Ce dimanche, les nostalgiques de la milice néonazie VMO se réuniront près d’Anvers

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite  | Vendredi 19 février2020  | 15 : 05

Défilé paramilitaire dans les années 1970 en Flandre du Vlaamse militanten orde (VMO) conduit par son chef Bert Eriksson © DR



SUR LE FRONT FLAMAND – Un mouvement d’extrême droite belgicaine mobilise ses troupes pour se rendre dans trois jours à Schoten, une petite commune à quelques minutes de la ville de Bart De Wever. Dépôt de fleurs aux soldats morts pour la Patrie et discours sont au programme. Deux groupuscules néonazis flamands y seront sur place, avec une jeune ancienne élue du Vlaams Belang. Celle-ci est aussi une adhérente de Schild & Vrienden. Cette organisation a été fondée par un député fédéral du VB, sur le modèle de Génération identitaire, en cours de dissolution par le gouvernement français. Ils sont tous des nostalgiques du Vlaamse militante orde (VMO), une milice paramilitaire de la fin du siècle dernier. Ce dimanche à Schoten, des affrontements violents sont possibles vu le pédigrée de ceux qui devront y être présents  – PASSAGE EN REVUE DES TROUPES

 

Ce mardi, le Mouvement Nation a lancé un appel à la participation d’une action programmée dans une petite commune flamande à 10 kilomètres d’Anvers, peuplée de 33 000 habitants et dirigée par un bourgmestre de la Nieuw-Vlaamse Alliantie(N-VA), six échevins du même parti et un seul de l’Open VLD (libéral flamand). Cette action devrait avoir lieu dimanche prochain. Son organisateur est le chef - et quasi unique membre - de sa branche flamande. « Edouard Hermy, vice-président de Nationale Beweging/NATION appelle (avec d’autres amis flamands) à un rassemblement le dimanche 21 février à Schoten (près d’Anvers) dans la propre commune de la Ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden », informe la propagande de ce groupuscule belgicain d’extrême droite « national-solidariste ». Cette mobilisation veut dénoncer la répression opérée contre « les nationalistes » qui rejoignaient, le dimanche 31 janvier dernier, la gare Centrale de Bruxelles pour participer à un rassemblement contre les mesures sanitaires gouvernementales pour mettre fin à la pandémie de la Covid-19 (voir lien après l’article).

 

Le groupuscule - qui souhaite depuis 2012 remplacer sans succès l’ancien Front national belge de Daniel Féret - évoque dans son ordre de mobilisation que l’action proposée officiellement par le Nationale beweging (Mouvement national) est appelée avec « d’autres amis flamands» de Nation. Sans plus de précision. Sans doute pour ne pas révéler à ses sympathisants pour qui la Belgique unitaire reste d’actualité, la vraie nature idéologique de ces camarades du Nord. Manque de pot pour le Mouvement Nation, le journal RésistanceS peut préciser dans le détail de qui il s’agit.


Les logos des nouveaux groupuscules d’extrême droite flamands pour qui le modèle reste le VMO, dont l’emblème était la rune germanique d’Odal, repris maintenant par la « Légion flamande » (à gauche de votre écran) – Doc. RIDAF-Antwerpen.


 


LES AMIS FLAMANDS DE NATION

Le programme du rassemblement à Schoten contre la ministre fédéral de l’Intérieur du Christen-Democratisch en Vlaams(CD&V) est bien huilé. Ce dimanche, il y aura d’abord un hommage et un dépôt de fleurs au monument national des soldats morts pour la Patrie (belge). Une heure plus tard, débutera une assemblée publique au centre sportif De Zeurt. Les orateurs annoncés sont Herve Van Laethem, le président-fondateur du Mouvement Nation, Édouard Hemy, le président-fondateur du Nationale bewenging, et  une jeune militante du nom de Carrera Neefs.

