Faut-il brûler Yann Moix ?

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  Dimanche 1er septembre 2019

Yann Moix, une vedette télé, qui a aussi été le « collabo »
d'un pamphlet antisémite – Image télé réseaux sociaux.


ANTISÉMITISME – Le secret a été longtemps bien gardé. Dans sa jeunesse, l'écrivain-réalisateur-chroniqueur français, Yann Moix, a été un antisémite de la pire espèce. Aujourd'hui, il demande pardon et reconnaît : « J'ai été une ordure ». Affaire classée ? Pas du tout. Car jusqu'à l'extrême limite, Yann Moix a dissimilé la vérité. Au-delà de son repentir, qui semble sincère, il continue à minimiser les faits. Embarrassant, pour ce personnage controversé, toujours prêt à distribuer des leçons de morale à la terre entière – CÔTÉ SOMBRE D'UNE STAR DE LA TÉLÉ

La sortie en France de son dernier roman « Orléans », dans lequel il retrace son enfance tragique d'enfant-martyr – une version démentie avec force par son père et son frère – devait être l'un des événements de la rentrée littéraire. La divulgation de documents antisémites datant des années 1989-1990 et attribués à Yann Moix, va bousculer le scénario rêvé par l'écrivain-réalisateur-chroniqueur, qui ambitionne le Prix Goncourt.

« Les camps de concentration en carton pâte »
Les documents par lesquels le scandale éclate ont été publiés dans une revue confidentielle, Ushoahia, animée par quelques jeunes de son école de commerce, quand il avait 21-22 ans. L'hebdomadaire français L'Expressa mis la main sur ce qui fait figure de petite bombe : des bande-dessinées, caricatures et textes d'une violence et d'une abjection antisémites rares. A titre d'exemple, dans l'un des numéros d'Ushoahia, Moix évoque « les six millions de Juifs soi-disant morts dans les camps en carton pâte que la Metro Goldwy Meyer a fait construire un peu partout en Europe pour le compte (en banque) de quelques Juifs avides de pognon ». Dans un autre texte, Moix traite la journaliste Anne Sainclair, les philosophes Bernard-Henri Lévy et André Glucksman de « sodomites sionistes ». Bernard-Henri Lévy est particulièrement ciblé et décrit comme « ce youpin dont le crâne n'a hélas pas été rasé par les amis d'Adolf ». Les bande-dessinées et les caricatures sont à l'avenant : à vomir.


Des erreurs de jeunesse, vraiment ?
Lorsque le pot aux roses est découvert, le 26 août, l'attitude de Yann Moix est ambiguë. Dans un premier temps, il reconnaît la paternité des bande-dessinées antisémites et dit en « avoir honte ». Mais il nie farouchement être l'auteur des nombreux textes antisémites publiés dans Ushoahia. Le lendemain, l'hebdomadaire L'Expressrévèle la preuve que Moix en est bien l'auteur. Acculé, celui-ci craque. Dans le quotidienLibération, il passe enfin aux aveux complets : « J'assume tout, j'endosse tout, j'assume tout... J'écrivais, je dessinais, je produisais de la merde ».

Pour minimiser la gravité de ses actes – qui auraient dû lui valoir des condamnations en justice - Yann Moix insiste sur le fait qu'il s'agit d'erreurs de jeunesse, commises par ailleurs sur une très courte période de sa vie, « trois au quatre mois », tout au plus. A nouveau, Moix dissimule une partie de la vérité. Le 29 août, le journal Le Monderévèle que l'écrivain a fréquenté au moins deux négationnistes, jusqu'en 2013, l'historien Paul-Eric Blanrue et l'écrivain Marc-Edouard Nabe.


Le droit de se tromper... et de se repentir

La ligne de défense de Yann Moix est limpide. Il a changé, il est devenu un grand défenseur du judaïsme et un (quasi) inconditionnel d'Israël. Sa rédemption, il la doit notamment à son ami Bernard-Henri Lévy, qui lui a pardonné ses errements. Tout le monde a le droit de se tromper, d'évoluer, de se repentir. Ce fut le cas de nombreux brillants intellectuels - André Gide, Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, André Breton..., qui ont défendu les horreurs du stalinisme, avant d'ouvrir les yeux, plutôt rapidement pour Gide, beaucoup plus tardivement pour Sartre, par ailleurs spécialiste des propos orduriers visant ceux qui ne communiaient pas dans l'adoration du communiste totalitaire. « Tout anti-communiste est un chien », affirmait Sartre, qui traitait de Gaulle de « maquereau réac » et Malraux de « porc ». Ce qu'on a pardonné à ces grands intellectuels, on ne le pardonnerait pas à Yann Moix ?


Un minimum de décence
Il ne faut pas brûler Yann Moix. Mais appeler à un minimum de décence cet écorché vif qui est apparu plusieurs fois ces derniers jours sous les traits d'un menteur pathologique. Il ne faut pas brûler Yann Moix mais prendre plus que jamais avec des pincettes ses leçons de morale, lui qui l'an dernier fascisait pratiquement le président français pour sa politique migratoire jugée « barbare ». Sans doute serait-il opportun que Yann Moix s'accorde une salutaire pause médiatique. Histoire de balayer devant sa porte. Et jouer, enfin, cartes sur table. Toutes les cartes.

CLAUDE DEMELENNE
RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite 





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