Il existe peut-être déjà un futur Dries Van Langenhove en Wallonie

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite Bruxelles | Vendredi 24 avril 2020 | 15 : 22


À l'extrême droite sur cette photo, Adrien Bajoux du Rassemblement wanzois lors d'une réunion, en janvier dernier, avec la Droite conservatrice, le Collectif identitaire liégeois et le Parti national européen © DR réseau social.


HISTOIRE D'UNE GLISSADE - Adrien Bajoux est un tout jeune homme. Il est né en 1998. Après un passage rapide au Mouvement des jeunes socialistes, il est passé dans les rangs de la droite radicale wallonne. Il montre déjà de redoutables talents de politicien. Avec son air de gendre idéal, sa relative aisance dans les débats, son arrivisme, ses études de Droit et ses idées radicales, il pourrait bien devenir le « Dries Van Langenhove wallon » - VOICI SON PORTRAIT PAR DENIS JANOWSKI

Ses idées sont des plus classiques. Admirateur pêle-mêle de l'ancien président français Sarkozy (son « père en politique » dixit), des toujours actuels premiers ministres hongrois Orban et israélien Netanyahou, des présidents américain Trump et russe Poutine, ainsi que plus près de nous du président-fondateur de feu le Parti populaire Modrikamen ou du jeune député fédéral du Vlaams Belang Dries Van Langenhove, il nourrit une haine solide envers les minorités. Tout ce qui diffère de la norme (c’est-à-dire de lui) le dérange. Le jeune Adrien Bajoux n’a rien contre l’homosexualité, sauf si elle se voit. Il tolère les « allochtones » à condition qu’ils se noient dans la population « belge ». Il affirme qu’il n’est pas contre les musulmans, seulement contre l’islamisme, mais associe pratiquement systématiquement délinquance, violences envers la police, incivilités et immigration musulmane. Il a tellement peur de l’autre qu’il voue un culte aux frontières et compte sur l’Europe (chrétienne) des Nations pour les maintenir fermées. Quant au féminisme, il constitue évidemment un danger pour notre démocratie.

Chrétien, royaliste, belgicain convaincu mais admiratif du Vlaams Belang, sans le nationalisme flamand, il rêve pour notre pays de ce qu’il appelle une « union des droites » au fédéral, à savoir la N-VA, le VB, le MR, l’Open VLD, le CD&V et le CdH. On le voit, rien de très original. Sauf…

Sauf que ce qui est marquant lorsqu’on consulte ses pages sur les réseaux sociaux, c’est que l’on y trouve un véritable pluralisme dans les commentaires de ses publications. Il ne semble pas du tout enfermé dans la « fachosphère » des plus classiques et laisse s’exprimer des opinions divergentes, fidèle en cela à son attachement pour la liberté d’expression, même s’il y répond parfois sèchement (« Je dis ce que je veux dans mon pays »).

Du socialisme au nationalisme
Son parcours est en revanche plus étonnant encore. En 2014, à 16 ans, il s’engage au sein de la section hutoise du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS). Motivé, aimant les débats et les confrontations d’idées, lecteur admiratif de Jean-Luc Mélenchon, le meneur populaire de la France insoumise, il a pourtant commencé à dériver lentement vers la droite. Il parlait des « fraudeurs sociaux », affirmait vouloir dépasser le « clivage gauche-droite », ne cachait pas son admiration pour Sarkozy. Tendu sur le plan idéologique, il finit par quitter, en décembre 2015, la section des jeunes du Parti socialiste.

Son véritable basculement politique n'arrivera qu'un peu plus tard cependant. Il est légèrement postérieur aux attentats bruxellois du 22 mars 2016 commis par la cellule belge de l'Organisation de l'État islamique. Six jours plus tard, sur son compte tweeter, il se montre encore opposé au fascisme, le mettant à égalité avec Daesh dans la lutte contre les valeurs démocratique. C'est à partir du mois suivant que l'on voit apparaître sur son compte des retweets du parlementaire libéral Alain Destexhe (MR), de la populiste libérale française Nadine Morano, des deux députés nationaux frontistes Gilbert Collard et Marion Maréchal, ou encore le toujours numéro deux du FN français Florian Philippot. Il s’y réjouit également de la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine de novembre 2016.