 

Carrera Neefs ? Aux élections communales de 2018, à l’âge de 22 ans, elle est élue au conseil communal de Wuustwezel (province d'Anvers), sur la liste locale de la N-VA. Quatre mois plus tard, elle est exclue du parti nationaliste de Bart De Wever pour indiscipline. Après une petite période comme « indépendante », elle rejoint le banc du Vlaams Belang. Elle participe ensuite aux actions de ses jeunesses, les Vlaams Belang Jongeren(VBJ), se fait photographier lors de fêtes locales du parti avec ses principaux dirigeants : Filip Dewinter, le leader du canal historique du VB, Tom Van Grieken, son président... Carrera Neefs fait encore partie de la section féminine de Schild & Vrienden (S&V), une milice fondée en 2017 sur le modèle de l’organisation française Génération identitaire (GI), par Dries Van Langenhove, élu député fédéral à l’âge de 26 ans du Vlaams Belang en mai  2019. Six mois plus tard, S&V se déplace jusque Paris, avec de nombreux drapeaux nationalistes flamands,  pour participer à une manifestation anti-musulmane dans le cortège de GI. Carrera Neefs fait partie du voyage.

 

Jusqu’ici rien de bien grave, diront les naïfs. Cette jeune nationaliste flamande en novembre 2020 décide de fleurir, à l’occasion de l'Armistice, la tombe d’un soldat SS néerlandais. Sans aucun complexe, Neefs va publier ensuite une photo de son dépôt avec le commentaire suivant : « Je n’oublie pas ces personnes-là non plus ». Ce qui fera un tôlé. Membre du Vlaams Belang depuis peu, la médiatisation de cet acte nostalgique avec la période nazie du continent européen lui vaudra son exclusion de ce parti d’extrême droite. Qui tolère depuis toujours les nazis dans ses rangs - ils sont mêmes ses fondateurs - mais ne peut se permettre la diffusion de leur forfait à l’heure de la communication massive tous azimuts sur les réseaux sociaux. « Buiten » donc la jeune nervis de l’Ordre nouveau. Ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre le combat national-flamand. Depuis plusieurs semaines, Neefs fait la promotion autour d’elle du Nationale bewenging, dont elle est membre. Flamande indépendantiste jusqu’à présent, elle vient de rejoindre un mouvement belgicain nostalgique de la « Belgique de papa ». Force est de constater que Carrera Neefs n’est pas à une contradiction près. 

Outre cette jeune fanatique qui s’est radicalisée en quelques mois, la manifestation du Nationale Beweging va encore recevoir le soutien d’autres radicaux flamands. C’est le cas de ceux du Project Yggdrasil Waasland (PYW). Sur le Net, PYW a annoncé sa présence ce dimanche à Schoten. Ce groupuscule flamand, identitaire néopaïen, indépendantiste et donc anti-Belgique, précise cependant qu’il n’est pas « impliqués dans l'organisation de cet événement, mais malgré [leurs] divergences d'opinion, respecte ceux qui essaient de descendre dans la rue contre la dictature actuelle. » PYW appelle dès lors ses quelques affiliés à être présents sur place. Fondé cet été, PYW est conduit par Bob Verreycken. Ancien cadre et élu du Vlaams Belang, en 2015, il fonde les Vlaanderen Identitair (VLI), un groupuscule flamand éphémère dont le modèle est encore l’organisation française Génération identitaire. Le partenaire francophone des VLI est alors déjà le Mouvement Nation (voir la notice des VLI dans le Dico de l’extrême droite flamande via le lien à la fin de l’article).


