Qu'est-ce que le nationalisme blanc américain ? (S1 USA Ep. 3)

RésistanceS Observatoire de l’extrême droite  | Lundi 5 avril 2021  | 12 : 08

La lutte contre l’islam fédère aujourd’hui les différents courants de la nouvelle extrême droite américaine – Photo SPLC-General-Hate.

 


SÉRIE USA SAISON 1 ÉPISODE 3  

Depuis les années 1980, un nouveau courant idéologique se développe aux États-Unis, porté par la « droite alternative » (Alt Right) : le nationalisme blanc. Directement lié aux thèses de la « Nouvelle Droite » française, ce courant est le plus innovant à l’extrême droite. Producteur de thèses diffusées dans des livres et lors de colloques, il est actif sur le terrain, avec des groupes d’action paramilitaire. Dans le cadre d’un plan stratégique, il est l’un des principaux piliers du trumpisme.

 

La « vieille » extrême droite américaine est singularisée par un profil poussiéreux, à la limite de la moisissure. Elle adopte encore des codes traditionalistes, avec un certain folklore sudiste propre aux premières décennies de son existence, à la fin du dix-neuvième siècle. Complétée à partir des années 1930 par une panoplie importée de l’Allemagne nazie. Les cagoules blanches du Ku Klux Klan (KKK), la croix gammée hitlérienne, les chemises brunes des sections d’assaut du NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) et les autres runes d’Odal participent au décorum de la vieille extrême droite américaine (elle sera l’objet dans le détail de l’épisode 5 de cette saison de notre série «USA»).

 

UN BASTION POUR L’AMÉRIQUE BLANCHE

La « nouvelle » extrême droite américaine s’autoprésente comme une alternative à la première, ainsi qu’à la veillotte droite républicaine conservatrice. Sous son label adapté aux Temps Modernes, la « droite alternative » US souhaite siphonner les droites d’antan, pour les remplacer. Elle adopte un look  post-moderne. Un style branché : l’habit du jeune étatsunien universitaire, issu de la bonne bourgeoisie des quartiers chics des villes américaines.

 

Cette droite 2.0 rend confiant. Musclée, elle rassure les individus phobiques, dont le nombre est exponentiel outre-Atlantique. Pour fédérer, cette force nouvelle à la droite de la droite propose une utopie à ceux qui se sentent en permanence menacés dans les États-Unis d’aujourd’hui : bâtir un bastion pour l’Amérique blanche. C’est le « White power » du KKK de jadis adapté aux années 2020.


POUR DES ÉTATS BLANCS ET DES ÉTATS NOIRS

Le corpus idéologique de la new rights’arc-boute sur ledit « nationalisme blanc ». Il s’agit d’une doctrine politique incorporant des thèses patriotiques, conservatrices, racialistes, nationales-libérales ou parfois même libertariennes. Contrairement à la veille extrême droite, les nationalistes blancs revendiquent non pas un régime ségrégationniste, mais une politique étatique d’apartheid avec la division du pays sur la base d’États blancs et d’États noirs.

 

Le nationalisme blanc propose une vision « ethno-différentialiste », sans référence à une « hiérarchisation des races », mais basée sur le « chacun chez soi », contrairement aux suprémacistes blancs. Le programme institutionnel de la nouvelle extrême droite est également partagé par les partisans du nationalisme noir de droite (il sera exploré dans l’épisode 7 de cette première saison de notre série sur les USA).

 

LA GALAXIE DE LA DROITE ALTERNATIVE

Les nationalistes blancs de droite récupèrent pour leur logiciel politique des veilles recettes dans le kit de leurs aînés : conspirationnisme, antisémitisme, militarisme, sexisme et dénonciation des autorités fédérales. Leurs rangs sont notamment constitués d’anciens combattants des guerres d’Irak et d’Afghanistan. Ils se développent sur l’ensemble du sol américain avec des groupes militants, des milices paramilitaires, des centres de réflexion, des revues et des sites Internet de propagande.


Les principaux représentants de cette droite alternative sont les Boogaloo Boys, le réseau médiatique Breitbart News, le National Policy Institute, les Oath Keepers, les Proud Boys, la galaxie de QAnonThe Movementou encore les Three Percenters(ils seront détaillés dans la saison 2 de notre série USA). Le sous-courant le plus radical du nationalisme blanc se trouve actif chez les disciples du dieu germanique Wotan. Le wotanisme est une religion sectaire païenne, alliant racisme et antisémitisme. 

 


Ci-dessous, Richard Bertrand Spencer Photo SPL Center.

