L'extrême droite collaborationniste belge complice d'Auschwitz

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite | Lundi 27 janvier 2020 | 08 : 01

Salut nazi pour la SS flamande. Comme du côté francophone, l'Occupant va recevoir le soutien de l'extrême droite de l'époque pour commettre son génocide contre les juifs.











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MÉCANISME GÉNOCIDAIRE – À l'occasion du 75anniversaire de la libération par l'Armée rouge soviétique du camp d'extermination d'Auschwitz, Le Journal de RésistanceS sort de ses archives un document édifiant. Il démontre la participation de collaborationnistes belges francophones d'extrême droite au génocide des juifs, commis par l'Allemagne nazie  – RETOUR DANS L'HISTOIRE NOIRE DE LA BELGIQUE

Le projet génocidaire du Troisième Reich hitlérien a été réalisé grâce à un processus réglé sur mesure. Un processus constitué de maillons différents pour parvenir à son but ultime : exterminer les ennemis de la « race aryenne ». Cette élimination a débuté par les communistes et les socialistes, dès l'arrivée du NSDAP au pouvoir à Berlin en 1933. Une fois que ceux qui pouvaient s'opposer de façon organisée et de manière efficace, grâce à des partis et des syndicats puissants, ils furent arrêtés et enfermés dans les premiers camps de concentration. Les nouveaux maîtres de l'Allemagne se sont attaqués aux populations civiles sans résistance structurée. Ce sont les juifs qui ont été les premiers ciblés. Leur extermination, dès 1941, a été industrielle. À Auschwitz comme dans toutes les autres « usines de la mort » nazies.

Pour y parvenir, dans chaque pays conquis, dès le début de la Seconde Guerre mondiale, l'Occupant allemand s'empare des listes des étrangers y résidant. Des listes constituées par des organismes nationaux. Chez nous, par l'Office des étrangers dépendant de la Sûreté de l'État, en charge du recensement et du contrôle des immigrés économiques et des réfugiés politiques. Une fois ces listes en leur possession, les nazis les transmirent notamment à leurs auxiliaires de la collaboration.


L'avocat René Lambrichts, un des plus
importants leaders de l'antisémitisme
national-catholique belge.
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Nationalisme belge, le fascisme de chez nous

En Belgique, des journaux collaborationnistes vont alors publier la liste des étrangers juifs installés dans notre pays. C'est le cas de L'Ami du Peuple. Ce journal se présente officiellement comme un « organe de défense contre l'invasion juive » et un « hebdomadaire d'action racique contre les forces occultes » (sic). Il est édité par la Ligue de Défense de la Race et du Sol, un mouvement d'extrême droite fondé à Anvers, en 1937, par René Lambrichts, sous le nom de Volksverwering (La Défense du peuple). Diplômé en droit de l'Université Libre de Bruxelles (ULB) et avocat, son fondateur est très vite acquis au corpus doctrinal du nationalisme belge, un courant idéologique national-monarchiste de type fasciste dirigé par le catholique wallon Pierre Nothomb. Ce dernier est alors lié à la dictature fasciste italienne et se rapprochera, pendant un moment, du parti Rex de Léon Degrelle, avant de revenir au parti catholique de l'époque. René Lambrichts se rapprochera lui du Parti National Belge et sa milice paramilitaire, la Légion nationale.

Avant la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement de Lambrichts va se lancer dans une propagande massive contre les juifs installés en Belgique, dont plus de 95 % sont de nationalité étrangère ou apatrides. La majorité d'entre-eux sont ouvriers, artisans ou sans travail. Ils résident dans les quartiers les plus populaires des grands villes belges. Après l'invasion de la Belgique par l'armée allemande, le 10 mai 1940, comme les autres mouvements d'extrême droite, la Volksverwering / Ligue de Défense de la Race et du Sol est légalisée par les autorités occupantes. Installée dans les locaux bruxellois du SIPO-SD, la police politique de la SS, elle agira directement de concert avec cette dernière. La ligue nationaliste belge sera impliquée, en avril 1941, dans le pogrom d'Anvers. Plus d'un millier de membres constitue ses rangs, dans son fief anversois, mais également à Bruxelles, à Liège et à Charleroi. Son emblème sera la rune nordique d'Odal, reprise dans la mystique nazie, et, toujours de nos jours, par des organisations d'extrême droite. Pour diffuser sa propagande antisémite et nationaliste, cette ligue édite deux organes de presse. Le premier en néerlandais, Volksche Aanval (L'Assaut Populaire), le second en français, L'Ami du Peuple.

