[RésistanceS – Mercredi 31 janvier 2018 - 15h02 - Motif. 18h56]
PROJECTEUR
- Depuis
sa création au printemps 2016, le Cercle Pol Vandromme a organisé à
Bruxelles onze conférences. Point commun de la majorité de ses
orateurs : ils sont quasi tous des anciens responsables
d'organisations ou de publications d'extrême droite. Focus sur ce
curieux cercle, très mondain et sélect, qui reçoit ce mercredi
soir, Patrick Buisson, ex-spin
doctor de Nicolas
Sarkozy, stratège du siphonnage de l'électorat frontiste et qui
reste actuellement l'un des idéologues préféré de la droite dure
- PAR CLAUDE DEMELENNE
- PAR CLAUDE DEMELENNE
Pol Vandromme a dénoncé par exemple « la passion antisémite, horrible et démentielle » qui habitait Céline, tout en restant néanmoins lié au Bulletin célinien, un mensuel confidentiel édité à Bruxelles par un ancien collaborateur de la presse d'extrême droite belge, du Nouvel Europe magazine au journal Polémique, en passant par Forces Nouvelles.
Pour le dédouaner, les amis de Vandromme affirmeront que c'est également en amoureux du style qu'il a consacré des essais à Françoise Sagan, Michel Déon, Roger Nimier, Georges Brassens, Jacques Brel...
Sur
son mur facebook, le Cercle Pol Vandromme se définit comme « un
cercle franco-belge ouvrant une fenêtre sur les idées nouvelles qui
commencent peu à peu à animer les débats, en France ».
De quelles « idées nouvelles » s'agit-il ?
En
l'absence, à ce jour, de toute publication du Cercle, deux pistes
permettent de lever un coin
du voile. La personnalité de son principal fondateur, d'une part. La
carte de visite des conférenciers invités mensuellement, dans un
grand hôtel bruxellois, par le Cercle, d'autre part. Alain Lefebvre,
son cofondateur, est un homme d'affaires français qui s'est
« exilé » en Belgique il y a douze ans, pour des raisons
fiscales. Il édite le magazine Victor&Juliette (V&J),
destiné aux Français de Belgique, à qui il prodigue notamment des
conseils fiscaux.
Dans
les médias, Alain Lefebvre s'exprime peu à propos du Cercle Pol
Vandromme, qu'il administre avec un autre « exilé »
français, Jean-François Michaud. Le 4 mars 2017, il a cependant
accordé une interview au site internet « EuroLibertés ».
Rien
d'étonnant : ce média en ligne relate les conférences
bruxelloises de son cercle, sous la plume du journaliste d'extrême
droite liégeois Lionel Baland. EuroLibertés fait donc partie du
dispositif médiatique au service du Cercle Pol Vandromme Celui-ci se
présente comme un site de « réinformation européenne ».
Il fait partie du groupe de presse français « Libertés »,
qui comprend également « RadioLibertés » et
« TVLibertés ». Cette dernière a été créée en 2014
par Philippe Millau, un ancien partisan de l'ex-frontiste français
Bruno Mégret, longtemps numéro deux du parti de Jean-Marie Le Pen.
Déjà
objet, il y a juste dix ans, d'une enquête du journal RésistanceS,
le directeur d'EuroLibertés est Philippe Randa, un ancien du Front
national, resté proche de cette formation. Il écrit des billets
dans le magazine Présent, issu de l'ancien courant
« national-catholique » du mouvement lepéniste
aujourd'hui rallié au Parti de la France, une dissidence anti-mariniste du FN. Le
correspondant d'EuroLibertés pour la Belgique est également une
vieille connaissance de RésistanceS.be, l'ancien député
régional Patrick Sessler, un cadre multipliant les aller et retour - de 1989 à nos
jours - entre l'extrême droite francophone et néerlandophone :
Parti des Forces nouvelles (lié au Bulletin célinien,
ici déjà cité), FN belge de Daniel Féret, Vlaams Blok, FN
de l'avocat Michel Delacroix et retour au Vlaams Belang pour y animer
sa section bruxelloise francophone.
Alain
de Benoist superstar
Dans
son interview à EuroLibertés, Alain Lefebvre explique que le Cercle
Pol Vandromme a pour but de « propager la pensée
subversive ». Il donne la parole à des personnalités qui
« ont peu d'accès aux grands médias ». Le
premier invité du Cercle a été, le 18 mai 2016, le philosophe et
essayiste Alain de Benoist qui fut l'idéologue de ladite « Nouvelle
Droite », apparue outre-Quiévrain comme réaction
conservatrice à Mai 68.
Militant d'extrême droite dans sa jeunesse, Alain de Benoist est, à
partir de 1969, le fer de lance du Groupement de recherche et
d'études pour la Civilisation européenne (GRECE) qui vise à
dédiaboliser les idées du mouvement nationaliste pro-européen, peu
ou prou proche de la droite extrême.
En
2018, Alain de Benoist reste le pilier central d'Eléments,
lancée en 1973, dont le sous-titre « Pour la civilisation
européenne » sert de marqueur d'appartenance idéologique.
Longtemps bulletin officiel du GRECE, cette revue a officiellement
coupé tout lien organique avec l'extrême droite d'antan. Alain de
Benoist reste un partisan du dialogue avec toutes les droites, en ce
compris les plus radicales. Ainsi, lors de sa conférence, le 18 mai
2016, au Cercle Pol Vandromme, sur le thème « Les droits de
l'homme en question », plusieurs cadres historiques du Vlaams
Belang et de l'ex-FN belge étaient présents dans la salle, comme le
dévoile l'article
de RésistanceS du 30 mai 2016 consacré à cette conférence.
