La Pologne sous le pouvoir du PiS, en dix questions

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite Bruxelles | Mardi 5 mai 2020 | 19 : 23

Affiche pour l'élection présidentielle de 2010 de Jarosław Kaczyńsk
© Photo RésistanceS / M. Abramowicz.













Suite à la publication de cet article, les autorités polonaises ont annoncé la remise de l'élection présidentielle de ce dimanche à une date ultérieure, pour cause de pandémie du Covid-19. Notre article reste néanmoins toujours d'actualité concernant l'état politique de la Pologne actuelle. 

AU COEUR DE LA POLOGNE DU PiS - Ce dimanche, le premier tour de l'élection présidentielle aura lieu. Le parti Droit et Justice (PiS) fait tout pour se maintenir au sommet de l'État polonais. Pour comprendre ce qu'est devenue la Pologne sous le règne de ce parti national-conservateur catholique et de plus en plus proche de l'extrême droite, Denis Janowski, nouveau membre de la rédaction du journal de RésistanceS, répond à DIX QUESTIONS ESSENTIELLES.


Question 1Quelles sont les origines du PiS ?
Flashback. Retour à la fin du Bloc soviétique. En août 1988 a commencé en Pologne communiste, après une immense vague de grèves et devant un monde éberlué, ce qu’on a appelé la « Table Ronde », c’est-à-dire des pourparlers entre les représentants du syndicat Solidarność et les dirigeants de la République populaire de Pologne. Ces pourparlers déboucheront en juin 1989, soit cinq mois avant la chute du mur de Berlin, sur des élections parlementaires partiellement démocratiques où un tiers des sièges du Sejm (la Diète, le Parlement polonais) seront attribués à l’opposition. Tadeusz Mazowiecki deviendra ainsi, le 19 août 1989, le premier Premier ministre non-communiste du Bloc de l’Est.
Pour faire simple, le syndicat Solidarność était composé de trois grandes tendances : celle conduite par des ouvriers, celle menée par des étudiants et des intellectuels plutôt centristes, et celle incarnée par des représentants d’une droite plus radicale. Cette unité qui ne reposait que sur l’opposition au communisme ne tiendra pas. En 2001, après une cuisante défaite électorale, le parti politique émanant directement du syndicat d'opposition, l’Action électorale de Solidarité (Akcja Wyborcza Solidarności, AWS), éclate. Les ouvriers se dispersent dans les divers partis, de la gauche à la droite. Les intellectuels modérés créent la Plateforme Civique (Platforma Obywatelska, PO). Pour leur part, les plus radicaux avec, à leur tête, les frères jumeaux Jarosław et Lech Kaczyński, fondent le parti Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość, PiS).
Le PiS obtient une première fois la majorité gouvernementale de 2005 à 2007, et revient au pouvoir de 2015 à aujourd’hui. Deux présidents de la République en sont également issus, Lech Kaczyński de 2005 à2010 avec la particularité assez originale d’avoir un président et un premier ministre qui sont frères jumeaux, et depuis 2015, Andrzej Duda.
Les élections législatives de 2019 permettent au PiS de reconduire sa majorité gouvernementale. Ce 10 mai par la poste pour raison de confinement, les Polonais voteront pour le premier tour de l'élection présidentielle. Le second tour se déroulera le 18 mai prochain.

