RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite | Dimanche 1er décembre 2019, 10h31
Manifestation en septembre 1984 contre la venue de Jean-Marie Le Pen à Bruxelles. |
MEETING - Le Vlaams Belang, sous l'égide d'un parti européen d'extrême droite, organise la venue, demain soir dans le centre d'Anvers, de Matteo Salvini. Le but du leader charismatique des nationalistes italiens est de poursuivre l'unification des « patriotes identitaires » contre l'« impérialisme européen ». Il y trente-cinq ans, Jean-Marie Le Pen était présent à Bruxelles dans le même objectif - RADIOSCOPIE DE SON ORGANISATION
Ce lundi, la deuxième ville du pays, Anvers, devrait accueillir sur son territoire un meeting européen d'extrême droite. Pour l'organisation de cet événement exceptionnel, une grande salle de la Bourse anversoise a été louée. Àl'affiche pour prendre la parole : l'italien Matteo Salvini, l'autrichien Harald Vilimsky, le français Jordan Bardella, les flamands Gerolf Annemans et Tom Van Grieken. Respectivement : l'ancien ministre italien de l'Intérieur et big-boss de La Ligue (formation d'extrême droite régionaliste devenue nationaliste), l'un des députés européens du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ), le jeune meneur de la liste du Rassemblement national français (ex-Front national) aux élections européennes de cette année, l'ancien président et l'actuel président du Vlaams Belang. Soit, un panel de guest stars pour ce milieu politique.
QUI ORGANISE CE MEETING D'EXTRÊME DROITE ?
Tenu en territoire historique de l'extrême droite flamingante, ce meeting est officiellement organisé par le parti européen « Identité & Démocratie » (ID), formé par une majorité des partis de la droite radicale présents au Parlement européen. ID n'est pas une nouvelle formation fondée avec de l'argent du PE. Il s'agit en réalité du nouveau nom, adapté à la communication politique du moment, d'anciennes structures européennes d'extrême droite. Le parti ID agissait en effet auparavant sous l'appellation de Mouvement pour une Europe des Nations et des Libertés (MENL), actif sous ce nom de 2014 au 2 juillet dernier. Après une réunion au début des grands vacances, les statuts du nouveau nom ont été déposés au greffe du tribunal de l'entreprise francophone de Bruxelles, le 7 novembre dernier. De 2010 à 2014, le MENL-ID était actif sous le nom de l'Alliance européenne pour la liberté (AEL). Plusieurs formations d'extrême droite, nationalistes, identitaires et national-populistes de droite en ont été membres : le Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ), le Vlaams Belang, le Rassemblement national de Marine Le Pen, la Ligue du Nord, le Parti pour la liberté hollandais (PVV) de Geert Wilders, la liste allemandeCitoyens en colère, la formation lituanienne Ordre & Justice, le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (Ukip) ou encore les Démocrates suédois.
Le « centre d'opération belge » du parti ID a pris le statut d'une association européenne de droit français. Il est sous le mandat d'un cabinet d'avocats se trouvant dans la commune d'Ottignies-Louvain-la-Neuve, dans le Brabant wallon. Le mandat a été transmis à celui-ci par Gerolf Annemans, député européen, président du Vlaams Belang de 2012 à 2014, représentant légal du centre d'opération d'ID dans ses statuts officiels et président du parti européen en question.
Visuels d'invitation au meeting de l'extrême droite européenne de ce lundi à Anvers.
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QUEL EST LE RÔLE DU VLAAMS BELANG ?
Officiellement le meeting de Salvini et des autres vedettes d'extrême droite, ce lundi à Anvers, est une initiative du parti européen Identité & Démocratie. Dans les faits, son organisation concrète est sous la responsabilité du Vlaams Belang. C'est son service d'ordre, composé par les gros bras du Voorpost, un groupe d'action nationaliste historique du mouvement national-flamand, qui se chargera de l'accueil et de la protection de ses orateurs. Le site Internet de propagande de l'événement est sous le contrôle du parti nationaliste flamand, via l'une de ses nombreuses asbl. Ici en l'occurence le Vrijheidsfonds. Dans cette association satellite du VB, se trouvent au conseil d'administration ses principaux dirigeants : les déjà cités Gerolf Annemans et Tom Van Grieken (il est le président de l'asbl en question), mais encore la députée fédérale Barbara Pas, l'ancien président du VB de 2008 à 2012 Bruno Valkeniers ou le leader de son courant radical Filip Dewinter. Ce dernier était encore tout récemment en meeting, mais cette fois-ci en France avec l'extrême droite néofasciste française, côte à côte de Jean-Marie Le Pen (voir notre article ici).
SALVINI, LE NOUVEAU HÉROS DE L'EXTRÊME DROITE EN EUROPE ?
L'extrême droite de Belgique, composée de nationalistes flamands et belges, prend souvent référence à l'étranger. Aujourd'hui le leader incontesté de cette mouvance idéologique est Matteo Salvini. L'ex-ministre de l'Intérieur italien a marqué le tempo de la représentation gouvernementale possible de l'extrême droite au pouvoir. Ses saillies contre les immigrés, les migrants, l'Union européenne et la gauche ont excité le dynamisme de ceux qui se revendiquent comme des « patriotes identitaires » engagés contre lesdits « mondialistes ».
