Opération de police à Bruxelles-Midi, c’est l’extrême droite qui en profitera en 2024

RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite | Jeudi 31 août 2023 |

La campagne électorale pour les élections de 2024 a-t-elle commencé à la gare de Bruxelles-Midi ? © Photo RésistanceS / M.AZ


LA CAMPAGNE ÉLECTORALE A COMMENCÉ | Dans dix-mois auront lieu les élections fédérales et régionales, suivies en octobre 2024 du scrutin communal. Il y a quelques jours, la gare Bruxelles-Midi a été la cible d’une opération policière pour la « nettoyer ». Des SDF, des drogués, des voleurs et des sans-papiers y ont été raflés. Avec le soutien de deux bourgmestres PS et d’une ministre fédérale CD&V. Une action de sécurisation encadrée par un « plan com’ » bien huilé. Sur le Net de pages de médias mainstream, la chasse aux « racailles » et « islamo-gauchistes immigrationnistes » a été ouverte à la meute raciste. Qui en profitera en 2024 ? Les partis dits « démocratiques » ou ceux de l’extrême droite flamande et wallonne ? |SOMBRE PÉRIODE EN PERSPECTIVE

 

Samedi matin, la gare Bruxelles-Midi, première station bruxelloise de trains en provenance de Waterloo, Charleroi, Paris ou Londres, a été encerclée, puis massivement envahie par des agents de la police fédérale et de celle de la zone de police Bruxelles-Midi (Anderlecht, Forest et Saint-Gilles). Dans le cadre d’une opération coup de poing contre les auteurs désignés d’une situation de violence qui s’y est installée depuis un certain moment. Plus de cinquante sans-abris, voleurs, consommateurs de stupéfiants et sans-papiers ont été arrêtés. La ministre fédérale de l’Intérieur, la social-chrétienne flamande Annelies Verlinden (CD&V), est descendue sur les lieux de l’opération. Les bourgmestres d’Anderlecht, Fabrice Cumps (PS), et de Saint-Gilles, Jean Spinette (PS), sont également arrivés en appui.

Les médias, presse écrite, radio, télé,… en masse, avaient également fait le déplacement, certainement prévenus bien avant par les chargés de communication des politiciens initiateurs de la descente policière à Bruxelles-Midi. Résultat : la couverture médiatique a été maximale. C’était, sans doute, l’objectif principal de ce coup de poing afin de « rassurer » l’opinion publique en démontrant la prise en considération des problèmes de sécurité.


La meute raciste part en chasse

Cette opération politico-policière s’est soldée, selon l’avis de ses multiples organisateurs, par une réussite totale. L’agissement des forces de l’ordre aurait été exemplaire. L’enjeu de cette action  : un investissement répressif dans le but de retombées bénéfiques pour la ministre fédérale CD&V et les deux bourgmestres PS, lors des prochaines élections.

Pour mesurer l’impact de ce « nettoyage » de la gare Bruxelles-Midi auprès de citoyens actifs sur le Net, RésistanceS, le webjournal de l’Observatoire belge de l’extrême droite, a recueilli ce dimanche les réactions sur les réseaux sociaux de médias mainstream.

Ce sont surtout des internautes exprimant un racisme virulent et des sympathies affichées pour la droite musclée qui se sont en majorité exprimés. Parmi eux, ont été repérés par RésistanceS des trolls d’extrême droite, bien connus du monde digital. Ils ont ouvert la chasse à la meute raciste et poujadiste qui s’incruste dans les cafés du commerce et dans l’espace digital. Les propos de ces excités se singularisent par des accents très extrémistes et populistes. Des incitations à la haine raciste sont ainsi diffusées sur la place publique digitale. Sans aucune modération ni réaction des responsables des pages des médias concernés.