Après la promulgation des dix-sept ordonnances nazies visant à exclure les Juifs de la société, par leur identification, recensement ou à leur interdiction professionnelle pour les isoler du reste de la population, ces deux journaux antisémites vont publier, sous la forme d'une série, la liste des juifs présents en Belgique, ville par ville, commune par commune. Avec la publication de l'adresse de leur domicile et leur situation professionnelle. L'Ami du Peuple débute son macabre feuilleton dans son n° 31, daté du 18 octobre 1941. Et précise, dès le début de la publication de cette « liste noire », ses sinistres objectifs :

« Nous commençons la publication de la liste de tous les juifs qui se sont faits recenser comme résidant dans la seule ville de Bruxelles. Ceci aidera nos lecteurs à veiller à l'application des ordonnances concernant les heures de rentrée. Trop de juifs à Bruxelles se moquent de la loi. On les voit même trôner dans des cafés jusqu'à l'heure de la fermeture.

Nous engageons nos ligueurs à tenir à l'oeil les juifs habitant dans leurs parages. Signalez-nous les manquements aux ordonnances. Nous veillerons à ce que ces indisciplinés soient mis au pas.

Cette publication a un autre avantage : elle favorise le dépistage des nombreux juifs qui ne se sont pas faits recenser.Nous publierons dans nos prochains numéros la liste complète de tous les juifs recensés dans l'agglomération bruxelloise ».

La première liste des juifs parue dans L'Ami du Peuple.


De nouvelles listes pour « étrangers indésirables », avenir nauséabond !

Cet appel belge d'extrême droite à la délation servira, ensuite, à l'organisation des rafles nazies, avec comme à Anvers l'appui engagé de la police communale, et à l'enfermement dans la caserne militaire de Malines, puis à la déportation dans des wagon à bestiaux vers le camp d'extermination d'Auschwitz de 25.257 bébés, enfants, adolescents, adultes et vieilles personnes juifs de Belgique. Seuls 1.205 survécurent à l'enfer concentrationnaire.

Pour sa part, le dirigeant de la Ligue de défense de la Race et du Sol, l'avocat anversois René Lambrichts, sera arrêté à la Libération et condamné à perpétuité. Cependant, cinq ans après, il sortira libre de prison, comme beaucoup d'autres collaborationnistes et complices directs du génocide des juifs de Belgique. Il est mort dans la commune bruxelloise d'Uccle, le 24 novembre 1993. Deux ans exactement après le premier « dimanche noir » remporté par le Vlaams Blok, le parti d'extrême droite héritier de la collaboration nazie.

La liste des juifs de Belgique, publiée entre autre dans les journaux de René Lambrichts, préfigurait ce qui allait se produire dans le cadre de la « Solution finale » organisée par l'Allemagne nazie pour exterminer tout un peuple. Chaque génocide ou massacre à grande échelle a toujours pu être réalisé par le listage préalable des victimes. Ce fut le cas au Rwanda, en 1994, avec l'établissement de listes des Tutsis et des démocrates hutus ou lors de massacres, dans les années 1970, contre des minorités ethniques en Turquie commis par les troupes d'assaut du MHP, le parti d'extrême droite d'action nationaliste. Ce rappel historique, à l'occasion du 75anniversaire de la libération par l'Armée Rouge soviétique du camp d'extermination d'Auschwitz, ne peut que nous permettre de constater que dans la période actuelle, des courants idéologiques listent toujours lesdits « étrangers indésirables », comme le furent jadis les juifs. L'établissement de listes annonce le plus souvent un avenir nauséabond.


ALEXANDRE VICK (avec Anne C.)
RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite 


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