Il existe à l'égard de Salvini une dévotion totale chez certains de ses admirateurs. Comme en témoigne ce commentaire posté sur le réseau social Facebook par une de ses fans liégeoises, à propos de sa venue dans la métropole flamande : « Le vent se lève...Un homme puissant qui ose dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas ! (...). Mr Salvini, l'homme charismatique, humble et motivant, le plus puissant du gouvernement italien, adulé comme une rock star et respecté dans son pays. Aimé par le peuple Italien mais aussi des français et des belges. (...). Défendons, nos racines, nos traditions, notre civilisation ! Tolérance zéro envers ceux qui veulent nous mettre à genoux, nous ramener au moyen âge, tolérance zéro à la violence et l'insécurité dans nos villes et tolérance zéro aux insultes...! Vive Mr Matteo Salvini (...). Que dieu vous bénisse Mr Salivini amen ».
Si Salvini vient à Anvers ce lundi auprès de ses admirateurs de Belgique, des nationalistes belges ont déjà fait l'aller-retour dans l'autre sens pour le voir. En octobre dernier, lors de la manifestation, organisée à Rome par le chef de la Ligue nationale italienne, une délégation belge avait fait le déplacement. Elle était conduite par Adrien Jassogne et Valéria Appeltants. Ancien policier, le premier est le fondateur du Mouvement conservateur (MC), un groupuscule wallon qui n'est plus aujourd'hui actif. Partisan inconditionnel de Viktort Orbán, le premier ministre hongrois, Jassogne s'est même exilé politiquement à Budapest d'où il dirige encore la Dél Belgiumi Magyarság Háza (Maison Hongroise du Sud de la Belgique). Son but est de « lutter contre l'impérialisme européen » (sic). Adrien Jassogne a des liens directs avec les radicaux du Mouvement Nation et d'autres groupes extrémistes. Ancienne cadre du Parti populaire de Mischaël Modrikamen, Valéria Appeltants dirige elle aussi une minuscule structure, « Freedom pour la Wallonie », plus folklorique qu'efficace. Elle se singularise encore par une admiration sans limites pour Theo Francken, l'ancien secrétaire d'État du gouvernement fédéral de Charles Michel et leader de la tendance radicale de la N-VA. Valéria Appeltants et Adrien Jassogne ont annoncé leur présence ce lundi à Anvers. D'autres francophones devront encore rejoindre demain soir le meeting du parti européen Identité & Démocratie, avec des expatriés français lepénistes travaillant dans des institutions européennes ou pour des entreprises française installées en Belgique. Tous admirateurs de Matteo Salvini, le nouveau Jean-Marie Le Pen.
COMME JEAN-MARIE LE PEN ÀBRUXELLES EN 1984 ?
Après l'émergence importante du Front national sur la scène politique française, son président-fondateur, Jean-Marie Le Pen, va bénéficier d'un attrait intéressé en Belgique. Le 28 septembre 1984, il est invité à donner une conférence à Bruxelles. Celle-ci est organisée, à Schaerbeek, par une association rassemblant diverses personnalités de l'extrême droite belge, dont des anciens du Cepic, l'aile d'ultra droite du Parti social-chrétien (PSC) de l'époque. C'est Roger Nols, le bourgmestre (ex-FDF, devenu libéral) de cette commune bruxelloise qui se charge d'accueillir Le Pen. Sa visite est aussi soutenue par les plus extrémistes des groupuscules néonazis de l'époque, tels que le Parti des forces nouvelles (PFN), l'Europese partij-Parti européen (Epe) et la revue Euro-Forum. Comme aujourd'hui avec la présence de Matteo Salvini à Anvers, l'extrême droite de Belgique se mobilise alors à fond pour la venue du leader du Front national français à Bruxelles. Forces Nouvelles, l'organe de presse du PFN, titre en Une : « Le Pen à Bruxelles. Bienvenue ! Droite nationale en avant, toute ! ». L'objectif de ce meeting est d'unifier l'extrême droite belge avec des personnalités venant de la droite conservatrice catholique et libérale, sous l'égide de Roger Nols.
Pour s'y opposer, une immense manifestation se déroule, au même moment, de la gare de Bruxelles-Midi au centre-ville. Elle regroupe des milliers de personnes et rassemble plusieurs partis politiques, du Parti socialiste aux formations de l'extrême gauche, en passant par les syndicats et des associations de citoyens actifs. Une partie des manifestants se rendra devant la salle schaerbeekoise où le meeting de Jean-Marie Le Pen se déroule. Des incidents auront lieu sur place, après une charge de la police contre les protestataires.
MOBILISATION CONTRE SALVINI À ANVERS
Dès l'annonce de la venue à Anvers de Matteo Salvini, des organisations politiques, antifascistes et des syndicalistes se sont mobilisés pour proposer une manifestation de protestation. Dans ce but, un appel a été lancé. Il sera signé par près de cent personnalités, dont de nombreux dirigeants syndicaux et des artistes flamands.
Le mouvement antifasciste italien des « Sardines », dont des membres vivent en Belgique, avait demandé une autorisation pour une action devant la gare centrale d'Anvers, mais son bourgmestre et président de la N-VA, Bart De Wever, n'a pas donné son aval. Les Sardines rejoindront alors le rassemblement anti-Salvini de ce lundi, fixé à 19 heures, au coin du Meir avec la rue des Douze Mois (Twaalfmaandenstraat). Des liégeois et des bruxellois antifascistes se déplaceront encore, ce lundi soir, vers le meeting de l'extrême droite européenne.
ALEXANDRE VICK
RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite
LISEZ AUSSI comme Vincent Scheltiens, historien de l'Université d'Anvers et auteur notamment du livre Met dank aan de overkant (éditions Polis),LE JOURNAL de résistances, le périodique papier de l'asbl RésistanceS et de son web-journal RésistanceS CLIQUEZ ICI
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