 

« Islamo-gauchistes immigrationnistes » et « juges bobos laxistes »

Un lecteur de la page Facebook de la RTBF propose, à sa manière, l’explication de la situation de cette façon (écrit tel quel): « La racaille et les sdf ont toujours été attirés par les gares, c'est comme ça partout en Europe. Des pays riches comme le Luxembourg et la Suisse sont logés à la même enseigne. Les solutions existent mais avec des gaucholaxistes aux manettes, c'est loin d'être gagné. ». Ce troll d’extrême droite postera le même commentaire sur la page du média 7sur7, mais cette fois-ci en désignant les « islamo-gauchistes immigrationnistes » comme responsables.


Un lecteur du journal La Dernière Heure sur Facebook met directement en doute l’efficacité de cette opération. Il écrit, concernant les nombreuses personnes arrêtées à Bruxelles-Midi : « Ils sont libérés une heure après, et donc ça va servir à quoi ? ».
Un autre, sur la page de 7sur7 : « Cela ne sert à rien! Demain ils sont de nouveau là et les interpellés relâchés par les juges bobos laxistes ! Seule solution : expulsion ! »


Sur la page internet du quotidien Le Soir : « Il y a une vingtaine d'années, c'était aussi branle-bas de combat dans le laboratoire multiculturel de Moureau. Opération nettoyage à Ribaucourt ! La chasse aux ivrognes, toxicomanes, dealers et clandestins errants qui, petit à petit, avaient pris possession des lieux. On voit ce que cela a porté ses fruits... Et on remet le couvert devant les médias. Juste un gros coup de pub ministériel et puis retour à la même m.... quotidienne ! ». Le coup de poing de la police ce samedi matin à la gare Bruxelles-Midi s’explique pour un Internaute de la page du quotidien La Libre tout simplement parce que « les élections approchent… »

 

« Clowns politicards » contre les « Blancs »

Qui sont les responsables de la situation d’insécurité à la gare bruxelloise ? « Nos politicards bien-pensants et bienveillants d’une certaine gauche », suite à « plus de 40 ans de laxisme », écrit un lecteur de la DH. Un citoyen, s’exprimant sur la page Facebook de La Libre, écrit : « Pour nos politiciens bruxellois tout va toujours bien. Bruxelles est plein de ghettos où les Belges ne vont plus, mais tout baigne. Ceux qui osent dire le contraire sont des fa… [fascistes] »


Pour un lecteur du
média 7sur7: « Voilà où nous mène la politique socialiste écologiste, la gestion de ces clowns fait de nous la honte de l’Europe. Une telle incompétence devrait être condamnable. Mais surtout, ne pas toucher à leur électorat potentiel, d’après eux, l’avenir du pays. »


Toujours sur la page Facebook de 7sur7, nous lisons : « Donc l'immigration est tellement une richesse qu'il faille mettre des policiers postés 24h/24 quand les quartiers ont été dépeuplés des blancs ... eh ben. »


La remigration, base du programme racial d’extrême droite du parti politique d’Éric Zemmour ou du Vlaams Belang, est la solution pour un autre lecteur : « Si on ne les renvoie pas ds leurs bleds d’origine ils seront vite de retour, stop au laxisme des islamo gauchistes. » 


C’est pour cette raison que l’utilisation du « karcher » pour nettoyer ce « zoo », à la manière proposée jadis par le très droitiste Nicolas Sarkozy alors ministre français de l’Intérieur, est proposée à plusieurs reprises sur des pages Facebook de médias belges. Sur celle du Soir, un lecteur qui multiplie ses posts sur bien d’autres pages, donne cette solution pour résoudre la situation : « Il faut nettoyer la ville entière, le pays entier. »


Pour beaucoup de personnes, membres expressifs de la « majorité silencieuse », cette opération de police et politique est un simple coup de com’. Une campagne média pour se donner une bonne image et faire croire à l’opinion que les autorités agissent sévèrement et avec détermination contre l’insécurité. Une fois les projecteurs éteints tout reviendra comme avant. Ainsi, un lecteur de la page de RTL-Info, note dans son commentaire Facebook : « C’est de la ‘’com’’. Les arrestations sont purement administratives. Ils sortiront 2 heures après. Les lois sont faites pour protéger les racailles et non pour protéger les honnêtes citoyens. »


