Un (ancien) fana de Faurisson, un site confusionniste et une journaliste belge à l'attaque de Moix

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  Samedi 7 septembre 2019




AFFAIRE YANN MOIX (suite et pas fin) –« L'affaire Yann Moix » n'en finit pas de faire des vagues. Entrent en scène, un historien négationniste dès les années 1990, Paul-Éric Blanrue, ancien ami proche de l'écrivain auteur du livre « Orléans », dontle passé antisémite vient d'être révélé fin août, un site français dirigé par un ancien bras droit de l'antisémite Alain Soral, lié à la galaxie Dieudonné, et une journaliste belge indépendante. Sur un blog contre « les impostures de Yann Moix », cette dernière a publié une interview complaisante de Blanrue. Avec son autorisation, le site confusionniste l'a rediffusée – ENQUÊTE DANS CE MARIGOT AUX RELENTS SULFUREUX


Yann Moix est un genre de « salaud » que la littérature française au final adore. Les révélations sur son passé antisémite – et à l'extrême droite – quand il avait 20 ans, dans sa province ennuyeuse, ont été le sujet de la rentrée littéraire (voir ici notre premier article sur celle-ci). Mais surtout au coeur d'une polémique sur les liens de certains écrivains français avec le milieu, certes marginal, négationniste et antisémite d'outre-Quiévrain. Provoquant un malaise certain. La complaisance de Bernard-Henri Levy à l'égard de son protégé Yann Moix a été plus qu'observée. Le philosophe mondain parisien connu pour sa vigilance tous azimuts pour lutter contre le fléau de l'antisémitisme, a pourtant poursuivi son soutien indéfectible, avec la même force qu'il le fait pour l'État israélien, à l'auteur de « Podium ». Moix fait partie des amis très proches de BHL. C'est dès lors un intouchable.

Force est de constater que le milieu intello-médiatique semble être très embarrassé par les révélations sur les « erreurs de jeunesse » de l'un des siens. Comme le fut la tendance social-démocrate du PS français lors des révélations sur la jeunesse française, version fasciste et antisémite, de François Mitterrand. Mais Moix n'est pas président de la République. Retour sur cet écrivain écorché vif et sur la nébuleuse qui a révélé sa période orléanaise.

Profil particulier
Jusqu'à un passé récent, Yann Moix a été très proche d'un historien français peu médiatisé jusqu'alors, Paul-Éric Blanrue. Le premier est bien connu de la scène médiatique comme écrivain, réalisateur et chroniqueur, mais qui est le second ? Blanrue a été jusqu'il y a peu un des acteurs, non pas du film à succès « Podium » que Moix réalisa en 2004, mais un acteur de l'ombre des réseaux confidentiels regroupant les négationnistes du génocide des juifs commis par l'Allemagne nazie. Depuis le début de « l'affaire Moix » - la révélation sur l'existence de ses caricatures et écrits antisémites de jeunesse dans un pamphlet amateur dénommé Ushoahia-, Blanrue, qui fut longtemps son meilleur ami, se taisait. Cité par le quotidien Le Monde, commeun écrivain négationniste lié à Moix, il est pour finir sorti du bois. Il y a quelques jours, Paul-Éric Blanrue a été interrogé par téléphone par la journaliste belge indépendante, Aurore Van Opstal. Elle a ensuite publié sa très complaisante interview avec Blanrue sur un blog amateur dénommé « Yann Moix : l'imposture », spécialement ouvert sur Internet dans le but de balancer les liens de l'écrivain avec les négationnistes, les antisémites et des personnalités d'extrême droite de la pire espèce. L'interview a été reprise sur le site « Le Média pour tous », avec l'accord d'Aurore Van Opstal.

« Le Média pour tous » est un site « confusionniste », selon le journaliste et politologue français spécialiste de l'extrême droite, Jean-Yves Camus, que RésistanceSa contacté. « Il croise des thématiques de gauche (radicale) et le sentiment identitaire ». Ce média en ligne est dirigé par Vincent Lapierre, longtemps un des bras droit d'Alain Soral, propagandiste plusieurs fois condamné pour ses propos antisémites et négationnistes.

Le profil pour le moins particulier de Vincent Lapierre n'a semble-t-il pas troublé Aurore Van Opstal. Contactée par messenger,celle-ci a précisé à RésistanceS : « Vincent (ndlr : elle l'appelle par son prénom) m'a demandé de reprendre l'interview, j'ai accepté ». Quant à Paul-Éric Blanrue, la journaliste belge a obtenu directement son accord pour réaliser l'interview. « Je lui ai téléphoné. Je connais les deux (ndlr : Lapierre et Blanrue) de l'époque où j'ai coécrit ''Israël, parlons-en'', avec Michel Collon » (1).


Aurore Van Opstal ignore le cordon sanitaire
Que vient donc faire dans ce marigot aux relents d'extrême droite, Aurore Van Opstal, par ailleurs militante féministe, surtout connue à ce jour pour ses positions abolitionnistes contre la prostitution, aux accents parfois jugés putophobes, et ses déclarations, épinglées par les mouvements LGBT qui l'accusent de transphobie ? 

Le cordon sanitaire autour de l'extrême droite, des antisémites et des négationnistes ? De toute évidence, Aurore Van Opstal ne connaît pas. « Le Média pour tous », auquel elle a collaboré, en lui permettant de reproduire son interview de Paul-Éric Blanrue, est dirigé par Vincent Lapierre, qui a travaillé pendant trois ans pour le site d'Alain Soral, fondateur en chef d'Égalité et Réconciliation (É&R) , un mouvement d'extrême droite conspirationniste. Comme le rappelait en décembre dernier le journal L'Express, Vincent Lapierre pour sa participation à cette nébuleuse, a reçu « plusieurs fois la quenelle d'or », ce prix remis annuellement par le raciste, version antisémite, Dieudonné, « compagnon de route » de l'extrême droite française depuis 2006 et dont le mentor idéologique est justement Soral.