Un autre groupe du même acabit, appelé Project Thule, mobilise aussi ses militants pour être sur place dimanche à Schoten. Fondé en été 2019, ce groupe identitaire est conduit par Tomas Boutens, ex-militaire de carrière, comme Hervé Van Laethem. Il y a quinze ans, le même Boutens avait été arrêté et condamné comme chef de Bloed, Bodem, Eer en Trouw (BBET, « Sang-Terre-Honneur et Fidélité », une devise national-socialiste). Cette dissidence radicale de Blood & Honour, un réseau néonazi transnational, avait été démantelée avant qu’elle ne commette des actions terroristes selon une enquête judiciaire serrée. Après ses longues années de prison, à sa sortir, Tomas Boutens reprend du service. Il fonde le moto club nazi-païen Mjölnir. Son univers reste celui de la mythologie germano-scandinave (il est l’auteur de livre sur le sujet), la même que celle du courant politico-religieux fanatiques des SS, l’élite du Troisième Reich hitlérien. En décembre 2018, avec d’autres motards de Mjölnir, Boutens est présent à Bruxelles à la marche du Vlaams Belangcontre ledit « Pacte de Marrakech » du gouvernement fédéral de Charles Michel. Des incidents violents opposeront les forces de l’ordre à des nationalistes flamands devant le siège de la Commission européenne. Élevés au rang d’une « bataille » de la cause national-flamande, ces affrontements avec la police de l’État belge veulent être systématiquement remis à l’ordre du jour des démonstrations de force des plus ultras (sur cette « Marche » voir notre reportage exclusif ici). 

 


Édouard Hermie (à gauche) dans les années 1970 en uniforme du VMO, lors d’une de ses manifestations – Doc. RIDAF-Antwerpen.



LES WALLONS « EN COLÈRE » À SCHOTEN

Le 31 janvier dernier, une dizaine de militants du PYW et du Project Thuleavait fait le déplacement à Bruxelles, au pied de l’Atomium, pour manifester contre les mesures sanitaires du gouvernement, avec des militants de Nation. Le même dimanche et pour une identique raison, devant la gare Centrale de Bruxelles, une dizaine d’activistes wallons de l’association Valeurs Nationales (VN) et du collectif  En Colère (voir lien à la fin de cet article) y étaient aussi.

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Depuis plusieurs jours, ce dernier mobilise ses quelques militants de Mouscron, Namur, La Louvière et Liège pour se rendre à Schoten. Le fondateur de ce collectif hyperactif depuis l’été 2021, Grégory Bourguignon, est un ancien cofondateur en septembre 1999 du « Mouvement pour la Nation », le premier nom de Nation, et se déplaçait déjà en Flandre pour participer aux défilés martiaux de ses amis néonazis flamands des Autonome nationalisten Vlaanderen (ANV). L’un des fondateurs du collectif En Colère est d’ailleurs le premier chef des ANV. D’autres survivants de ces derniers font partie maintenant de la mouvance militante de PYW et du Project Thule (sur cette mouvance : voir plus bas).

 

Malgré les désaccords politiques avec Nation, dont les créateurs d’En Colère sont des dissidents, ces Wallons monteront dimanche dans le nord du pays. Force est de constater que cette extrême droite lézardée par de vieux conflits interminables peut parfois se retrouver ensemble. Ils garderont cependant sur le terrain une distanciation sociale, pour cause de Covid-19, mais également une distanciation politique, comme cela fut le cas le 5 février dernier à Couvin (province de Namur) durant un rassemblement hétéroclite contre les « mesures liberticides » prisent par la « dictature sanitaire » (sic). 



Jeunes néonazis, flamands et wallons (dont un futur cadre liégeois de Nation, le majeur tendu), dans les années 1980
au siège anversois du VMO – Photo : Archives RIDAF-Antwerpen.
 