Question Quelles sont ses orientations politiques ?
Lorsqu’on pense au PiS, on pense naturellement au nationalisme, mais, vu d’ici, nous ne pouvons pas nous rendre compte de ce qu’est exactement le nationalisme polonais. Globalement, la société polonaise tout entière est extrêmement patriote et lorsqu’on parle du nationalisme du PiS, il s’agit d’un nationalisme exacerbé, extrémiste, radical, non-discutable qui va même jusqu’à choquer profondément de nombreux polonais que nous trouverions déjà très patriotes.
La religion est également fondamentale dans le programme du PiS. Régulièrement, ce parti tente de faire passer une loi qui interdirait totalement l’avortement alors que la loi actuelle est déjà l’une des plus restrictives d’Europe. Sur ce dossier délicat, jusqu’à présent, le PiS a dû reculer devant les levées de bouclier et devant les « grèves des femmes », en 2016 et en 2017. Depuis, les associations féministes et les autres mouvements d'opposition maintiennent une certaine pression sur le gouvernement. Quant à l’éducation sexuelle, accusée de promouvoir l’homosexualité et l’« odieuse » théorie des genres, elle a été purement et simplement supprimée des nouveaux programmes scolaires. Les cours de religion, en revanche, sont redevenus obligatoires pour tous.
D’un point de vue socio-économique, le PiS s’est attiré une forte popularité en menant une politique d’« État-providence » à la polonaise via notamment la mise en place d’aides familiales, la gratuité des médicaments pour les plus de 75 ans, l’abaissement de l’âge de la retraite, la taxation des institutions financières, une politique générale favorisant le développement des entreprises polonaises et les renationalisations. Cette politique sociale généreuse, qui lui garantit de bons résultats électoraux, ne s’établit pour autant pas au détriment de l’économie polonaise, qui maintient un niveau de croissance élevé, et un chômage à son taux le plus bas depuis la chute du régime communiste. Cette croissance extraordinaire et ce taux de chômage faible sont en partie dus à la lutte anti-corruption, mais surtout au fait que la Pologne est membre l’Union européenne.
D’où un paradoxe qui serait délicieux s’il n’était pas écœurant. En effet, ce gouvernement europhobe, bloquant les politiques européennes, refusant de concéder à l’Europe quoi que ce soit de sa souveraineté, s’attirant les foudres de l’Union pour ses réformes, notamment celles du système judiciaire, ce gouvernement quicrache sur l’Union européenne dès qu’il le peut se maintient au pouvoir en grande partie grâce à la manne financière de l’UE et à l’appartenance du pays à l’espace Schengen.
En ce qui concerne l’accueil des migrants, le discours du gouvernement est particulièrement virulent contre les populations musulmanes, accusées de colporter le terrorisme. Ainsi, les préjugés racistes largement répandus ont fait que la Pologne n’a pratiquement pas accueilli de réfugiés de guerre, contrairement aux autres États-membres. En revanche, afin de compenser le vieillissement de la population, la baisse de la natalité et l’émigration massive vers l’Ouest des jeunes Polonais (1,8 millions d’émigrés sur une population de 38 millions), la Pologne a accueilli à bras ouverts près d’un million d’Ukrainiens au cours de ces cinq dernières années. Une émigration bien choisie…

Question 3 Le PiS est-il antisémite ?
En ce qui concerne l’antisémitisme, toujours endémique en Pologne, le PiS se défend de l’être lui-même. C’est à nuancer. Tout d’abord, on observe que la parole antisémite s’est fortement libérée depuis l’arrivée du PiS au pouvoir. Ce qui permet de constater que l’antisémitisme s’exprime beaucoup plus aujourd'hui dans la sphère politique. De plus, des organes de presse comme Nasz Dziennik (Notre Journal) ou la très extrémiste radio privée catholique Radio Maryja(trois millions d’auditeurs réguliers), liés de près ou de loin, selon les périodes, au PiS, sont quant à eux carrément antisémites. Si on ajoute que le PiS se voit contraint d’aller pêcher des voix à l’extrême droite de l'échiquier idéologique, on comprend pourquoi ses discours se durcissent à chaque scrutin.
Alors, pourquoi le PiS se défend-il d’être antisémite ? En fait, il va même plus loin : il nie totalement, et ce de manière absurde, l’existence d’un quelconque antisémitisme historique et actuel en Pologne. Pour quelles raisons ? On peut en distinguer deux. La première est que de bon nombre de préjugés antisémites en vogue en Pologne sont inconscients, voire niés ou refoulés. J’ai personnellement entendu une connaissance dire qu’il en avait assez d’être traité d’antisémite quand il affirmait que les Juifs voulaient gouverner le monde. Cela laisse tout de même pantois.
La seconde raison est que le PiS est extrêmement attaché à la bonne image de la Pologne à l’international, et comme la Pologne est régulièrement critiquée pour ses attitudes antisémites passées et présentes (nous y reviendrons), se déclarer opposé à l'antisémitisme est une question de sauvegarde de l’honneur de la Patrie.
En tout cas, on le voit, le PiS adopte une position contrastée, selon qu’on est à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.


