuis plusieurs mois avait disparu de ses rangs. Il est réapparu dans le Bois de la Cambre avec le collectif En Colère. Quant à Jérémie F., il s’agit également d’un autre ancien affilié de Nation. Piètre militant, il a fait l’objet d’une « Note de sécurité » interne pour des soupçons de contacts avec la Sûreté de l’État. Comme Cornet, Jérémie F. est alors un des activistes du groupe Racines. Dans la notice de fichage de Nation, il est mentionné : « Racines, en tant que ‘’scission’’ de NATION intéresse bien évidemment les services de renseignement car ils veulent savoir si ce groupe ne serait pas tenté par des aventures plus radicales » (réf. : « Note de sécurité 1302, N17/0213002/D5/DR, Diffusion DR »). Nous reviendrons prochainement dans une enquête exclusive sur le fichage politique de militants de Nation opérée par sa direction. 

 

NATIONALISTES FLAMANDS

Des activistes de l’extrême droite flamande seront également dans la journée du samedi premier mai repérés dans le Bois de la Cambre. Identifiables sous les allures d’émeutiers classiques (survêtements sportifs, capuches, cagoules et gants noirs), notre réseau flamand partenaire a observé la présence de membres du Voorpost, du Vlaams Collectief, de SOS Vrijheid & Recht, du Project Yggdrasil Waasland (PYW, ex-Vlaanderen Identitair, VLI), d’actuels affiliés ou d’anciens du Vlaams BelangComme pour La Boum 1, ReactNieuwsa couvert en détail l’édition deux de celle-ci. Ce web-média nationaliste d’extrême droite considère cet événement comme « une révolte de jeunes blancs contre l’État ». Parmi ses rédacteurs, il y a le chef du PYW.

Dans les environs, se trouvait aussi un caporal-chef retraité de l’Armée belge, en béret et veste militaire, du nom de Jean-Paul Briers. Les électeurs de Zonhoven, une petite commune dans la province du Limbourg, se souviennent de lui, en octobre 2018, comme candidat de la liste locale du Vlaams Belang.

Non loin des petits groupes extrémistes de droite présents, comme par hasard, des banderoles sur lesquels étaient inscrits des slogans antivaccins, antimédias, poujadistes et dénonçant un complot de la franc-maçonnerie s’y trouvaient.

Outre l’extrême droite pure et dure, le samedi 1er mai dans le bois bruxellois déambulaient encore d’autres représentants de la droite populiste.

 

NOIR-JAUNE-ROUGE

Dans la foule, se distinguait ainsi Frédéric Baugniet, alias « Fred Bonnier » ou « Fred Pan Pan », cofondateur du parti poujadiste groupusculaire United people(UP). Acquis totalement aux thèses conspirationnistes, il dénonce la « dictature sanitaire ». Fondé il y a un an, l’objectif d’UP est d’être « une association citoyenne, née de la contestation populaire au regard des dysfonctionnements dans la gestion de crise sanitaire Covid-19 en Belgique et dans le monde. »

Sur Facebook, Baugniet est soutenu par un autre fana des thèses complotistes, le « lifeur » Gabriel M., connu au sein de l’extrême droite pour avoir appartenu au réseau confidentiel antimuslmans d’apprentis barbouzes, « Noir-Jaune-Rouge », mis en place par un ex-membre de Nation, Alain A. Ce Gabriel M. est depuis membre de l’association Valeurs Nationales.


 

Plusieurs bandes d’ultras de clubs de football étaient présentes au Bois de la Cambre pour affronter la police et tabasser des jeunes « pacifistes » et des « immigrés ». Doc. RIDAF-Molenbeek.


CONSEILLER COMMUNAL MR

Trois jours après La Boum 2, les journaux du groupe Sud Presse vont révéler la présence d’un conseiller communal du MR, Julien R. Cet élu du Mouvement réformateur, le parti libéral francophone, s’est adonné à des propos violents contre la police. Dans le bois de la Cambre, il portait un t-shirt orange avec un lion flamand où figuraient en-dessous les initiales « KNVB ». Ce sont celles de la Koninklijke Nederlandse Voetbal Bond, la Fédération hollandaise de football. Quelques amis l’accompagnaient. Comme lui avec des gants de combat.

