Au programme, provoquer à Bruxelles une émeute à la hollandaise ?

RésistanceS |Observatoire belge de l’extrême droite  | Jeudi 4 février 2021 à 21 : 11 | Mise à jour samedi 6 février 2021 à 06:41


En direction du rassemblement contre les mesures du gouvernement, nationalistes flamands arrêtés à la gare du Nord. Certains avaient avec eux des ustensiles utiles en cas d’émeute.



RETOUR SUR LE RASSEMBLEMENT DE DIMANCHE – Le 31 janvier dernier, une protestation contre les mesures anti-Covid-19 s’est déroulée à la gare Centrale de Bruxelles. Entre 400 et 600 personnes s’y sont rendues. La majorité a été arrêtée. Des nationalistes venus de Flandre ont été interpellés à la gare du Nord. Pour déployer leurs banderoles, d’autres militants d’extrême droite se sont rendus au pied de l’Atomium  (Project Thulé, Project Yggdrasil et Nation) et à la place Rogier (collectif En Colère et Valeurs nationales). Certains avaient le projet d’exporter chez nous les émeutes se déroulant aux Pays-Bas contre le couvre-feu - COMPTE-RENDU DE RÉSISTANCES.

 

Dimanche dernier, un rassemblement citoyen a été fixé à la gare Centrale de Bruxelles. Aucune organisation militante connue n’est à la base de ce rendez-vous. Sa raison est de protester contre les mesures sanitaires prises dans le cadre de la poursuite de la pandémie de la Covid-19, un an après son apparition en Belgique. Le visuel de mobilisation, diffusé sur les réseaux sociaux, précise juste : « Grande Manifestation. Liberté pour le retour de notre état de droit. Unification des groupes et des associations ». Les revendications sont floues. Certains contestent les restrictions, exigent la réouverture des commerces, des discothèques… d’autres exiger la démission du gouvernement fédéral pour incompétence dans la gestion de cette situation durable et inédite. Des milliers de personnes annoncent, sur Internet, qu’elles viendront au rassemblement. Pour finir, les contestataires ne seront que quelques centaines, de 400 à plus de 600 personnes selon les sources. La majorité d’entre eux sera arrêtée par les forces de l’ordre mobilisées en grand nombre à cette occasion.

 

Mission de la police bruxelloise : empêcher un scénario à la hollandaise. Chez notre voisin batave, depuis plusieurs jours et nuits, des émeutes contre le couvre-feu et le port du masque se déroulent. Le degré de violence est très élevé. Parmi les émeutiers : des simples citoyens excédés, des travailleurs des secteurs professionnels touchés de plein fouet par la crise sanitaire devenue sociale, mais aussi des supporters ultras de football, des radicaux d’extrême gauche et des provocateurs d’extrême droite (Le Vif de ce 28 janvier 2021)

 

L’EXTRÊME DROITE PRÉSENTE

Depuis plusieurs jours, des groupuscules d’extrême droite wallons et flamands avaient mobilisé leurs troupes pour se rendre ce dimanche à Bruxelles au rassemblement contre le gouvernement. Seuls seront présents sur place ou dans les environs, comme éléments représentatifs de la droite nationaliste radicale : des manifestants se réclamant du Vlaams Belang et du Project Yggdrasil (voir plus bas),un couple avec un calicot conspirationniste (associant les mesures sanitaires anti-Covid-19 au camp nazi d’extermination d’Auschwitz), le collectif En Colère et  l’association Valeurs nationales (VN).

 

Affirmant avoir « réussi à s'exfiltrer de la nasse de la gare centrale de Bruxelles », avec une trentaine de manifestants, les activistes d’En Colère et de VN se sont ensuite rendus à la place Rogier où ils ont « réussi à remanifester pendant 30 minutes sans se faire arrêter », selon un communiqué du collectif En Colère. Il a pu y déployer un calicot avec un slogan conspirationniste : « Dictature sanitaire = Communisme 2.0 ».Avec le dirigeant-fondateur de ce dernier, Grégory Bourguignon, et celle de Valeurs nationales, Leticia Knevels, il y avait aussi le plus célèbre des naziskins wallons des années 1990, Fabian Vervinckt, ex-membre de Nation et de la NS-Wallonie, et le vidéaste tonitruant Julien D'Alessandro. Celui-ci avait annoncé, sur un ton menaçant, l’année passée, la création d’une milice anti-islamiste, après son départ, ou son exclusion selon les versions, de la Droite conservatrice de Valéria Appeltants.

 

Membres du groupuscule flamand d’extrême droite Project Yggdrasil, ce dimanche à Bruxelles.








IDENTITAIRES PAÏENS FLAMANDS 

Après l’arrestation préventive, dès la gare du Nord, de « nationalistes » venus de Flandre, connus aussi comme supporters ultras de football, un autre groupe d’une quinzaine d’individus s’est rendu au pied de l’Atomium, où un rendez-vous bis avait été fixé, soit à plus de sept kilomètres de la gare Centrale. Ce groupe de nationalistes flamands était conduit par le Project Thulé et le Project Yggdrasil, deux groupuscules néopaïens identitaires qui militent ensemble. Le premier est animé depuis son apparition en été 2019 par Tomas Boutens, l’ex-leader d’une scission flamande de Blood & Honour, arrêté et condamné pour constitution d’une organisation néonazie pré-terroriste. À sa sortie de prison, cet ancien militaire de carrière va fonder Mjölnir, un club de motards néonazis. En décembre 2018, à Bruxelles, avec d’autres affiliés de Mjölnir, Tomas Boutens était présent à la manifestation du Vlaams Belang contre ledite « Pacte de Marrakech » qui se termina devant la Commission européenne par des échauffourées violents avec la police.


