La Droite conservatrice, un des mini-partis d'extrême droite wallon, se structure légalement

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite | Mercredi 15 avril 2020 | 18 : 48


Valérie Appeltants, la cofondatrice de la Droite conservatrice, en janvier dernier lors d'une réunion d'un cartel qui fut des plus éphémères © DR.

NOUVELLES DU FRONT - Un parti est récemment apparu dans la galaxie de l’extrême droite francophone. Son nom : la Droite conservatrice (DC). Si sa structure est nouvelle, en revanche, ni ses fondateurs ni ses membres ne sont des inconnus - RADIOSCOPIE PAR DENIS JANOWSKI (NOUVEAU MEMBRE DE NOTRE RÉDACTION).


Adrien Jassogne, le président-fondateur de la Droite conservatrice (DC) par simple changement de nom de son Mouvement conservateur (MC), apparu au début de l'année 2019, est un ancien policier adepte des théories habituelles de la fachosphère. Son mouvement était, selon lui, lié au Fidesz de Viktor Orban, le premier ministre hongrois. Il faut savoir que Jassogne s'est exilé en Hongrie d’où il dirige un réseau belgo-hongrois de soutien au premier ministre. Son but est de « lutter contre l’impérialisme européen », rien moins.

La vice-présidente de la DC se nomme Valérie Appeltants. Cette dernière se présentait au début 2019 comme une « citoyenne apolitique ». Or, elle a été secrétaire parlementaire du seul député fédéral du Parti populaire (PP) de Mischaël Modrikamen et également la présidente de sa section communale à Visé. En août 2017, informée d'une tentative de putsch – fomenté notamment avec l'avocat belge de Marine Le Pen - contre le président du PP, Appeltants l'informe, puis quitte le PP. 


Valérie Appeltants avec Théo Francken,
le leader de l'aile d'ultra droite de
la N-VA © DR.
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Le duo Jassogne-Appeltants, en février 2019, tente d'organiser à Verviers une conférence de Théo Francken, tout récent ex-secrétaire d'État fédéral de la N-VA à l'Asile et à la Migration du gouvernement conduit par le libéral francophone Charles Michel. Face à la mobilisation antifasciste, la conférence est empêchée. Furax, Valérie Appeltants dépose plainte contre la bourgmestre de Verviers qui a interdit au final la venue de Francken dans sa ville. Ses deux avocats sont des têtes bien connues : l'un est le fondateur de Valeurs Libérales Citoyennes (VLC), une scission du PP, l'autre, un ex-membre du Front national belge.

En mai, le Mouvement conservateur de Jassogne-Appeltants appelle à voter pour les élections régionales et fédérales pour le Mouvement Nation en Wallonie et le Vlaams Belang à Bruxelles. En octobre, ensemble, Adrien Jassogne et Valérie Appeltants se rendent à Rome pour participer à une manifestation d'extrême droite conduite par Matteo Salvini. Ils le reverront, moins de deux mois plus tard, à Anvers au meeting de l'extrême droite européenne organisé par le Vlaams Belang. Fana indéfectible de Matteo Salvini et du Vlaams Belang, Appeltants est également une adepte de la « soupe maison », une soupe distribuée aux démunis contenant du porc afin d’exclure les musulmans de cette « bonne œuvre ». Dans la foulée, Jassogne et Appeltants annoncent la fondation officielle de la Droite conservatrice qui remplace dès lors leur Mouvement conservateur. Mais, le duo ne tiendra pas : Jassogne disparaîtpeu après sa création. C’est donc Valérie Appeltants, sa vice-présidente, qui reprend la présidence du nouveau parti. 



Les pro-Orban Adrien Jassogne et Valérie Appeltants, à Rome, en octobre passé, lors d'une manifestation d'extrême droite pour soutenir Matteo Salvini © DR.


Un rejeton du PP
Née notamment sur les cendres du Parti populaire (PP) et ancrée surtout dans la région liégeoise, la Droite conservatrice compte parmi ses cadres une large proportion d’anciens du PP. Citons Daniel Rogister, 17sur sa liste déposée à Verviers aux communales d’octobre 2018, Jérôme Corduant qui, avant d’y adhérer en 2018, appelait à voter pour Démocratie Nationale (DN), une scission du défunt Front national belge créé par l'ex-député fédéral Patrick Cocriamont, ou encore Nicolas Lejeune, un fan de Salvini, ancien président des Jeunes PP qui occupe désormais le même poste au sein de la DC. Certains membres montrent sans complexe leur admiration pour l’Ordre Nouveau, comme François Stevens, qui en mars 2020 a remplacé sa photo de profil pour celle de Léon Degrelle, disant de lui « Le pays en a besoin ».

Mais la véritable surprise du chef se trouve dans la présence, au ronflant poste de « consultant », de Jean-Claude Goblet. Depuis plusieurs années, ce petit chef d’entreprise wallon à la retraite, et frère de Marc Boblet, l’ancien dirigeant de la FGTB, côtoie des groupuscules nationalistes actifs en Wallonie. En juin 2016, le web-journal de RésistanceS révèle ainsi la participation de Goblet à une réunion du FN belge « canal historique », dont il était pressenti pour devenir le... consultant. Il passe aussi brièvement par le PP et sa dissidence Valeurs libérales citoyennes (VLC) de l’avocat hutois Chansay-Wilmotte, grand défenseur de militants (dont Appeltants) et causes d’extrême droite, et fréquente l’Alliance Identitaire Ardennaise (AIA), du très folklorique Dimitri François, dont le procès pour racisme, en attente de jugement, s'est tenu au début du mois de mars, avec pour co-inculpé un certain Olivier Buys... le porte-parole du Mouvement Nation.

