L’affaire Nethys offre du carburant à l’extrême droite

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  |Bruxelles | Samedi 30 janvier 2021 | 20 : 29

Novembre 2015, dans le région de Charleroi, le FN belge fête ses 30 ans d’âge. Depuis, il a implosé. Pourrait-il revenir sous une nouvelle forme grâce à Stéphane Moreau ? © Photo RésistanceS| Bart Lemmens.


ANALYSE – Soupçon d'enrichissement personnel, corruption des élites, arrogance des nantis, aveuglement de certains démocrates :  c'est le cocktail qui « tue ».  L’enquête judiciaire sur la nébuleuse politico-industrielle personnalisée par Stéphane Moreau offre du carburant à l'extrême droite. Pour l'heure, celle-ci ne perce pas en Belgique francophone. Cela pourrait ne pas durer. 

 

L'« affaire Moreau » nous montre un florilège de tout ce qu'il ne faut pas faire pour gagner la confiance des citoyens. Pour gérer, tout simplement, la Cité en bon père de famille. Une ligne de conduite qui exclut toute utilisation d'argent public à des fins d'enrichissement personnel. C'est évidemment ce qui choque le plus les citoyens : le sentiment que Stéphane Moreau, ex-bourgmestre PS de la commune liégeoise d’Ans (exclu en avril 2017 de son parti), et le management de Nethys utilisaient la manne d'argent public comme un bancontact géant leur permettant de tout faire : contourner les règles, s'octroyer des salaires indécents, se décerner des primes mirobolantes... Tout cela dans le plus grand des secrets. Une opacité absolue, caricaturale, insupportable.

 

MAGOUILLER POUR LA « BONNE CAUSE » ?

Ne tournons pas autour du pot : au sein du microcosme politique liégeois, nombreux sont ceux qui, sans être dans le secret des dieux, pressentaient que quelque chose de « pas très catholique » se tramait chez Nethys (ex-Tecteo-Publifin). Le patron de « la plus grande intercommunale du monde » ? Trop clinquant, trop frimeur, trop vorace pour être tout à fait droit dans ses bottes. Stéphane Moreau irritait et intriguait. Certains de ses camarades, à l'époque où il tirait les ficelles du PS liégeois, se doutaient qu'il « magouillait » un peu. Mais ils voulaient croire qu'il magouillait « pour la bonne cause ». Autrement dit pour relancer cette fameuse initiative industrielle publique, censée doper une économie liégeoise sous-vitaminée.

 

FARCES ET ATTRAPES 

La justice déterminera l'étendue des (mauvaises) farces et attrapes orchestrées par Moreau & Co qui ne « magouillaient » apparemment pas que  « pour la bonne cause ».  Les pieds nickelés de Nethys sont évidemment présumés innocents, dans l'attente d'un procès qui fera date.

Politiquement, par contre, ils sont d'ores et déjà coupables d'avoir fourni du carburant à l'extrême droite. Celle-ci prospère toujours quand un climat d'affairisme s'installe dans la Cité.  Le « tous pourris !» martelé par les marchands de haine est boosté par les scandales politico-financiers. C'est une règle quasi générale. La Belgique francophone est depuis les années 2010 préservée de toute percée significative de l'extrême droite. Dans les années 1990, les « affaires » scabreuses (Agusta-Dassault, La Carolo...) avait notamment bénéficié au Front national belge de l’époque. Depuis, le FN a implosé, suite à des conflits internes. L’extrême droite ne présente plus désormais une « offre » électorale digne de ce nom. Face à la « demande », pourrait-elle surgir sous une nouvelle forme ?

 

PAS IMMUNISÉE, LA BELGIQUE FRANCOPHONE 

Si une nouvelle force – avec une structure militante, un leader charismatique… -  émergeait à l'extrême droite, une percée « à la Le Pen » n'est pas à exclure. Aucun pays, aucune région, n'est immunisée contre le virus de l'extrême droite. Celle-ci est pour l'heure groupusculaire, déchirée, inaudible, même auprès de ceux qui seraient tentés d'émettre un « vote protestataire ». Mais au début de sa carrière, Jean-Marie Le Pen était à la tête d'un micro-parti et sa radicalité effrayait presque tout le monde. Prudence donc, rien ne dit que le feuilleton Moreau-Nethys n'ouvrira pas la voie aux marchands de haine.

 

Pour l'heure, en Belgique francophone, les citoyens désireux d'émettre un vote anti-système, accordent plutôt leur voix à la gauche dite « radicale ». Cette tendance semble se renforcer de scrutin en scrutin. C'est une donnée importante, beaucoup moins évidente en Flandre, où le Vlaams Belang caracole en tête des sondages.

 

OPÉRATION « MAINS PROPRES »

L'opération « mains propres »  menée à bien par le PS constitue un message politique clair. Certains estimeront que cette opération aurait pu être déclenchée avec davantage de célérité. C'est possible, mais les faits sont là : tant à Liège, qu'à Charleroi et à Bruxelles,  le ménage a été fait au sein du PS. Sans concession. C'est sans doute le plus grand acquis des présidences Di Rupo-Magnette, qui ont fait émerger une nouvelle génération de politiques (Morreale, Désir, Dermagne...), en totale rupture avec les dérives affairistes du passé.

 

JOUER AVEC DES ALLUMETTES 

Une affaire du type « Moreau-Nethys » est une calamité pour toute démocratie. C'est encore davantage une calamité pour  la gauche gestionnaire. Celle-ci doit mettre partout en concordance ses discours et ses actes. Stéphane Moreau et ses amis ont joué avec des allumettes. Les pyromanes  de l'extrême droite n'en profiteront sans doute pas à court terme. Mais il faut rester vigilant. Quand les décideurs deviennent des repoussoirs, les démagogues de tous poils pointent toujours le bout du nez.

 

CLAUDE DEMELENNE

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite





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