Cérémonie pour le 27eanniversaire de Radio Maryja en décembre 2018. Les membres du gouvernement y sont bien présents et participent à une prière collective © DR.














Question Quelle est sa conception de la démocratie ?
Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut savoir que le PiS, en bon parti populiste, se considère comme l’incarnation même de la « vraie Pologne » et donc considère tous les organes de l’État comme étant sa propriété auservice tout entier du Parti.
Cette vision mène évidemment à un népotisme, au sens large du terme, totalement éhonté, où le PiS place ses représentants à tous les postes-clés de la société sans tenir aucun compte du critère de la compétence. Cela a pour conséquences, à certains niveaux, une relative gabegie mais également un pouvoir semi-dictatorial du PiS. Comme nous allons le voir à la question suivante.

Question L’Institut de la Mémoire nationale est-il devenu un outil de propagande ?
Parlons pour commencer de l’Instytut Pamięci Narodowej (Institut de la Mémoire nationale, IPN), un établissement d’État qui emploie des historiens et des procureurs - quel mélange ! - afin d’enquêter sur les crimes commis sous l’occupation nazie et le régime communiste, de poursuivre les présumés coupables en justice et de rassembler et publier une documentation adressée tant aux historiens qu’au grand public. Contrôlé par le PiS, cet institut a entrepris avec zèle de lutter contre l’« antipolonisme » et a vu son budget exploser. Il bénéficie, à titre de comparaison, d’un budget quatre fois supérieur à celui dont dispose l’Académie des Sciences pour financer les recherches dans toutes les disciplines.
Aux mains du PiS, la lutte contre l’« antipolonisme » donne lieu à une situation particulière. Tout d’abord, l’Institut pourchasse des anciens collaborateurs du régime communiste. Nous voici dans un monde ubuesque  : l'IPN s’appuie sur les fichiers de la police politique de l'époque, la Służba Bezpieczeństwa (SB, en français  : service de sécurité), qui avait entre autres pour habitude de constituer de faux dossiers pour faire chanter les citoyens. Nombreux sont donc les prétendus « collaborateurs » qui sont en réalité des victimes. Mais ça ne s’arrête pas là. Le PiS utilise également l’IPN à des fins politiques en sortant des dossiers - vrais ou faux - de la SB afin de décrédibiliser ses opposants ou ses contradicteurs. L'ancien leader historique du syndicat Solidarność, Lech Wałęsa lui-même, ennemi par excellence, en a fait les frais.Il n'est d'ailleurs pas le seul dans ce cas.
L’IPN aux mains du PiS a également pour mission non plus d’informer mais de réécrire et de manipuler l’histoire, à commencer par celle, plus anecdotique, des frères Kaczyński auxquels il attribue, à l’époque de Solidarność, des actes héroïques qu’ils n’ont jamais pourtant accomplis. 
Mais surtout, l’Instytut Pamięci Narodowej s’attache à réécrire l’histoire de la Pologne. Dans ce cadre, il la présente à toutes les époques soit comme héroïque, soit comme une victime des méchantes puissances voisines. Dans cette vision particulière de l'histoire, la Pologne est érigée au rang de « Christ des Nations », c’est-à-dire le pays qui souffre pour laver les péchés du monde.
