La Coordination patriotique a implosé en plein vol au profit d'AGIR

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  Dimanche 30 septembre 2018 22 h 00


Salvatore Russo (Nouvelle Wallonie alternative), Hervé Van Laethem (Nation), Jean-Pierre 
Borbouse (ex-FN belge) et Joseph Franz (Parti des pensionnés). Photo réseau social.

DOSSIER SPECIAL ÉLECTIONS 2018 (épisode 2/9) – Le mouvement Nation a tenté de rassembler autour de son sigle divers petits clans frontistes éparpillés en Wallonie. Sous le label d'une « Coordination patriotique ». L'opération d'union a fini par imploser en plein vol, bien avant son atterrissage prévu le 14 octobre prochain. Serait-ce au profit du « nouveau » parti AGIR ? – PETITE HISTOIRE D'UNE ÉNIÈME UNITÉ AVORTÉE.


Fondé par des dissidents et des exclus du Front Nouveau de Belgique (FNB), une scission du Front National belge (FN) apparue en 1995,Nation est un mouvement d'action et à vocation électorale. Composé notamment de skinheads NS, il existe depuis bientôt 20 ans. Présent à plusieurs élections, il n'a cependant jamais réussi à faire élire un seul de ses candidats. 


Une coordination patriotique pour récupérer « l’effet Le Pen »
Depuis l'interdiction de la « marque FN » dans notre pays
en 2012, suite aux poursuites judiciaires enclenchées par Marine Le Pen, ce mouvement « national-solidariste » tente de récupérer en Belgique francophone les électeurs orphelins du lepénisme.

Dans l'objectif de faire enfin élire ses premiers élus, Nation scande toujours à tue-tête qu'il est « 
la seule alternative, l'unique opposition » (sic) à la droite de la droite. Ce n'est évidemment pas le cas, comme le démontre notre dossier élections.

Néanmoins, dans le but de récupérer le 
leadershipde l'extrême droite, détenu de 1985 à 2012 par le Front national, le mouvement Nation initia la création d'une « Coordination patriotique », voici plus d'un an, dans le but de « présenter le plus grand nombre possible de listes aux élections communales ». Et empêcher la multiplication de la concurrence électorale divisant à chaque élection le vote protestataire, dont pourront ensemble profiter les identitaires et autres nationalistes qui composent la droite nationale radicale francophone.

Pour arriver à cette unité, Nation avance son ambition de récupérer chez nous « l'effet Marine Le Pen ». Comme l'a diffusé clairement son organe de presse. Extrait : « 
Le brillant résultat de Marine Le Pen [à l'élection présidentielle de 2017] ne peut que nous confirmer dans la volonté de faire en sorte que notre pays connaisse enfin lui aussi, une vague de votes patriotes ». Au profit de qui ? De Nation bien entendu...

C'est dans cette perspective que le mouvement identitaire anime toujours actuellement, sur le réseau social Facebook, le groupe « Les Belges aiment Marine Le Pen ». Avec pour leitmotiv : « 
Réveil patriotique en France : à quand en Belgique ? ».




Ralliements d'anciens membres du FN de Féret
Cette Coordination patriotique ne sera pour finir qu'éphémère. Dans un premier temps, Nation avait pu regrouper autour de lui l
e Parti des Pensionnés. Cette micro-formation électorale est alors active dans la région liégeoise. Autour de Joseph Franz, l'un des anciens leaders locaux du Front national belge, époque Daniel Féret, et spécialiste des va-et-vient, depuis les années 1970, entre les diverses chapelles extrémistes de droite.

Dès ses débuts, la Coordination patriotique se compose aussi d'un reliquat flamand, la Nieuw-Solidaristisch Alternatief (N-SA), groupuscule solidariste pur et dur conduit par Eddy Hermy, un ancien cadre de la milice néonazie Vlaamse militanten orde (VMO). L'ambition de cette coordination devait donc même prendre les allures d'une implantation nationale.

En juillet de l'année passée, le site de Nation annonce – comme de coutume dans une formulation fanfaronne propice à une mise en avant superficielle – l'adhésion à son initiative de rassemblement nationaliste d'un conseiller communal, Jacques Lespire. Elu à Dison en 2012, ce dernier provient du mouvement Wallonie d'abord. Après l'auto-dissolution de cette énième scission du FN,Jacques Lespire animera un nouveau groupuscule, Agir ensemble.

« Ce nouveau ralliement démontre que le processus lancé voici deux mois séduit de plus en plus de patriotes qui ont compris que s’ils voulaient être efficaces face aux pourris des partis traditionnels, ils devaient jouer ''collectif''. D’autres contacts sont déjà établis et d’autres personnes et groupes devraient bientôt rejoindre cette coordination », pouvait-on lire dans un communiqué de propagande de Nation.

