Le philosophe français Michel Onfray est-il (réellement) passé à l'extrême droite ?

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite   Dimanche 28 juillet 2019


Michel Onfray en 2016 avec le « maitre à penser » de la « Nouvelle Droite »,
Alain de Benoist, sur une chaine télé numérique d'extrême droite
Image : réseau social.


POLÉMIQUE – Depuis un certain temps déjà, il ne fait plus du tout l'unanimité à gauche et chez les antifascistes. Libertaire et non-conformiste, Onfray avait fondé, en 2002, l'Université populaire pour faire barrage à la « lepénisation » de la France. Depuis, il est l'objet de dénonciation pour des accointances avec la « droite de la droite ». Dernier élément : sa position sur Greta Thunberg. Un avis digne du « camp facho » pour le groupe antiraciste Mémorial 98. Le dossier est-il sérieux contre ce « philosophe rebelle » ? – RESISTANCES FAIT LE POINT.


Sur son groupe fermé Facebook, Mémorial 98 vient de dénoncer, ce jeudi, la position de Michel Onfray au sujet Greta Thunberg. Avec son avis tranché sur la jeune militante suédoise pro-climat, le philosophe, habitué aux polémiques, se rangerait désormais clairement à l'extrême droite de l'échiquier politique pour ce collectif français, dont l'objectif est de combattre le racisme, l'antisémitisme et le négationnisme.

Suite à un écho publié sur le site de l'hebdomadaire « L'Obs », se référent au dernier texte d'Onfray mis en ligne sur son site, Mémorial 98 écrit sur le mur de son groupe du réseau social : « 
Nouvelle éruption sexiste, raciste, anti-jeune et ultra-réactionnaire du prétendu rebelle et libertaire Michel Onfray. Il insulte Greta Thunberg dans des termes d'une violence extrême. Il s'attaque à son physique selon la méthode fasciste bien connue et qui a déjà tant servi. Il est temps que ce sinistre individu soit renvoyé à son camp de fachos ».





Onfray facho ?

Médiatisé quand il fonda l'Université populaire en réaction à la présence, en 2002, au second tour de l'élection présidentielle, de Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac, Michel Onfray est un intellectuel alors libertaire issu d'une famille dela paysannerie prolétarisée. Il ne fait pas partie de l’establishment– chic, mondain, snob et parisien centralisé - qu'est devenue la philosophie française. Onfray c'est le contre-exemple organique de la « BHLisation » des lettres. Dans ses ouvrages, qu'il écrit plus vite que son ombre, il tape là où ça fait mal : dans les tabous de l'Histoire refoulée de la « France intello ». Non-conformiste, il remet par exemple en avant un général de Gaulle, chef de la Résistance française, contre un François Mitterrand, étudiant et militant d'extrême droite, fonctionnaire de l'administration vichyste durant la Guerre 39-45, faux socialiste et réel politicien de droite. Adoptant un positionnement de plus en plus « laïcard » sur la question de l'Islam, Onfray se rapproche de manière indéniablement des thèses souverainistes.

Le souverainisme souhaite remettre la France au coeur d'un processus d'émancipation face à une Europe unie dirigée par les technocrates ultra-libéraux de la Commission européenne. À son origine, cette idéologie géostratégique est de droite. Le souverainisme est également partagé à gauche, de Chevènement à Mélenchon. 



Pour une civilisation européenne à la française
Cela fait un certain temps que le journal RésistanceS, observatoire de l'extrême droite, a constaté l'apparition du nom de ce philosophe dans les colonnes d'organes de presse clairement marqués à droite, à « la droite de la droite » même. Michel Onfray apparait ainsi, pour des interviews ou des récessions positives de ses livres, dans des journaux comme « Valeurs actuelles » ou « Éléments ».


Le premier est un hebdomadaire national-conservateur français qui préconise « l'union des droites », Rassemblement national – courant Marion Maréchal - compris, dans un grand parti national français.

Mensuel apparu en France en 1973, le second fut le journal de propagande du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne (GRECE). Ce « laboratoire d'idées » de ladite « Nouvelle Droite » offrira un nouveau corpus doctrinal à l'extrême droite à l'époque où elle était alors microscopique sur le plan électoral. Du Front national au Mouvement national républicain, une des scissions frontistes, sans oublier en faveur des groupes radicaux du fascisme français : de la revue « Rébellion ! » - éditée par l'Organisation socialiste révolutionnaire européenne (OSRE), un groupuscule basé à Toulouse - à « Réfléchir & Agir », un magazine racialiste nazi de « désintoxication idéologique » (sic).



Compagnon de route
du « fascisme béret-baquette »

Après la disparition du GRECE, une nouvelle organisation a été fondée, « l'Institut Iliade », dont le but sera « la transmission de la longue mémoire européenne ». Le GRECE avait été mis en marche de bataille en 1968 par un noyau militant d'activistes issus de l'extrême droite radicale (militarisée) pro-Algérie française et en réaction à la « révolution gauchiste de Mai 68 ». Son mentor était Alain de Benoist. Aujourd'hui, celui-ci est toujours le pilier du magazine « Éléments », dont le sous-titre reste : «  pour la civilisation européenne ». Ce périodique « métapolitique » se vend en librairie et en kiosque partout en France, mais aussi en Belgique où il est lié au Cercle Pol Vandrommelobby de tendance droite radicale national-conservatrice, animé à Bruxelles par des expatriés français, dont plusieurs sont proches du FN de Le Pen.

Outre dans les pages de « Éléments », Michel Onfray s'est également retrouvé, en mai 2017, pour un « grand colloque », organisé par ce magazine d'extrême droite, sur « Pierre-Joseph Proudhon. L’anarchie sans le désordre », côte à côte, sur la même estrade, d'Alain de Benoist, ainsi que d'autres intellectuels bien marqués à droite. Cela fait bien longtemps alors, mais en catimini, qu'une partie de l'héritage idéologique du penseur français de l'anarchisme antimarxiste du dix-neuvième siècle est recyclée par des organisations nationalistes en France, comme en Belgique et en Suisse où il existe d'ailleurs un Cercle Proudhon, l’un des maillons essentiels de la droite radicale helvétique. L'auteur de « Qu'est-ce que la propriété ? », ouvrage publié en 1840, ne sera pas le seul « anar » à être récupéré, au fil des décennies de l'Histoire politique, comme référence par l'extrême droite. Pour sa part, Onfray est un proudhonien exemplaire. 

Cette coexistence intellectuelle – et politique – ne semble provoquer aucun malaise chez Onfray l'antilepéniste de 2002. Est-il alors réellement passé à l'extrême droite ? Une évidence, comme jadis, pour le communisme maoïste avec Jean-Paul Sartre (dénoncé dans un des opus d'Onfray à la faveur de Camus), il est devenu une sorte de « compagnon de route » métamorphosé d'une renaissance du national-fascisme, version « béret-baquette ».



MANUEL ABRAMOWICZ
RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite


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