L’IPN et le PiS ont été ainsi à l’origine de deux lois très controversées. La première, qui a une certaine raison d’être, il faut le reconnaitre - si on accepte que le juridique se mêle de science historique - est celle qui interdit de parler des « camps polonais » au lieu des « camps nazis situés en Pologne occupée ». La nuance est exacte, mais l’erreur historique doit-elle être sanctionnée au pénal ? Oui selon le PiS, si l’erreur ternit l’honneur de la Patrie.
Mais la seconde loi, vraiment scandaleuse, elle, pénalise - au sens juridique du terme- « l’attribution à la nation ou à l’État polonais, de manière publique et en dépit des faits, de la responsabilité ou la coresponsabilité pour les crimes nazis […]ou d’autres crimes de guerre, crimes contre la paix ou contre l’humanité ».
Or, si les Polonais n’ont pas collaboré de manière évidente avec le nazisme et ont organisé la résistance à l’occupant la plus puissante d’Europe, certains historiens, et non des moindres, leur attribuent la responsabilité directe ou indirecte de la mort de 300 000 Juifs, c’est-à-dire un dixième du nombre total des victimes de la Shoah en Pologne. Cela allait de la dénonciation à la chasse à l’homme dans les bois en passant par l’assassinat pur et simple entre voisins, tout cela bien souvent sans une quelconque participation des nazis. On pourrait presque parler d’une « Shoah parallèle » à la Shoah.
On ne saurait non-plus passer sous silence les Pogroms - notamment à Kielce et à Cracovie- qui ont eu lieu entre 1945 et 1948, dont le nombre total de victimes est estimé à 4 000 personnes. On peut penser également à la vague d’antisémitisme de 1968 qui a « expurgé » des Juifs de toutes les institutions nationales -administrations, universités, organismes culturels, organes politiques …- en leur offrant littéralement un « billet pour Israël ».
Ces faits sont parfaitement documentés. Pourtant, si j’écrivais cela en Pologne, je serais passible de trois ans d’emprisonnement, après avoir dû présenter devant le tribunal les preuves de ce que j’avance. Or, toutes les preuves sont systématiquement dénoncées comme étant des mensonges fabriqués par des « anti-Polonais » ! Certains historiens se battent aujourd’hui en Pologne pour faire entendre leur voix discordante sous les insultes, les quolibets et les poursuites judiciaires menées par l’IPN, seul organisme habilité à le faire. Nous nageons en pleine post-vérité.
Par ailleurs, il va de soi que tous les programmes scolaires ont été réalignés sur cette idéologie néfaste. 
Ainsi, par ses activités, l’Institut de la Mémoire nationale empêche la Pologne de faire un important travail de mémoire et de réconciliation - avec les anciens communistes, avec les Juifs, avec les Allemands, avec les Russes, avec les Ukrainiens - qui lui permettrait d’entretenir des rapports nettement plus sains envers son passé trouble et avec ses voisins.