Pourtant, c’est au Mouvement réformateur qu’il s’inscrit vers la mi-décembre 2016. Profitant du vide existant dans sa région, il fonde immédiatement les Jeunes MR de la Vallée mosane qui vont s’étendre sur cinq communes de l'arrondissement de Huy-Waremme, dont celle où il habite, Wanze (13.570 habitants). Il est élu président de la section des jeunes libéraux le 1erjanvier 2017. À l’époque, il exprime déjà souvent son désaccord avec le MR de Wanze qui a accepté de former une « coalition d’ouverture » avec le PS qui avait obtenu une majorité absolue. Sa haine de la gauche est déjà viscérale et son admiration pour des représentants de l’extrême droite s’exprime largement sur les réseaux sociaux. Au sein du MR, il est très proche idéologiquement du toujours parlementaire Alain Destexhe et de son mentor idéologique, le philosophe de droite Drieu Godfridi.


Une photo inédite d'Adrien Bajoux à l'époque où il militait dans les rangs du Mouvement des jeunes socialistes (MJS). Depuis, il est bel et bien passé à l'extrême droite © Ridaf


Nationalisme populaire
En avril 2018, à l’approche des élections communales, il quitte finalement le MR pour le Parti Populaire (PP) de l'avocat Mischaël Modrikamen où il pourra assumer pleinement sa radicalité. Il a beau clamer qu’il ne cherche pas un poste, le voilà, profitant à nouveau d’un vide local, président de la section PP (regroupant une dizaine de personnes) de sa commune, Wanze, et tête de liste aux communales du 14 octobre 2018. Il obtient 166 voix de préférence. Pour la Province, il était 3esur la liste pépéiste et obtiendra 388 voix de préférence.

Aux élections régionales du 26 mai 2019, Bajoux est tête de liste du PP pour le canton de Huy-Waremme. Après une campagne électorale intense, notamment avec un spot vidéo diffusé sur Youtube, où il excelle dans une imitation de la communication politique de Nicolas Sarkozy, il obtient 879 voix de préférence, soit le meilleur score de son parti dans le canton.

Les résultats des élections régionales et fédérales, catastrophiques pour la droite populiste et l'extrême droite wallonnes, ont eu pour conséquence de multiples mouvements et modifications au sein de la nébuleuse qu'elles représentent désormais ensemble. On se souvient par exemple du schisme au sein du Mouvement Nation orchestré par son secrétaire général de l'époque, Olivier Balfroid, et d'autres membres de sa direction, ou celui ensuite de Leticia Knevels, la présidente de sa section liégeois. Sur les décombres du Parti populaire, une partie de ses cadres devenus orphelins a formé, avec le parti La Droite (issu d'une ancienne dissidence du PP) et des transfuges des Listes Desthexe, une nouvelle formation sous le nom de la Droite populaire. D'autres du PP constitueront d'autres micro-partis, comme le Rassemblement populaire (RP) - qui changera de nom en été pour devenir Identitaire & Démocrate (ID) - ou la Droite Conservatrice de Valérie Appeltants . Pour ce qui nous intéresse ici, à l'occasion de la dissolution du PP au début du mois de juin, Adrien Bajoux va s'adresser personnellement, une dernière fois, sur son compte Facebook à son président-fondateur. « Je souhaite rendre hommage à Mischaël Modrikamen et à l'engagement qui a été le sien durant les dix dernières années. Il fut un des rares Hommes [sic] en politique à toujours penser à l'intérêt général avant la culture des égaux [sic] et la lutte de personnes. [...], il ne rêvait que d'une chose : soutenir et porter haut une jeunesse qui aimait son pays et qui ne voulait pas le voir s'éteindre à petit feu. J'ai appris beaucoup au Parti Populaire. Je ne remercierai jamais assez ce parti, ses cadres et ses membres pour le soutient [sic] qui a été le leur. Mischaël Modrikamen quitte la vie politique. Mais les idées et les valeurs qu'il a porté [sic] ces dix dernières années seront toujours présentes », écrit-il.Avec cette conclusion en vœu d'engagement, il poursuit : « Nous continuerons le combat. Il fait désormais partie de ces grand [sic] Hommes pour qui j'ai énormément d'estime. Il rejoindra Nicolas Sarkozy dans le rang des Hommes qui sont pour moi des modèles au quotidien dans la poursuite de mon combat politique ! ».

Dans ce sens, le 25 septembre 2019, la désormais ancienne section locale de Wanze du Parti populaire devient le Rassemblement wanzois (RW). Avec à sa tête, dès janvier 2020, notre vieille connaissance, le jeune Adrien Bajoux.


Réunion, en février dernier, entre le Rassemblement wanzois d'Adrien Bajoux, la Droite conservatrice de Valérie Appeltants et le Collectif identitaire liégeois de Leticia Knevels, dans un local de la commune de Wanze où se déroulait déjà les réunions de la section locale du Parti populaire que dirigeait à l'époque le même Bajoux © DR réseau social.