Suite à l’annonce de poursuites judiciaires contre Julien R., le mouvement d’extrême droite Nation va prendre sa défense. Le MR va l’exclure. Sur une photo de son compte diffusée, le mercredi 5 mai, toujours dans les journaux du groupe Sud Presse, on voit Julien R faire l’un des signes des doigts des suprémacistes blancs américains. Depuis, l’élu libéral a fait amende honorable.

 

LIBERTARIENS, ULTRAS DE FOOT, MOTARDS

Dans la foule de La Boum 2, un peu plus loin, pris dans le vent, un drapeau jaune avec le symbole Gadsden est bien visible. Ce drapeau est celui du Parti libertarien américain, caractérisé comme libertaire ultra libéral anti-étatiste. Son emblème est également utilisé par les sympathisants et militants pro-armes d’extrême droite aux États-Unis. Une poigné d’individus circulaient autour de ce drapeau dans le Bois de la Cambre.

Plusieurs ultras de football se déplaçaient aussi en petits commandos pour trouver les meilleurs angles d’attaques. Contre la police mais également pour tabasser des jeunes s’opposant à la violence ou à des « immigrés ». Chez ces fanatiques du ballon rond, une petite dizaine de jeunes supporters du Racing White Daring de Molenbeek (RWDM), définis comme des « blancs de Bruxelles-Ouest », circulait dans les sous-bois de la Cambre. Ils se sont notamment attaqués à des supporters antifascistes de l’Union saint-gilloise (USG), le club de football détesté historiquement par les ultras molenbeekois. Ces derniers sont liés au groupe Ouest Casual XIII, regroupant des hooligans« nationalistes » de différents pays européens. D’autres fanas d’équipes de football étaient encore à La Boum 2. Ainsi que des motards, style Hells Angels.



Depuis « La Boum 2 », les radicaux contre les mesures sanitaires ont un « super-héros », le déserteur Jürgen Conings. Ici trois supporters flamands d’extrême droite de ce militaire désormais en guerre contre la « dictature sanitaire ». Doc. RIDAF-Antwerpen.



JÜRGEN CONINGS LE SUPER-HÉROS

Depuis le mois d’avril de cette année, le poumon vert de Bruxelles s’est transformé en haut lieu de la protestation contre les mesures sanitaires. Dont l’écho a déjà fait le tour du monde. Ce que nous avons pu observer le samedi 1ermai confirme les craintes préalables à la tenue de cette édition deux de la « boum contestataire ». Cela restera le cas pour la numéro 3, ce samedi 29 mai.

Cet événement inédit attire désormais des extrémistes de droite, dont le super-héros se nomme depuis plusieurs jours Jürgen Conings, ce militaire de 46 ans qui a déserté l’Armée belge dans le but de combattre la « dictature sanitaire ». Qui le sait, pourchassé par toutes les forces de polices et militaires belges, hollandaises, allemandes et luxembourgeoises, il réapparaitra peut-être ce samedi au bois de la Cambre. Une évidence, il y sera adulé par la franche fanatique des anti-anti-Covid-19 présents.

 

SIMON HARYS

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite




Plus d’infos sur les groupes d’extrême droite présents à La Boum 2


La marche néonazi sur Bruxelles a été arrêtée

(septembre 2019)

Le Collectif identitaire liégeois change de nom pour devenir l'association Valeurs Nationales

(avril 2020) 

 

Vlaanderen identitair (VLI) – Dico de l’extrême droite flamande 

(juillet 2020)

 

En Colère (collectif) – Dico de l’extrême droite belge francophone 

(septembre 2020)

Au programme, provoquer à Bruxelles une émeute à la hollandaise ?

(février 2021)



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