QuestionQuel est le rôle de la justice selon le PiS ?
Le parti Droit et Justice a évidemment établi son emprise sur la justice à travers une série de réformes très controversées. D’ailleurs, sous la pression populaire ou de l’Union européenne, le PiS a dû faire marche arrière sur certaines lois qu'il souhaitait faire appliquer. D’autres ont été suspendues. Mais beaucoup d’entre elles ont été adoptées.
Ces réformes législatives ont pour but d’accélérer la mainmise du pouvoir sur le système judiciaire, notamment à travers une modification en profondeur du système des nominations, des promotions ou des révocations des juges, des assesseurs et des présidents de tribunaux. Ces décisions reviennent maintenant directement au gouvernement, ce qui met à mal, on le conçoit aisément, le principe fondamental de l’indépendance de la justice.
Pour tenter d’enrayer la vague de contestations, le Parlement polonais a voté en février dernier une loi interdisant aux juges de critiquer la réforme de la justice en cours. En réaction, la Commission européenne vient de lancer une énième procédure à l’encontre de la Pologne.
Ce qui n'empêche pas le PiS de poursuivre sa tentative de maitriser totalement les institutions fondamentales de l'État. Ainsi, il a souhaité prendre le contrôle de la Cour suprême. Il a d’abord tenté d’en modifier le système de nomination des juges membres, mais il s’est heurté à un mur. Alors il a trouvé une entourloupe : il a abaissé l’âge de la retraite des juges pour en accélérer le renouvellement et pour remplacer les heureux retraités par des juges à sa botte. Cette réforme est l’une des mesures qui ont justifié le déclenchement, en décembre 2017, d’une procédure sans précédent de la part de la Commission européenne, basée sur l’article 7 du Traité sur l’UE qui vise à protéger l’État de droit. Cette procédure est surnommée « la bombe atomique ». Elle pourrait en effet, en théorie, faire perdre à la Pologne son droit de vote au niveau des instances européennes. « En théorie » seulement, puisque pour en arriver là, l’unanimité des États-membres est requise. Partageant une même vision nationale, la Hongrie de Viktor Orban a déjà annoncé qu’elle s’opposerait à la procédure qui pourrait viser la Pologne. Quoi qu’il en soit, les premières décisions de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), saisie par la Commission européenne, avaient déjà eu pour effet de suspendre cette réforme. La situation en est là encore aujourd’hui.
Ainsi, on ne compte plus les procédures lancées par l’Union européenne depuis 2017 contre cette réforme de la justice polonaise. En raison du soutien de plusieurs États-membres et de la pusillanimité des autres, elles sont pratiquement au point mort.

QuestionLa liberté de la presse est-elle toujours garantie en Pologne ?
Pas de bonne démocrature ou de dictature sans propagande. Et là, le PiS a fait fort, très fort ! Dès son accession au pouvoir en 2015, il a licencié des chaines nationales de radio-télévision ou poussé à la démission tous ceux qui ne lui prêtaient pas allégeance. Les radios et télévisions nationales sont aujourd’hui méconnaissables et se bornent à de la propagande gouvernementale, ultra catholique, anti-migrants, anti-européenne et surtout antirusse.
La Russie est, on le sait, l’ennemi atavique de la Pologne et le PiS l’accuse ouvertement et de manière obsessionnelle d’avoir fomenté ce qu’il appelle l’« attentat de Smolensk », en réalité un accident d’avion qui a coûté la vie à toute une série de personnalités politiques et militaires polonaises, dont le Président de la République lui-même, Lech Kaczyński, frère jumeau de l’actuel président du PiS. Depuis lors, un véritable culte de la personnalité est voué à ce chef polonais mort pour la Patrie, assassiné par l’ennemi héréditaire. Il est entretenu abondamment par le gouvernement et ses médias.
Le PiS instrumentalise également les entreprises nationales qui achètent d’énormes encarts publicitaires dans les médias « patriotiques » qui profitent ainsi d’une manne inespérée et sans commune mesure avec leur lectorat. Parallèlement, le gouvernement exerce une pression sur les entreprises polonaises afin qu’elles ne placent pas leurs publicités dans les médias privés d’opposition qui, évidemment, se portent mal.
Il va même jusqu’à organiser des campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux et sur les chaines nationales contre des journalistes de médias privés qui « ternissent l’image de la Pologne » ou qui osent critiquer la politique du gouvernement, ce qui revient au même.
Le gouvernement semble également préparer certains projets de loi ayant pour but de « repoloniser » et de « déconcentrer » les médias privés. En clair, cela signifie ramener leurs finances en Pologne - ces médias privés appartiennent le plus souvent à des groupes de médias étrangers - et morceler les grands groupes de presse privés. L'objectif de cette réforme législative, dans la vision étatique actuelle du PiS : ôter aux médias non-gouvernementaux tout pouvoir de nuisance. Par ailleurs, des poursuites pénales pour « violences, menaces ou attentat sur fonctionnaire public » ou encore « insulte envers des organes de l’État » ont été lancées contre certains journalistes d’opposition. Peine encourue : plusieurs années de prison.
Entre médias nationaux à la botte du pouvoir et médias d’opposition en butte aux intimidations et aux menaces, la presse ne se porte pas bien en Pologne.

