Démocrates à l'extérieur, bruns à l'intérieur ! Enquête sur la direction ultra-droite de la N-VA (6/9)

[RésistanceS – Samedi 17 août 2019]

SÉRIE N-VA (épisode 6/9) - « La N-VA n'est pas un parti d'extrême droite », voici une vérité qui ne plait pas à l'antifasciste lambda. Son programme démontre qu'il s'agit d'une « formation libérale, réformiste, pacifiste et démocrate » (voir l'épisode 2 de notre série). Vue de l'extérieur. Mais au sein de cette alliance flamande, c'est un courant véritablement issu de l'extrême droite qui la préside. Un clan nostalgique du VNV, le parti nationaliste flamand des années 1930 qui fut le pilier durant l'An 40 du mouvement collaborationniste –DÉMONSTRATION

Lors de sa création en 2001, la Nieuw-Vlaamse Alliantie se présente comme « un jeune parti héritier d’une longue tradition politique enracinée dans le nationalisme flamand démocratique » (1). Comme le signale, dans l'épisode 2 de notre série, Serge Govaert du Centre de recherche et d'informations socio-politiques (CRISP), elle se crée sur les ruines de la Volksunie (VU), la formation flamande pluraliste du nord du pays active de 1954 à 2000. Dès ses premiers pas, deux courants idéologiques - et stratégiques – distincts se disputent le leadership de la N-VA. Celui conduit par le « vieux » Geert Bourgeois, né en 1951, et celui déjà dirigé par le « jeune » Bart De Wever, né en 1970. Ils proviennent tous les deux des rangs de l'Union populaire. Le premier de la direction de la VU, le second de ses jeunesses. Bourgeois devient le premier président de la N-VA. En 2004, c'est l'historien flamand, spécialiste de l'Empire romain, Bart De Wever, qui le remplace à la tête du tout nouveau parti.

Pour asseoir son pouvoir, l'anversois a pu compter en interne sur d'autres cadres du parti, tel que Jan Jambon. Une personnalité politique alors méconnue du grand public mais que croise, depuis les années nonante, Bart De Wever. A l'époque, ils fréquentent ensemble les conférences organisées par le Vlaamse nationale Debatclub, comme le rappelle dans ce dossier Ilse
Lebegue, correspondant en Flandre du JOURNAL – de résistance(s). Membre de la direction de ce cercle d'extrême droite, Jambon est alors un des hommes de l'ombre du Vlaams Blok. Un parti d'extrême droite que connait bien la famille De Wever. Rien d'étonnant dès lors de voir le futur bourgmestre d'Anvers en 2007 aux funérailles de Karel Dillen, son président-fondateur qui n'avait jamais renié l'« épopée nationale-socialiste » de la Flandre (2).


Affiche de propagande du VNV de Staf
De Clercq. Le modèle du parti
de Bart De Wever ?
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N-VA, un nouveau VNV ?

La prise de contrôle de la N-VA par Bart De Wever s'est surtout faite par l'entremise d'un groupe confidentiel interne. Agissant entre initiés sous le surnom du « gang du gros » (à l'époque où De Wever était en surpoids), son véritable nom est le Vlaamse nationale vriendenkring (cercle des amis nationaux flamands). Son sigle est « VNV ». Un acronyme renvoyant directement à l'« An 30 » du vingtième siècle. Après la constitution d'un mouvement national-flamand organisé, un parti émerge du lot en 1933 : la Vlaamse Nationale Verbond (Ligue nationale flamande). Cette VNV devient le plus grand et important parti d'extrême droite dans les années trente, puis l'axe central de la collaboration pro-nazie durant l'Occupation de notre pays. Les autorités allemandes nomment à la tête des grandes communes flamandes et des administrations nationales des cadres du VNV pour les diriger, d'une main de fer. A la Libération, les tribunaux et les prisons sont remplis de militants et de chefs de ce parti nationaliste flamand devenu nazi.