Rassemblement des Droites
Pour l’heure, Adrien Bajoux œuvre lui aussi, avec d'autres, pour un rassemblement des extrêmes droites wallonnes, même s’il est nationaliste belgicain. En janvier dernier, il entre en contact avec les anciens dirigeants dissidents du Mouvement Nation, Olivier Balfroid, président depuis du jeune Parti national européen(PNE), et Leticia Knevels qui a mis sur pied au même moment le Collectif identitaire liégeois (depuis devenu l'association Valeurs nationales) , ainsi que l'ancienne responsable à Visé du PP, Valérie Appeltants, fondatrice de la Droite conservatrice (DC), et Maxime Grégoire, alors toujours meneur principal d'Identitaire & Démocrate (ID). Bajoux a le souhait de rejoindre leur « cartel citoyen », formé en décembre 2019. Avec cet objectif, il les a tous invités à Wanze. Le mois suivant, une seconde réunion a lieu, dans le local à Wanze où se réunissait auparavant le Parti populaire local. Sont présents : le Rassemblement wanzois, le Collectif identitaire liégeois et la Droite conservatrice. Le PNE en a été exclu, suite à un conflit entre Jean-Pierre Borbouse, son secrétaire politique (sur le long parcours politique de Borbouse, lire notre article du 9 mars 2017 Le Front national belge va continuer d'AGIR) et Valérie Appeltants. Autre absence également remarquée, celle du minuscule parti Identitaire & Démocrate. Après l'intervention de Maxime Grégoire, son principal dirigeant, au congrès de fondation officielle du PNE, en janvier, celui-ci, enseignant dans une école, a eu des ennuis professionnels. Depuis, ID ne s'affiche plus publiquement.

Suite à cette seconde réunion, sans le PNE et ID, naîtra un nouveau « cartel citoyen » sous le nom de « Rassemblement des Droites ». Dont le Rassemblement wanzois souhaite être l'un des principaux leviers. Cette unification, certes limitée autour du RW, de la DC et de VN (Valeurs nationales, l'association de Letitia Knevels qui succède au Collectif identitaire liégeois), pourrait à l’avenir constituer un autre embryon de l’extrême droite wallonne, après le Mouvement Nation, le Parti national européen et la formation politique AGIR constituée par le « canal historique » de l'ancien Front national belge.

Une évidence, l'intégration d'Adrien Bajoux à ce projet pourrait susciter une double situation. D'abord, sa forte personnalité et son âge profiteront à ceux qui rêvent d'avoir enfin en Wallonie un jeune leader charismatique pour les propulser à l'avant-scène. Dans une mouvance constituée d'amateurs dans le domaine politique ou de vieux militants folkloriques, Adrien Bajoux se démarque. Il a en effet toutes les allures d'un Jordan Bardella (24 ans) en France, tête de liste du Rassemblement national aux dernières Européennes, ou d'un Dries Van Langenhove(26 ans) en Flandre, le fondateur de l'organisation de jeunesse Schild & Vrienden qui a été élu député fédéral, en mai dernier, pour le compte du Vlaams Belang. Mais vu son bagout, Bajoux devra alors affronter les égos sur-dimensionnés déjà bien présents dans l'extrême droite et la droite nationale-populiste wallonnes. Cela pourrait dès lors encore plus atomiser celles-ci lors de la constitution des listes électorales où la désignation des têtes de liste donne toujours lieu à une véritable « guerre des places ».

On le voit, par son dynamisme, son ambition, son capital sympathie, son niveau d’études et ses idées dangereuses, Adrien Bajoux est un homme à suivre de près. Avant qu'il ne devienne le « Dries Van Langenhove wallon ».


DENIS JANOWSKI
RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite





QUI EST L'AUTEUR DE CET ARTICLE ?

Recruté par la rédaction du journal RésistanceS tout récemment durant le confinement actuel, Denis Janowski est une personne très active dans divers domaines. Enseignant de français, il est actuellement détaché auprès d'une association étudiante d'éducation permanente active, notamment, sur le campus de l'Université Libre de Bruxelles (ULB). Son article sur le parti la Droite conservatrice est sa première contribution pour le journal RésistanceS. Denis Janowski se prépare déjà pour la rédaction d'autres articles.

Précédant article de Denis Janowski : La Droite conservatrice, un des mini-partis d'extrême droite wallon, se structure légalement (publié le 15 avril 2020).




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