LE RETOUR DU VMO EN FLANDRE

Les « amis flamands » de Nation du Project Yggdrasil Waasland et du Project Thule font partie de Vrij Verzet (Résistance libre), un réseau regroupant deux autres groupuscules identitaires purs et durs : la Vlaams Legioen et les Vlaamse Klauwaards. Le modèle historique de ceux-ci est le Vlaams militanten orde (VMO). Fondé en 1949, il devient le service d’ordre de la Volksunie (VU), le parti catholique nationaliste flamand ancêtre commun du Vlaams Belang et de la Nieuwe-Vlaamse alliantie. L’Ordre militant flamand quitte les rangs de la VU après son tournant soixante-huitard à la fin des années 1960. Devenu autonome de tout parti politique, il se transforme en milice paramilitaire très active : camps d’entrainement dans les Ardennes, manifestations en uniforme, avec casques et boucliers, dans les rues anversoises ou des communes francophones en région flamande, dans la périphérie bruxelloise et dans les Fourons, ratonnades nocturnes contre des étrangers et des gauchistes isolés, formations idéologiques, diffusion de la propagande négationniste, réhabilitation du Troisième Reich et de leurs collaborationnistes, hommages aux soldats de leurs guerres de jadis, dont les volontaires de la SS Flamande, des dignitaires nazis, comme Rudolf Hess, le bras-droit d’Adolf Hitler, etc. Le VMO soutient l’Afrique du sud à l’époque de l’apartheid, dont sa législation nazie de « séparation des races » est un modèle qui doit être exporté en Europe. Avant l’expulsion de tous les immigrés extra-européens. Le VMO est devenu une véritable secte regroupant des nostalgiques de la Flandre nazie qui a existé de 1940 à 1944.

 

Les deux principaux organisateurs de la manifestation du dimanche 21 février 2021 à Schoten sont des anciens du VMO. Hervé Van Laethem, le président-fondateur de Nation, a été de 1986 à 1988 le chef de sa section bruxelloise francophone. Plus vieux, Édouard Hermie, le président-fondateur du Nationale Bewenging, était déjà un adhérant actif de l’Ordre militant flamand dans les années 1970. Une feue milice néonazie qui reste encore un modèle positif pour la jeune nationaliste Carrera Neefs et ses camarades de Schild & Vrienden. Bob Verreycken et Tomas Boutens, les dirigeants des projets Yggdrasil Waasland et Thule, se voient bien en nouveau Bert Eriksson, le dernier chef du VMO, également père politique de Van Laethem et Hermie. Pour sa part, la Légion flamande (Vlaams Legioen) a choisi pour emblème la rune germanique d’Odal, celle qui fut le sigle du VMO. Le monde des nostalgiques en Belgique de l’Ordre nouveau est vraiment un petit club qui tourne sur lui-même.

 

Pour l’heure, sur le Net, aucune trace de mobilisation de la Vlaams Legioen et des Vlaamse Klauwaards, pour la manif de dimanche de Nation à Schoten. Une évidence, ils y seront, comme d’autres nazillons encore, motards et supporters ultras de football compris. En novembre 2019, une délégation de Schild & Vrienden s’y était déjà rendue pour déposer une couronne de fleurs au pied du monument en hommage des morts pour la Patrie durant les deux guerres mondiales, comme le fera le 21 février prochain le Nationale Bewenging, avec ses « amis flamands » et la délégation du collectif wallon En Colère.

 

Cette manifestation démontre la nouvelle phase de radicalisation de l’extrême droite groupusculaire flamande et francophone, après l’échec successif de ses expériences aux élections. Quand la voie électorale est sans issue, le recours à des actions musclées tout naturellement se reprogramme. Le retour d’un nouveau VMO reste un fantasme toujours bien d’actualité. Ses bases de refondation auront-elles lieu dimanche prochain à quelques kilomètres de la ville de Bart De Wever, dont le père était un « vieux camarade » du créateur du Vlaams Blok de l’époque du VMO ?

 

 

JULIEN VAN DEN BOSCHE

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite  



 


Cortège du VMO à un défilé du parti néonazi allemand NPD en 1977 à Frankfurt. Les deux dirigeantsdu VMO, Werner Van Steen et Bert Eriksson, s’attaquent avec d’autres miliciens flamands à des contre-manifestants antifascistes allemands – Photo Archives RIDAF-Antwerpen.







PLUS D’INFOS SUR CETTE MOUVANCE NAZIE BELGE   

 

  • Sur le Project Thule  ici
  • Sur les Vlaanderen identitair (VLI), l'ancêtre du Project Yggdrasil Waasland  ici
  • Sur le Mouvement Nation, tous nos articles ici
  • Sur le collectif En Colère ici
  • Sur les Autonome nationalisten Vlaanderen (ANV), tous nos articles ici


+ D'INFOS sur le journal RésistanceS 


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