Plus de soixante ans après la Guerre 39-45, le clan politique de la N-VA de l'historien De Wever prend un nom dont le sigle est VNV. Cela ne peut être le fruit du hasard. En effet, l'ex-Ligue nationale flamande fait partie de l'histoire de l'Alliance nouvelle flamande et de beaucoup de ses dirigeants. Le grand-père en personne de De Wever en avait été l'un des chefs.

Après un conflit interne, l'existence du nouveau VNV est révélée, par un de ses dissidents. Qui va transmettre ses e-mails internes à la presse. La plupart de ces courriers électroniques sont signés par l'officiel « VNV-leider » (3). Ce dirigeant est un jeune cadre du parti dont le nom n'est pas connu du grand public, mais qui deviendra un peu plus tard, l'une des premières personnalités les plus populaires de Flandre, mais aussi de Wallonie : Theo Francken.

La VNV est aussi une référence positive au Vlaams Blok qui d'ailleurs assume même, au grand jour, sa filiation avec cet ancien parti nazi flamand. A l'époque de l'« ère groupusculaire » de la N-VA, dans la première moitié des années 2000, ce nouveau parti avait entamé des négociations secrètes en vue de constituer un cartel électoral avec le Vlaams Belang, le nouveau nom pris par le Vlaams Blok après la condamnation pour racisme de trois de ses associations organisationnelles. Pour finir, l'Alliance nouvelle flamande ira signer un pacte pour les élections avec les démocrates-chrétiens du CD&V (revoir l'épisode 1 de notre série. Il est consacré à la genèse de la N-VA qui nous est contée par Serge Govaert, spécialiste du mouvement nationaliste flamand). 



Francken, alias Xerox au VB


Conférence de Bart De Wever au Nationalistische
Studentenvereniging (NSV), lié au Vlaams
Belang où se trouvent  aussi des jeunes
nostalgiques des années VNV - Archives RIDAF

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Après sa rupture avec le CD&V, la N-VA commence a voler seule. Mais pour prendre de l'altitude, elle doit élargir son électorat. Essentiellement à la droite de la droite. Une opération de séduction est alors lancée en direction des voix du Vlaams Belang, dont beaucoup d'électeurs sont déçus de la présence continuelle dans l'opposition. La N-VA deviendra le parti providentiel des plus radicaux de la cause nationaliste flamande qui veulent arriver au sommet de l'État... pour mieux ensuite le détruire. Le parti de De Wever reste un parti indépendantiste dont beaucoup de militants scandent lors de défilés nationalistes « Belgie barst » (Que la Belgique crève).

Une fois récupérés, c'est le « VNV-leider » Theo Francken qui est alors« chargé de conserver les électeurs du Vlaams Belang siphonés par la N-VA », comme l'explique, au lendemain de la formation du gouvernement fédéral de Charles Michel, une enquête journalistique exclusive, non pas de « Solidaire », le journal communiste du PTB, mais du quotidien patronal « L'Echo ». A sa lecture, on apprend que Francken a gagné au sein du Vlaams Belang le surnom de « Xerox, tant les propositions sur l’immigration copient les idées du parti d’extrême droite » (4).

Cinq ans plus tard, en novembre dernier, le toujours Secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration de la majorité fédérale, passe aux aveux. « Le Vlaams Belang est comme le canari dans la mine. [...]. Je suis (ce qu'écrit) le Vlaams Belang en matière de migration, je ne me sens pas à l'aise de le reconnaître. [...]. Je lis vos textes, parfois je m'en inspire. Sur ce terrain, vous avez énormément conscientisé, c'est méritoire », dira Francken au jeune président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken. Des propos tenus lors d'une conférence commune organisée par le cercle De Debatclub, issu de l'organisation d'extrême droite dont fut dirigeant Jan Jambon avec d'autres responsables de l'époque du parti d'extrême droite flamande.



Ancien dirigeant du Vlaams Belang,
Karim Van Overmeire, est passé
à la N-VA, après une conférence
pour des étudiants d'extrême droite.
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« Révolutionnaires » v/s « réformistes »,
mais but identique

Y a-t-il néanmoins une différence nette entre la N-VA et le Vlaams Belang ? Selon De Wever, le VB préconise une stratégie « 
révolutionnaire », son parti une méthode « réformiste » pour aboutir au même objectif : la prise du pouvoir pour proclamer enfin la fin de l'État belge et l'indépendance de la Flandre.