Au sein de la Coordination patriotiq
ue, afin de garder leurs singularités, le groupe Agir ensemble de Jacques Lespire agira, avec le Parti des pensionnés de Joseph Franz, sous le nom de « On est chez nous ».

« Bon courage et bonne chance »
Nouvelle missive de Nation, un mois plus tard : « 
Notre coordination patriotique appelle une fois encore les autres groupements patriotiques à nous rejoindre au sein de ce qui n’est pas un parti unique mais bien une coordination permettant d’être plus efficace et de ne pas se marcher localement sur les pieds ». Précision : lors des élections communales et provinciales d'octobre 2018.

A ce sujet, un proche de Nation, Georges Hupin, le responsable de la « bannière wallonne » du « mouvement de résistance européenne » (sic) racialiste Terre & Peuple
, laissera comme message sur son site : « Bon courage et bonne chance ». Et du courage et de la chance, Nation en aura bien besoin.

En janvier dernier, sa coordination est ralliée par les résidus de la Nouvelle Wallonie alternative (NWA), un des groupuscules issus, il y a six ans, de l'implosion complète du FN belge. Or cette nouvelle adhésion, présentée comme une réussite, servira à camoufler ensuite le départ des trois autres principaux piliers de la Coordination patriotique.


Les pensionnés passent ensemble à AGIR
Auto-présentée comme un grand rassemblement des forces identitaires et nationalistes en Belgique, cette coordination n'a tenu en place que quelques mois. Sous la forme d'un mic mac devenu ingérable, le soufflé s'est même très vite dégonflé.

La N-SA, partenaire historique de Nation en Flandre, a disparu de la circulation. Quant à Joseph Franz du Parti des pensionnés et Jacques Lespire d'Agir ensemble, ils ont quitté la Coordination patriotique à la veille du dépôt des listes électorales, il y a juste quelques jours. Avec un retournement de situation indéfectible de ce milieu politique : Franz et Lespire participeront certes aux élections, non pas pour le compte de Nation via sa coordination, mais bien pour celui d'AGIR !

Pour les scrutins du 14 octobre prochain, Franz et Lespire sont en effet, respectivement à Liège et à Dison, les têtes des listes d'AGIR, un nouveau parti politique, fondé en mars 2017 par le FN belge « canal historique ». Un concurrent – et un ennemi – du mouvement Nation. D'autant plus que le sigle AGIR en Wallonie fut porteur de succès électoraux dans les années 1990. Avec plusieurs élus communaux wallons et provinciaux, l'AGIR de l'époque deviendra le deuxième parti d'extrême droite le plus important, juste après le FN belge (voir l'article du journal RésistanceS : AGIR : le deuxième parti d'extrême droite francophone).

Pour sa part la NWA, le seul rallié resté fidèle à Nation - dans le cadre de sa Coordination patriotique - se présente aux élections avec lui, mais très affaibli. En été, son président, 
Salvatore Russo, dénonçait une « tentative de déstabilisation » fomentée par d'anciens militants. Résultat : la Nouvelle Wallonie alternative n'aura que quelques candidats à Charleroi, sur la liste portant le nom « NWA-Nation ».






Renversement de situation, nomadisme électoral ...
Résumons : à la veille des élections d'octobre, la Coordination patriotique de Nation ne se compose plus que de ses propres troupes et des restes du groupuscule NWA. Pire encore : ce n'est pas Nation qui a été capable 
in fine de rassembler les dernières forces en présence en Wallonie, pourtant son pari en vue des communales et provinciales de 2018, mais le « nouveau » parti AGIR.

Force est effectivement de constater que derrière ce sigle, le « canal historique » du Front national a été capable d'absorber le Parti des pensionnés (dans la région liégeoise), le groupe Agir ensemble (à Dison), le Parti wallon (implanté à La Louvière), des anciens de Wallonie d'abord et même une section quasi entière du Parti populaire de l'avocat d'affaires bruxellois Mischaël Modrikamen (dans le district d'Ath-Tournai-Mouscron).

Premier bilan, à la veille des élections à venir : dans le sud du pays, il existe deux pôles électoraux à la droite de la droite concurrents et hostiles, celui de Nation et celui conduit par AGIR.

Un constat qui n'e
st pas neuf : au sein des survivants de l'extrême droite francophone, qu'elle soit identitaire, solidariste ou nationaliste, par leurs divisions intrinsèques, la guerre des clans reste toujours au programme. Provoquant des zigzags idéologiques, des aller-retour claniques ainsi qu’un nomadisme électoral sans limites. Une situation donnant lieu à une réduction importante de l'offre d'extrême droite aux prochaines élections, alors même que celle-ci, avec Marine Le Pen en France, tout comme dans le reste de l'Europe, a le vent en poupe.




ALEXANDRE VICK

RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite 







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