Dans
son interview à EuroLibertés, Alain Lefebvre ne tarit pas d'éloges
envers Alain de Benoist, soulignant que « ce qu'il dit
depuis cinquante ans s'avère juste ». Le fait qu'il y a un
demi-siècle, le leader incontesté du GRECE défendait ouvertement
les idées de la droite extrême ne semble guère perturber le
fondateur du Cercle Pol Vandromme.
Une
curieuse Avant-Garde
Un
mois après Alain de Benoist, le Cercle Pol Vandromme invite à sa
tribune le géopolitologue Pascal Gauchon sur le thème « Demain,
la guerre civile ?». Universitaire, auteur d'une vingtaine
d'ouvrages, celui-ci a créé, en 2014, la revue de géopolitique
Conflits. Il a abandonné toute action politique au début des
années 1980, après
avoir milité à l'extrême droite : il fut membre d'Ordre
Nouveau (ON), à la base de la création du FN, puis, jusqu'en 1981,
dirigeant du Parti des forces nouvelles, fondé après le départ
d'ON du FN. Dans ses écrits, Gauchon ne témoigne plus d'aucune
proximité avec l'extrême droite. Il est fréquemment interviewé
par Radio Courtoisie, qui prône l'union de toutes les droites et
est réputée proche de la diplomatie russe.
Le
29 septembre 2016, le Cercle Pol Vandromme met à l'honneur
l'entrepreneur et homme politique français, Charles Beigbeder, qui
flirtera un temps avec l'extrême droite. L'an dernier, il s'est
déclaré prêt à voter Marine Le Pen, avant de se rétracter, face
au tollé suscité par ses déclarations dans les milieux patronaux
qu'il fréquente. Finalement, il soutiendra la candidature de
François Fillon. Beigbeder a créé le mouvement « l'Avant-Garde »,
situé à la droite de la droite. Militent notamment dans ce
mouvement, Charles Millon, ex-président de la région Rhône-Alpes
qui, en 1998, avait accepté les voix du FN pour conserver son siège,
et l'ex-député Christian Vanneste, exclu de l'UMP française pour
ses propos visant les homosexuels. Lors des élections
présidentielles de 2017, Vanneste a voté Fillon au premier tour, et
Le Pen au second.
L'invité
suivant du Cercle Pol Vandromme, le 23 novembre 2016, est Hervé
Juvin, homme d'affaires français et auteur de plusieurs essais
essentiellement dans le domaine de l'économie et de la géopolitique.
Il collabore avec la revue Eléments d'Alain de Benoist, tout
en étant chroniqueur à « TVLibertés » et à
« Realpolitik-TV », site de géopolitique créé en
2010 par l'ancien député européen FN Aymeric Chauprade.
Des
conférenciers très typés
Le
profil des sept conférenciers accueillis en 2017 par le Cercle Pol
Vandromme est fort semblable. Ils sont tous extrêmement typés,
appartenant à une droite très activiste : Robert Ménard a été
élu maire de Béziers avec le soutien du FN (sur celui-ci lire le dossier de RésistanceS.be ici). François Bousquet, le
biographe de Patrick Buisson (voir plus loin), est le rédacteur en
chef-adjoint d'Eléments. Le journaliste Michel Marmin est
l'une des figures historiques du GRECE. Le journaliste Eric Branca a
été, jusqu'en 2016, le directeur de la rédaction du très droitier
hebdo Valeurs Actuelles . L'historien africaniste Bernard
Lugan fut membre de l'Action française dans sa jeunesse. Il a
abandonné tout militantisme d'extrême droite. Jusqu'en 2005, il a
animé une émission mensuelle sur Radio Courtoisie. Il accorde des
interviews à Minute et Présent, classés à l'extrême
droite. Xavier Raufer, essayiste spécialisé dans les questions de
sécurité et de terrorisme, a milité dans sa jeunesse au sein du
mouvement d'extrême droite « Occident ». Et fut
l'orateur d'une conférence du Valais Belang, comme l'avait
révélé en 2010 RésistanceS.be.
L'essayiste François Rouvillois fut l'un des activistes du mouvement
nationaliste « Action française ». Depuis septembre
2017, il est membre du comité éditorial de L'Incorrect,
nouvelle revue « à droite toute », selon le Figaro.
Vieux
fonds de marmite
Ce
mercredi soir, le Cercle Pol Vandromme accueille son douzième
conférencier, Patrick Buisson. Comme la plupart de ses prédécesseurs
à la tribune de ce cercle sélect, Buisson a un passé très fourni
à l'extrême droite (il fut l'un des boss du journal Minute).
Comme
beaucoup de ses prédécesseurs, il a officiellement coupé tout
lien organique avec cette dernière (notamment avec le FN, dont il
fut l'un des conseillers de son président-fondateur, Jean-Marie Le
Pen). Comme la plupart de ses prédécesseurs, il véhicule des idées
le classant à la droite de la droite (véritable spin
doctor de Nicolas
Sarkozy, il est le stratège du siphonnage de l'électorat frontiste
pour son compte et reste actuellement l'un des idéologues - de
l'ombre - préféré de la droite « républicaine », dans
sa version « pure et dure »).« Des
idées nouvelles », promettait Alain Lefebvre, le fondateur
du Cercle Pol Vandromme. Et s'il s'agissait, ni plus, ni moins, des
vieux fonds de marmite de la droite radicale la plus classique ?
Qui a fait de Bruxelles, son nouveau bastion ...
CLAUDE DEMELENNE
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