Question Le PiS est-il devenu un parti d'extrême droite  ?
Au vu de tout cela, la question s’impose à nous : le PiS s'est-il transformé en parti d’extrême droite ? 
En fait, tout dépend de la définition que l’on donne à l’extrême-droite. En Europe de l’Ouest, le PiS, parti ultra-nationaliste, ultra-catholique, homophobe et xénophobe, ayant une conception toute particulière de la démocratie et de la vérité, serait sans nul doute et sans aucune contestation possible un parti d’extrême droite. 
Par contre, il se fait qu’en Pologne, il existe une « vraie » extrême droite, menée notamment par la « Confédération », qui se revendique ouvertement comme telle et avec laquelle le PiS n’entretient pas de bonnes relations, notamment parce qu’il a besoin pour assurer son pouvoir d’aller puiser dans les 9% de voix que l’extrême droite récolte généralement aux élections.
Le pouvoir polonais est donc quelque peu schizophrène car il est obligé de se démarquer de l’extrême droite pour exister alors qu’il partage bon nombre de ses valeurs, de ses discours et de ses méthodes.

QuestionPourquoi maintenir l'élection présidentielle ? 
Actuellement, le PiS s’obstine à vouloir organiser l'élection présidentielle, à deux tours, prévue pour les 10 et 18 mai prochains. La situation lui est favorable  : son candidat, le président sortant Andrzej Duda, est donné vainqueur dès le premier tour. En plein confinement, le scrutin aurait lieu, tenez-vous bien, à distance, par la Poste ! Face aux critiques de l’opposition et de l’Union européenne, le pouvoir aurait, pour l’instant, accepté un report… d’une semaine afin de permettre à la Poste de se préparer à cette opération électorale inédite. 
Pourtant, alors que la campagne électorale est à l’arrêt depuis plusieurs semaines, le bon sens voudrait que l’on reporte ces élections à six mois ou à un an. L’entêtement du pouvoir pourrait bien lui coûter la victoire.

Question 10 Quel est l'état actuel de la Pologne ?
Quel que soit le résultat du scrutin présidentiel, le long passage du Prawo i Sprawiedliwość au pouvoir a causé une véritable fracture de la société polonaise entre les « pro » et les « anti ». Il ne s’agit pas là d’une saine et vivifiante opposition constructive. Les partisans des uns et des autres, qui se considèrent respectivement comme les « seuls bons Polonais », ne se parlent plus qu’à coups d’insultes et d’invectives, jusque dans les familles.
Cette fracture profonde atteint absolument tous les niveaux de la société. Elle est violente, brutale, radicale, et la société polonaise en portera encore longtemps les stigmates.



DENIS JANOWSKI

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite




Suite à la publication de cet article, les autorités polonaises ont annoncé la remise de l'élection présidentielle de ce dimanche à une date ultérieure, pour cause de pandémie du Covid-19. Notre article reste néanmoins toujours d'actualité concernant l'état politique de la Pologne actuelle. 



QUI EST L'AUTEUR DE CET ARTICLE ?
Au sortir de ses études, Denis Janowski s'est installé en Pologne durant plus de six ans. Il connait dès lors fort bien ce pays européen, avec lequel il garde des attaches permanentes. Recruté par la rédaction du journal RésistanceS tout récemment, Denis Janowski est aussi une personne très active dans divers domaines. Il est actuellement détaché auprès d'une association étudiante d'éducation permanente présente, notamment, sur le campus de l'Université Libre de Bruxelles (ULB). Son article détaillé que vous venez de lire sur le parti polonais Droit et Justice, à l'occasion de l'élection présidentielle des 10 et 18 mai prochains, est le troisième qu'il a écrit pour le journal RésistanceS. D'autres encore suivront.

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