Depuis, la « bande à Boutens » agit sous le nom de Project Thulé, dont l’emblème est un drapeau flamand frappé du « Soleil noir », le sigle du courant païen du parti nazi allemand. Son objectif : « travailler au sein du peuple flamand à la construction communautaire et la réévaluation identitaire ». Le second, Project Yggdrasil, basé à Sint-Niklaas (Flandre-Orientale), est lancé en juin 2020 par Rob Verreycken, un ancien cadre du Vlaams Belang, dirigeant-fondateur de feu le collectif Vlaanderen Identitair (VLI) et cadre du parti européen d’extrême droite Alliance for Peace and Freedom (APF). 

 

Au même endroit, il y avait aussi quelques affiliés du Mouvement Nation (également membre de l’APF) qui ont juste déployé, symboliquement, une banderole affirmant « Solidarisme : Ja-oui ! De Croo : Neen-non ! ». Au final, guère de risque d'être interpellé. Nation ? Combatif avant la manif, pas très téméraire pendant celle-ci.Le chef du Nationale Beweging (Mouvement national), sa branche flamande, Édouard (Eddy) Hermieun ancien maoïste des années 1970, passé ensuite chez les néonazis flamingants du VMO, s’attaquera néanmoins le lendemain, derrière son clavier d’ordinateur, à la « ministre du chaos domestique contre notre peuple » (sic), Annelies Verlinden, la ministre fédérale de l’Intérieur (CD&V). Hermie dénoncera « la violence d'État » qui de façon sélective, d’après lui, s’est uniquement attaqué aux « nationalistes » flamands stoppés dès leur entrée à Bruxelles, via la gare du Nord.



Rob Verreycken (à gauche), le chef du groupuscule flamand païen Project Yggdrasil, ce dimanche à Bruxelles.







L’EXTRÊME DROITE ABSENTE

Le reste de l’extrême droite s’est signalé par son absence totale au centre-ville de Bruxelles ou à l’Atomium. C’est le cas du Vlaams Belang et son groupe d’action Voorpost. Côté francophone, AGIR (ex-FN belge) et le Parti national européen (PNE) n’y étaient pas non plus. Créé il y a un an par l’ancien secrétaire général de Nation et d’autres de ses dissidents, depuis cet été, le PNE semble déjà à bout de souffle, malgré les projets grandioses formulés au moment de son lancement. Fondé par un ancien du FN belge, le Parti des Pensionnés, actif aussi sous l’appellation de Rassemblement Populaire Wallon (RPW), s’exprime beaucoup - sur Internet ! - pour contester les mesures gouvernementales anti-Covid-19, mais ne s’est pas non plus montré à la gare Centrale. Pour sa part, la Droite conservatrice, un énième groupuscule un temps rallié au PNE, étant à l’état de mort clinique, n’a plus donné signe de vie. Ni dans son fief du côté de Liège ni à la gare Centrale dimanche dernier.

 

RÉCUPÉRATION AVORTÉE

En Wallonie, depuis le début des premières manifestations d’opposition aux mesures sanitaires, seul le collectif En Colère s’est engagé concrètement sur le terrain. En septembre à Bruxelles, en octobre à Namur et à nouveau à Bruxelles, avec Valeurs nationales, à la fin de l’année 2020. Au bout de près d’un an de présence de la Covid-19 en Belgique, et le développement des signes de ras-le-bol dans plusieurs secteurs de la société, d’autres groupes d’extrême droite ont commencé à se mobiliser dans ce combat.

 

Stratégiquement dans un but bien précis : son infiltration. Comme cela avait été le cas lors des premières manifestations des gilets jaunes. Avant que les provocateurs nationalistes en soient exclus manu militari, à l’initiative d’activistes antifascistes. Cela fut également le cas en France où l’extrême droite locale n’eut très vite plus la capacité d’infiltrer les rangs de la contestation populaire débutée le samedi 17 novembre 2018 à Paris.

 

USTENSILES POUR UNE ÉMEUTE 

Dans les émeutes anti-couvre-feu aux Pays-Bas, des activistes néonazis, dont également des ultras de foot, y sont bien présents. Aguerris au combat urbain, ils participent dans les premiers rangs aux confrontations violentes avec les forces de l’ordre. Outillés du matériel nécessaire pour y parvenir. Un exemple que certains auraient voulu exporter en Belgique dimanche passé ?

 

Après l’arrestation préventive de « nationalistes » à la gare du Nord, la police de la zone Bruxelles-ville-Ixelles a trouvé des ustensiles utiles en prévision d’une émeute : gants d'intervention à coque rigide métallique, connus pour leur « souplesse et protection contre les éléments hostiles » (comme le scande une pub), couteaux, produits pyrotechniques, catapultes… (voir ci-dessous le tweet de la police bruxelloise). Les tentatives de provoquer des violences, par des professionnels d’extrême droite de l’action directe, lors de rassemblements citoyens restent bien réelles. 

 

 JULIEN VAN DEN BOSCHE

RésistanceS |Observatoire belge de l’extrême droite 




Ci-dessous : inventaire du « matos » trouvé chez des nationalistes flamands se rendant au rassemblement à Bruxelles, ce dimanche, contre les mesures sanitaires du gouvernement.







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