À l'observation et à l'analyse de la propagande électorale de la N-VA pour les élections communales du 14 octobre 2018, force est de constater un rapprochement lexical manifeste avec celle du parti « révolutionnaire » d'extrême droite. « Après des années de politique laxiste, de favoritisme, de scandales, de taux très élevé de criminalité et de mobilité en panne, les Bruxellois aspirent au changement », peut-on lire dans les encarts publicitaires de la N-VA publiés dans les éditions bruxelloises de journaux populaires, La Dernière Heure et La Capitale. Et qui donnent le ton de ce tempo populiste ? Theo Francken et Jan Jambon, alors toujours dans l'équipe du libéral francophone Michel en charge des compétences de l'asile, de la migration et de la sécurité. D'ailleurs : Migration (immigration) et sécurité (insécurité) ont toujours fait les recettes à succès, hier du Vlaams Belang comme du Front national français, aujourd'hui de La Ligue italienne de Matteo Salvini ou de VOX, le parti d'extrême droite en émergence en Espagne.


L'enquête du quotidien « L'Echo » publiée
en octobre 2014 sur la mission de séduction
des électeurs d'extrême droite par
Theo Francken pour le compte de la N-VA.

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Si la N-VA de Bart De Wever, de Jan Jambon et de Theo Francken ne peut être cependant qualifiée de formation politique d'extrême droite à 100 % – après une lecture détaillée de ses textes fondamentaux (épisode 1 de notre série, sous la plume de Serge Govaert) –, la démonstration de l'existence d'un courant interne de droite identitaire radicale est une évidence. Un courant instauré, installé et mis à la présidence du premier parti de Flandre par un trio de choc dont le poids des mots de leurs discours raisonne en écho de ceux du Belang. Ce trio est directement conduit par De Wever-Jambon-Francken. La N-VA est bien un Cheval de Troie d'ultra droite au coeur du Royaume de Belgique. Dans l'épisode 7 de notre série, nous vous rappellerons avec une précision chronologique les faits qui démontrent sa nostalgie pour un passé historique précis du mouvement nationaliste flamand. 

MANUEL ABRAMOWICZ 


Notes :
(1) Extrait de sa présentation historique postée sur son site Internet.
(2) Pour se justifier de sa présence aux obsèques du dirigeant historique de l'extrême droite flamande, Karel Dillen (1925-2007), Bart De Wever dira : « Je l'ai fait par reconnaissance envers cet homme qui, malgré sa maladie, s'était rendu aux obsèques de mon père, son ami. Je savais que la gauche et les francophones en profiteraient pour me traiter de facho.[...].La mort efface les oppositions politiques. Si Madame Milquet décédait demain, je me rendrais aussi à son enterrement » (De Wever, cité par le quotidien « La Libre Belgique » du 5 septembre 2007).
(3) Johan Gulbekian, « Règlement de comptes et révélations sur les purs et durs de la N-VA », RésistanceS, 31 août 2011.
(4) Jean-Paul Bombaerts, « Chargé de ''couver'' les électeurs du Belang », article, « L'Echo » du 15 octobre 2014.


L'article de RésistanceS que vous venez de lire a été publié une première fois dans notre périodique papier  « LE JOURNAL de résistance(s) », n°1, mai-juin 2019, pages 14 et 15. Il a été revu et adapté pour son édition en ligne le 17 août 2019.


PROCHAIN ÉPISODE DE NOTRE SÉRIE SUR LA N-VA 
Les « années noires » du parti de l'historien Bart De Weve(7/9)






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© Article du journal en ligne RésistanceS|asbl RésistanceS|N° 478574442|Bruxelles|– Samedi 17 août 2019. Première publication in « LE JOURNAL de résistance(s) », n°1, mai-juin 2019, pages 14 et 15 , périodique papier de notre web-journal|