Un programme qui brille par sa banalité
Inutile de nous appesantir sur le programme de la Droite conservatrice. Nous y retrouvons les mêmes thèmes que dans tous les partis d’extrême droite classique : identité nationale, valeurs traditionnelles, sécurité, immigration, socialisme wallon, mépris envers les ONG, les ASBL et les syndicats, anti-européisme, etc.

Petites originalités tout de même, le revenu de base à 1000 € et la Belgique constituée d’une confédération des neuf anciennes provinces. Ce qui fut déjà au programme de la précitée Alliance Identitaire Ardennaise.



Adrien Jassogne et Valérie Appeltants avec Matteo Salvini,
lors du meeting de l'extrême droite européenne à Anvers,
en décembre 2019, sous l'égide du Vlaams Belang © DR.

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Vie et mort d’un cartel
De décembre 2019 à la fin du mois de janvier 2020, diverses réunions ont eu lieu en vue de coaliser des groupes d’extrême droite wallons autour du Parti National Européen (PNE). Ce tout nouveau parti, il est né en décembre 2019 de la dissidence du Mouvement Nation opérée trois mois plus tôt par Olivier Balfroid, alors son secrétaire général, regroupe la moitié de ses dirigeants et de ses membres. Le PNE tente de rallier à lui quelques-uns des nombreux groupuscules « nationalistes », « patriotiques » et « identitaires » que compte encore la Wallonie.

Ainsi, le 21 décembre 2019, quelques jours à peine après le lancement du PNE et de la Droite Conservatrice, Balfroid et Appeltants se retrouvent autour d’une table de réunion avec le minuscule parti Identitaire & Démocrate (ID) de Luc Lowie et de Grégoire Maxime, deux anciens du PP, et des membres de l’ancienne section liégeoise de Nation ayant elle aussi fait sécession, menée par la désormais bien connue Letitia Knevels. Tout semble se passer au mieux durant cette réunion même si ce rapprochement entre d’anciens membres du PP et d’anciens membres de Nation peut paraître quelque peu contre nature lorsque l’on se rappelle les échanges virulents qui ont eu lieu entre ces deux formations au moment des élections régionales et fédérales de mai 2019.

Le 7 janvier 2020 a lieu une nouvelle réunion à laquelle participent Olivier Balfroid du PNE, Grégoire Maxime et Luc Lowie pour Identitaire & Démocrate (bientôt totalement absorbé par le PNE), Letitia Knevels et, pour la DC, Jean-Claude Goblet, Nicolas Lejeune et Valérie Appeltants.

Dix jours plus tard, une nouvelle réunion permet de déboucher sur une appellation commune, « Cartel Citoyen », sur un programme et sur une charte. Le 25 janvier, le congrès fondateur du PNE est marqué par la présence des membres du nouveau cartel (appelé cette fois « cartel patriote ») rejoint entretemps par le comité « Mouscron en colère », groupuscule fréquenté par des néo-nazis notoires, piliers du PNE, parmi lesquels Christian Berteyran par ailleurs ami personnel d’Olivier Balfroid. Le 31 janvier, les représentants du Cartel ont été invités à rencontrer des membres du Rassemblement wanzois. Ce micro-parti regroupe les anciens membres de la section du PP de Wanze. Tout semble là aussi s’être bien passé.

Mais, le 26 février, patatras ! Un cartel baptisé « Rassemblement des droites (Cartel citoyen) » apparait sur la carte de l’extrême droite wallonne. On y retrouve le Rassemblement wanzois, le Collectif identitaire liégeois de Leticia Knevels et la Droite conservatrice de Valérie Appeltants. Où est passé le PNE ? Aux oubliettes ! Les raisons ? Des questions d’égo, semblerait-il, ce qui ne nous étonnera pas, le PNE voulant être aux commandes du Cartel. À en croire certains, c'était d'ailleurs la zizanie entre le secrétaire politique du PNE, Jean-Pierre Borbouse, un des anciens députés régionaux wallons du FN, et Valérie Appeltants, dont le caractère peut parfois être très colérique. Ce « Rassemblement des droites » lui non plus d’ailleurs ne survivra pas longtemps.

Parmi les membres de la direction de la Droite conservatrice, il y a un fan inconditionnel de Léon Degrelle. L'ex-chef de Rex est au centre de cette photographie exceptionnelle, prise lors d'un meeting de l'extrême droite espagnole en 1977 © Archives RIDAF-RésistanceS.


Rare élément stable dans tous ces mouvements, l’entente actuelle entre Valérie Appeltants et Leticia Knevels, qui date du soutien apporté par cette dernière à la conférence avortée de Théo Francken, semble se maintenir. Et si l’on sait que Knevels avec son collectif rebaptisé Valeurs Nationales (dont les statuts officiels sont une copie conforme de ceux de la Droite conservatrice) s’est fortement rapprochée ces derniers temps d’AGIR de Salvatore Nicotra, on pourrait voir naître un cartel de plus dans ce paysage de l’extrême droite wallonne décidément bien morcelé et bien instable.


DENIS JANOWSKI

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite





QUI EST L'AUTEUR DE CET ARTICLE ?

Recruté par la rédaction du journal RésistanceS tout récemment durant le confinement actuel, Denis Janowski est une personne très active dans divers domaines. Enseignant de français, il est actuellement détaché auprès d'une association étudiante d'éducation permanente active, notamment, sur le campus de l'Université Libre de Bruxelles (ULB). Son article sur le parti la Droite conservatrice est sa première contribution pour le journal RésistanceS. Denis Janowski se prépare déjà pour la rédaction d'autres articles.



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