LES THÉORICIENS DU NATIONALISME BLANC

Comme tout courant politique, la doctrine programmatique de l’Alt Right est rédigée, depuis son apparition dans les années 1980, par des théoriciens. Parmi eux : Greg Johnson, le patron des éditions Counter-Currents, William D. Johnson, le dirigeant de l’American Freedom party, Jared Taylor, le fondateur-dirigeant francophile de l’American Renaissance, Richard Spencer, le président du National Policy Institute, ou encore Steve Bannon, l’ancien conseiller idéologie de Donald Trump. En 2016, ce dernier deviendra l’espoir unitaire de l’ensemble de l’extrême droite américaine.

 

Le nationalisme blanc a des racines anglo-saxonnes. Il se développe d’abord aux États-Unis, puis au Royaume-Uni, mais encore en Australie et en Afrique du Sud. En Europe, il aura une petite influence, essentiellement au sein de groupuscules de l’extrême droite racialiste. Force est de constater qu’il y eut aussi une inter-dépendance entre les deux rives de l’Atlantique. 

 

L’INFLUENCE BLANCHE FRANÇAISE

Les nationalistes blancs d’Amérique se revendiquent de l’héritage racial et culturel des Euro-américains, opposé à celui des Afro-américains. Il existe chez eux une influence indéniable avec des thèses de la droite extrême européenne, en synergie  avec les apports allemand, anglais et français. Le philosophe allemand Martin Heidegger (1889-1976) en est une source, comme les écrits des néodroitistes français Guillaume Faye (1949-2019) et Alain de Benoist (âgé aujourd’hui de 77 ans). Ces derniers ont été façonnés par le théoricien français Dominique Venner (1935-2013), le penseur et le dirigeant de la revue Europe-Action, éditée de 1963 à 1967 et matrice du Groupement de recherche et d’études pour la Civilisation européenne (GRECE). Fiefs de la défense de l’Occident blanc, Europe-Actiondans les années 1960 et le GRECE dans la décennie suivante développent alors une vision ethno-différentialiste, en mixant le corpus völkisch germanique.

 

Au programme de cette dite « Nouvelle Droite » française se trouvait déjà la défense de l’« Homme blanc ». Celui-ci serait menacé par un monde extérieur (le Bloc soviétique, les anciennes colonies devenues indépendantes, le Tiers-Monde…) et une infiltration du sol national par des éléments étrangers. 

 

Les éditions anglaises de plusieurs livres de Faye et de Benoistont été traduits par des maisons d’édition liées à la droite alternative américaines. « Le Manifeste pour la Renaissance européenne » du GRECE, co-écrit par Alain de Benoist, a été traduit pour la marché anglophone, en 2012, par Arktos, un groupe médiatique euro-américain.

Couvertures américaines des livres de la « Nouvelle Droite » française traduits en anglais pour l’extrême droite américaine – Doc. RIDAF-USA.

 


BLANCHIMENT DE L’HISTOIRE DU NATIONALISME

Les liens de Français de la « Nouvelle Droite » avec l’extrême droite US précèdent ces éditions. Elles datent des années 2000. Elles se sont scellées lors de rencontres d’abord confidentielles. Comme en décembre 2006, en Belgique. Plus en particulier dans la commune de Lebbeke, près de la ville de Dendermonde, en Flandre-Orientale, pour un « congrès international » proposé par Euro-Rus, une toute petite association flamande pro-Russe, mené par un ancien du Vlaams Blok. Ce congrès organisé dans l’intimité de son initiateur a rassemblé le Français Guillaume Faye, mais également l’indépendantiste breton Yann Ber Tillenon, le président du British National Party Nick Griffin, le Belge Robert Steuckers, dissident du GRECE et dirigeant-fondateur du réseau Synergies européennes, et en « vedette américaine », David Duke, l’un des leaders de la droite extrême et ex-chef d’un des KKK aux États-Unis.

 

Depuis, c’est la droite alternative américaine qui s’abreuve des écrits de ladite « Nouvelle Droite » européenne, dont la finalité est, comme pour elle, la prise du pouvoir. Pour y parvenir, dans le cadre d’une « guerre culturelle », elles doivent passer par une étape incontournable de blanchiment des côtés sombres de l’Histoire du nationalisme de droite. 



MANUEL ABRAMOWICZ

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite





LA SAISON 1 DE NOTRE SÉRIE USA

Diffusée à partir du mois de mars 2021


Pour consulter les autres épisodes de la  saison 1 Cliquez ici 

 


LA SAISON 2 DE NOTRE SÉRIE USA SERA DIFFUSÉE EN MAI 2021 




LA SAISON 3 DE NOTRE SÉRIE USA SERA DIFFUSÉE EN JUIN 2021 



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