Vincent Lapierre est un pur et dur : il est très fier d'avoir reçu à plusieurs reprises la « quenelle d'or » des mains de l'humoriste raciste Dieudonné, lui aussi condamné pour antisémitisme. En juin 2018, Lapierre déclarait : « La France glisse de plus en plus vers la dictature. Tous les moyens sont bons pour interdire aux journalistes indépendants de travailler...Cette censure s'appuie sur des milices qui signalent en meute sur Internet, menacent sur le terrain. Ces milices ce sont les antifas et la Ligue de défense juive, qui forment ensemble une police politique protégée par le pouvoir ». L'alliance de la gauche antifasciste avec le « pouvoir juif », un fantasme récurrent dans les rangs de l'extrême droite conspirationniste.

Extraits du nouveau blog, très amateur, de la journaliste belge contre Yann Moix.



L'interview complaisante d'un (ancien) négationniste
Fana jusqu'il y a peu de temps encore de Robert Faurisson, le chef de file du négationnisme, Paul-Éric Blanrue a-t-il changé ? Selon Jean-Yves Camus, interrogé par RésistanceS, « son blog semble montrer qu'il est devenu libertarien (2). En remontant le fil, on peut y lire, en août 2017, une ''lettre à Bernard-Henri Lévy'' qui est assez insidieusement antisémite. On ne peut que constater l'absence de textes négationnistes sur ce blog, mais cela ne donne pas une indication définitive sur son réseau de fréquentations ». La notice biographique que lui consacre l'encyclopédie Wiki Dissidenceinforme qu'« en 2010, Blanrue lance une pétition contre la loi Gayssot et pour la libération du négationniste Vincent Reynouard, alors emprisonné pour avoir nié la Shoah ».

L'interview de Blanrue, réalisée et publiée, ce 28 août, par Aurore Van Opstal sur son blog « Yann Moix : l'imposture » et repris par le site « Le Média pour tous », et également par le blog de Médiapart !, est plutôt du genre complaisant. La journaliste belge se contente de mentionner, dans l'introduction de ce qu'elle appelle son « entretien choc », que Blanrue est une personnalité « sulfureuse et très controversée », sans jamais préciser la gravité des positions qui lui sont reprochées. Celui-ci a carte blanche pour donner sa version des faits dans « l'affaire Moix » : Yann Moix, son meilleur ami jusqu'en 2013, est « un menteur, un mythomane, un fou furieux qui casse tout chez lui quand il est énervé », explique Blanrue. Il est aussi « un plagiaire », qui lui aurait chapardé plusieurs pages, insérées dans son roman « Naissance », pour lequel il a reçu le prix Renaudot, en 2013. Des photos exclusives de Moix illustrent encore l'interview de Blanrue par Van Opstal. Sur l'une d'elles, l'auteur d'« Orléans » figure avec Frédéric Chatillon, l'un des anciens leaders de la scène néofasciste parisienne, devenu ensuite le conseil en communication politique de Marine Le Pen. Sur une autre page de ce blog est mise en ligne par la journaliste belge, une photo de Moix en pleine discussion avec Dieudonné. Rien de moins. BHL appréciera.

Paul-Éric Blanrue (au centre) en 2010 lors d'un voyage politique à Téhéran, avec le conspirationniste français Thierry Meysan et le journaliste identitaire belge Olivier Mukuna, une vieille connaissance d'Aurore Van Opstal – Photo réseaux sociaux.


Perte de repères
Cerise sur le gâteau, en marge de son interview, Aurore Van Opstal reproduit, sans commentaires, des extraits du livre « Sécession » de Blanrue, sorti l'année passée. Dans cet ouvrage, ses liens fraternelles et politiques avec le « pape du négationnisme » sont abordés. Paul-Éric Blanrueexplique notamment « qu'il a eu l'idée d'écrire un livre sur Robert Faurissonen le considérant comme un homme, avec ses qualités et ses défauts ». Le projet de livre ne se concrétisera pas. Il en fera un film de propagande. La banalisation par Blanrue de Faurisson – « un homme avec ses qualités et ses défauts » - est interpellante. Elle est nauséabonde.

Invitée occasionnelle des plateaux télé de la RTBF et de RTL-TVI, pour y défendre ses positions féministes radicales, hyper-active sur le Net, Aurore Van Opstal illustre la perte de repères de certains « polémistes » prêts à tout pour faire le buzz. Jusqu'à dérouler le tapis rouge à des personnalités pour le moins troubles. D'autant plus que Paul-Éric Blanrue n'est pas un inconnu du milieu politique qu'a fréquenté Van Opstal à l'époque de ses études à l'Université Libre de Bruxelles (ULB). L'historien complice de Dieudonné était alors déjà en contact avec un autre journaliste indépendant belge, Olivier Mukuna. Avec ce dernier, en 2012, elle avait lancé le site « Femmes de chambre », faisant suite à l'« affaire DSK » . Depuis, Aurore Van Opstal s'est éloignée de ce milieu. Officiellement. Cependant, la journaliste indépendante semble avoir gardé de bons contacts dans ce milieu qu'elle fréquenta durant ses études universitaires. Comme le démontre son interview de Blanrue republiée aujourd'hui par un site confusionniste et conspirationniste.



CLAUDE DEMELENNE
(avec SIMON HARYS)
RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite 


Notes :
  1. « Israël, parlons-en », 2010, éditions Investig Action/Couleurs livres
  2. Les libertariens sont partisans de la liberté absolue et de la quasi disparition de l'État.


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