RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite | Jeudi 4 mai 2023 | 12h56
DECRYPTAGE | Le Vlaams Belang n’est pas un parti comme un autre. Il reste ancré dans son idéologie d’origine. Ce samedi, le parti nationaliste flamand organise une conférence avec un auteur d’extrême droite conspirationniste.
Ce samedi 6 mai à 11 heures, le Français Renaud Camus, invité par le Vlaams Belang, viendra présenter, en compagnie du leader historique de son aile radicale, Filip Dewinter, une conférence au Parlement flamand à Bruxelles. Le titre ? « Immigration de masse, Combattre, fuir ou subir ? » Le thème ? « Le Grand Remplacement », thème favori du conférencier.
Qui est Renaud Camus ?
Renaud Camus, qui se présente lui-même comme « écrivain », est devenu, outre-Quiévrain, en quelques années le chantre de l’extrême droite identitaire. Venant de la gauche et de la défense de la cause gay, écrivain reconnu dans les années 1990, il fait scandale en 1994 lorsqu’il compte les « collaborateurs juifs » d’une émission de France Culture. Il rompt alors avec ses anciens amis en créant un parti anti-immigration, en se rapprochant des Identitaires (ex-Bloc identitaire) et en inventant et en popularisant son concept de « grand remplacement » selon lequel la population européenne serait à terme "remplacée" par les immigrés, essentiellement musulmans.
Son influence non seulement est énorme sur les milieux d’extrême droite et bien au-delà, mais elle est en plus extrêmement dangereuse puisqu’elle a inspiré plusieurs attentats dont celui de Christchurch qui a fait 51 morts, en mars 2019, en Nouvelle Zélande.
Mais Renaud Camus se montre extrêmement prudent sur les termes qu’il utilise, à tel point que l’écrivain et réalisateur français Yann Moix, qui l’avait qualifié d’« un peu antisémite », a été condamné en 2019 à lui verser des dommages pour diffamation (arrêt cassé par la Cour de Cassation en 2020). Par contre, Renaud Camus avait été pour sa part déjà condamné en appel en 2015 à 4.000 euros d’amende pour provocation à la haine ou à la violence contre les musulmans, pour des propos tenus en 2010.
La théorie du grand remplacement
C’est en 2010, que l’écrivain français avait remis au goût du jour la théorie complotiste d’extrême droite du « Grand remplacement ». Déjà présente chez le dirigeant royaliste français antisémite Charles Maurras (1868-1952), elle est reprise lors de la campagne électorale de la dernière Présidentielle française par Éric Zemmour, mais aussi par la républicaine Valérie Pécresse. Cette théorie repose sur l’idée que la « civilisation européenne », comprenez blanche et catholique, est menacée par la présence de musulmans noirs et arabes sur son sol. Elle repose sur deux pans des plus contestables.
D’une part, il y a l’aspect démographique, qui s’appuie sur des statistiques totalement fantaisistes : selon défenseurs de cette théorie, l’immigration massive appuyée par le fait que les immigrés non européens ayant un taux de fécondité nettement supérieur aux « blancs », la population européenne sera bientôt remplacée par des gens qui imposeraient leur religion, leur culture et leur mode de vie aux Européens.
D’autre part, ce « grand remplacement » se réaliserait avec la complicité, voire à l’initiative des élites dirigeantes, capitalistes, mondialistes, avides de main-d’œuvre docile et bon marché.
Théorie antisémite ?
Et, bien évidemment, lorsqu’on parle d’élites capitalistes dans le cadre d’idées complotistes, l’antisémitisme n’est pas loin, même si Renaud Camus se garde bien d’établir explicitement le lien. En effet, favorable au «petit État d'Israël qui résiste tout seul au milieu d'une marée humaine hostile», Camus n'a pas recours à l'idée d'un « complot juif ». Pour lui, les Juifs sont même des alliés de l’Europe contre l’islam conquérant.
Cependant, l’antisémitisme est au cœur de pratiquement toutes les manifestations menées contre le prétendu « grand remplacement » qui rend le « complot juif » responsable de l’immigration.
Mais pour revenir sur la venue ce samedi de Renaud Camus au Parlement flamand, à Bruxelles, à l’invitation du Vlaams Belang, que doit-on penser de la venue dans l’un des Temples de la démocratie d’un homme défendant des thèses dangereuses et porteuses d’une haine islamophobe d’une rare violence ? Cette conférence du Vlaams Belang démontre que ce parti reste fidèle à ses origines idéologiques.
DENIS JANOWSKI
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