Le calme, la sérénité et la sécurité dans cette gare bruxelloise vont-ils revenir à la suite de l’opération de nettoyage ordonnée sous l’égide de la ministre CD&V et les deux bourgmestres PS ? Peu de citoyens « digitaux » le croient. Un lecteur de la RTBF.be : « Le problème va simplement se déplacer de quelques centaines de mètres. » Sa solution est simple : « Il aurait fallu empêcher tous ces sans papiers, roms,… d’entrer sur notre territoire ou le cas échéant il faudrait des rafles régulières afin de les placer en centre fermés en vue de les expulser avec interdiction de revenir. »

Des problèmes bien anciens. Le quartier de la gare de Bruxelles-Midi en 2006 © Photo RésistanceS / M.AZ

Theo Francken et Marine Le Pen

Le « bon temps » du gouvernement fédéral précédent, celui dirigé par le libéral francophone Charles Michel (MR), en complicité avec les nationalistes flamands de la N-VA, est évoqué par un lecteur de la page de RTL-Info : « Theo Francken avait voulu faire ça à la gare du Nord et s’était fait traiter de facho… ». Pour rappel, Francken fut le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration de l’équipe gouvernementale de Michel et très marqué à l’extrême droite du canal officiel du parti de Bart De Wever.

C’est pourquoi, une lectrice de la page RTL-Info commente avec ce propos : « Il est temps de mettre de l’ordre ». Réponse d’un autre : « Votez en 2024 Chez Nous », accompagné d’un hyperlien vers le site de ce parti d’extrême droite belge francophone. Sa propagande numérique s’est encore trouvée dans de nombreux fils de discussion à propos de la « sécurisation » de la gare Bruxelles-Midi. Fondé en 2021, la formation Chez Nous! est dirigée par un trio provenant des feus Parti populaire (droite populiste libérale et xénophobe) et Front national belge (condamné en 2006 pour racisme). Chez Nous! se développe massivement sur Internet avec le soutien du Vlaams Belang et du Rassemblement national de Marine Le Pen.

 

Qui va profiter de ce « nettoyage » médiatisé ? L’extrême droite !

Que pouvons-nous conclure de cette observation des réactions sur Internet à propos de l’opération policière et politique de ce samedi à la gare Bruxelles-Midi ? Les commentaires de lecteurs de pages des médias consultés vont dans leur immense majorité toujours dans le même sens : 

  • Ils considèrent cette opération de police comme une opération de communication.
  • Qui ne donnera aucun résultat.
  • Le problème de l’insécurité subsistera.
  • Les donneurs d’ordre de l’opération en question, la ministre fédérale CD&V de l’Intérieur et les deux bourgmestres PS, présents sur place pour superviser le « nettoyage » de la gare, y étaient uniquement dans le cadre des élections de 2024 à venir.
  • Un déchainement de propos racistes s’est ouvert sur le Net à cette occasion. 
  • L’extrême droite en embuscade est sortie de sa tanière pour y diffuser sa propagande en vue de récupérer électoralement les auteurs mécontents et protestataires.

Si les actuels partis du gouvernement espèrent éviter, avec ce type de sortie médiatique, l’exode de leurs électeurs séduits par les sirènes extrémistes et populistes vers le Vlaams Belang en Flandre et à Bruxelles, vers Chez Nous! en Wallonie, il semble que cette tactique politicienne ne soit pas vraiment efficace. Madame Verlinden (Cd&V), ainsi que Messieurs Spinette (PS) et Cumps (PS) doivent se remémorer un vieil adage diffusé il y a trois décennies déjà, lors de l’ascension lepéniste en France : le lecteur préfère toujours l’original à la copie. Dès lors, ce n’est pas leur campagne électorale qu’ils font, mais celle de l’extrême droite.


MANUEL ABRAMOWICZ
RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite



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