Le « Chef » des Nationalistes tabassé par l’Action française

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite  | Lundi 10 mai 2021  | 19 : 45

Image vidéo de l’agression d’Yvan Benedetti ce dimanche 9 mai ©DR réseau social


 

RÉGLEMENT DE COMPTE – Hier en plein cœur de Paris, en marge du cortège annuel pour Jeanne d’Arc, Yvan Benedetti a été passé à tabac. Comme cela fut le cas, il y a trente-trois ans, au même endroit. Qui sont les agresseurs de ce dirigeant de longue date de la « génération Degrelle » ?

 

Chaque année, le deuxième dimanche du mois de mai, une partie de l’extrême droite historique se rassemble à Paris pour un cortège traditionnel en l’honneur de Jeanne d'Arc. L’année dernière, il fut annulée pour faute de Covid-19. Cette année, pour la même raison, quelques habitués de ce rendez-vous nationaliste avaient pris la décision à nouveau de ne pas battre le pavé jusque la statue de Jeanne d’Arc, sur la Place des Pyramides, le long de la rue de Rivoli, entre le Jardin des tuileries et le Jardin du Palais royal. Ainsi, le parti national-catholique Civitas (voir RésistanceS du 6 avril 2021) a décidé de remplacer son défilé annuel pour la Pucelle d’Orléans par des dépôts de fleurs devant les statues la représentant partout en France et à la prière pour « sauvez la France », notamment de la « dictature sanitaire ».

 

« GÉNÉRATION DEGRELLE »

Seule l’Action française (AF) d’un côté, le mouvement Les Nationaliste et le Parti de la France (PdF), avec une des branches de l’AF, d’un autre côté, ont maintenu leur hommage. Fondée en 1899, l’Action française est le plus vieux des mouvements actuels de l’extrême droite d’outre-Quiévrain. Il se réfère toujours à Charles Maurras (1868-1952), l’un des principaux dirigeants historiques de l’AF. Les Nationalistes est le nom adopté par le Parti nationaliste français (PNF), une vielle formation formée en 1983 par des anciens SS français après avoir fait dissidence du Front national. En hibernation, le PNF a été réactivé après la dissolution de l'Œuvre française (OF) par le gouvernement français en 2013. Le PdF rassemble depuis 2009 lui aussi d’ex-frontistes. Ce micro-parti est actuellement présidé par Thomas Joly, un ancien « crâne rasé » du Nord de la France. 

 

Au programme de la cérémonie de ce dimanche devant la statue parisienne de Jeanne d’Arc, plusieurs discours de dirigeant de l’Action française officielle. Autres prises de parole annoncées, celle de Bruno Hirout, le secrétaire général du PdF, et celle d’Yvan Benedetti, un vieux routier de l'ultra droite d'outre-Quiévrain. Ex-militaire et ancien dirigeant condamné par la justice de l’OF, Benedetti préside Les Nationalistes et dirige son journal, Jeune Nation (JN). Il fait partie de la « génération Degrelle », comme le proclamait en avril 1994 la Une de JN, après la mort du collaborationniste nazi belge Léon Degrelle. Mais tout ne s’est pas déroulé comme convenu. Une agression soudaine, rapide, bien organisée et ultra violente s’est produite contre de Benedetti.

 


Défilé ce dimanche 9 mai de l’Action française (CRAF-RN) avant l’agression d’Yvan Benedetti © Photo DR réseau social


 

QUI SONT LES AUTEURS DE CETTE RIXE ?

L’action ciblait clairement le « Chef des Nationalistes ». Une horde d'une trentaine de personnes, jeunes et aux blousons de cuir, s’est littéralement fondue sur lui. Devant battre en retraite, Yvan Benedetti a été poursuivi, rattrapé, tapé et jeté au sol, avant d’être roué de coups de pied. Sa garde rapprochée n’a rien pu faire pour le protéger. Il a été in extrémiste sauvé par des policiers venus pour l’exfiltrer. Mais qui étaient donc ses agresseurs ?

 

Des militants d'un groupe antifasciste radical ? Des activistes de l'Organisation juive de combat (OJC), responsable d’une attaque commando le 8 mai 1988 à la même occasion contre le cortège de l’Œuvre française ?

 

Non. Les auteurs de la rixe contre le chef des Nationaliste sont des membres de l'Action française (AF). Après l’avoir mis KO, ils se sont retirés en scandant « Action française », « vive le Roy », « les nazis à Berlin » » et « Paris nationaliste est à nous ».


GUERRE DE TENDANCES À L’ACTION FRANÇAISE

Selon un twitte d’un témoin de la scène, c’est Benedetti qui « a attaqué le premier les aînés de l'AF par surprise, la riposte s'est surtout faite dans l'incompréhension. » Un observation immédiate : l’agression musclée du leader des Nationalistes a été commise dans la plus pure tradition des ratonnades fascistes. Partenaire politique d’Yvan Benedetti, l’une des branches de l’Action française historique démentira ensuite toute responsabilité. Dans un communiqué, elle a dénoncé ce lundi après-midi les agissements d’une de ses « dissidences », le Centre Royaliste d'Action Française - Restauration Nationale (CRAF-RN). « Avec des méthodes d’antifas et une absence de courage, ils ont tenté d’empêcher Yvan Benedetti (représentant du mouvement Jeune Nation) et Clément Gautier (représentant de l’Action Française) de rendre hommage à la sainte de la Patrie. En s’en prenant à Yvan Benedetti (à 20 contre lui seul), cette association parasitaire démontre sa nocivité », écrit cette AF dans son communiqué. Avec cette précision : « La notion de compromis nationaliste, inhérente à l’esprit d’AF et d’une urgence absolue dans le contexte actuel, leur est complètement étrangère. Nous regrettons que nombre de jeunes soient au service d’un mouvement dissident qui n’a rien à voir avec la véritable Action Française et qui n’a plus aucune légitimité. »

 

Depuis 2018, la maison mère historique de ce mouvement royaliste catholique nationaliste  est en proie à une nouvelle guerre de tendances – ce qui est une habitude depuis sa création - qui la ravage en interne. L’enjeu : la fidélité à l’héritage du « nationalisme intégral » - et de l’« antisémitisme d’État » - théorisé dans l’entre-deux-Guerres par Charles Maurras. Le fond du conflit serait plutôt d’ordre financier. Pour le CRAF-RN, les dissidents du mouvement monarchiste fasciste sont les partenaires des Nationalistes de Benedetti. C’est une section locale du CRAF-RN qui s’est illustrée, en mars dernier, lors d’une session plénière de la région Occitanie pour dénoncer « l'islamo-gauchisme » en France. Sur le Net, il existe aussi deux sites Internet qui départagent les « enfants de Maurras » : « lactionfrancaise.fr » pour l’AF pro-Benedetti (2 444 abonnées sur sa page Facebook), l’« actionfrancaise.net » pour le CRAF-RN (27 950 abonnés sur Facebook), organisateur du cortège traditionnel Jeanne d’Arc qui a réuni ce dimanche entre 500 et 650 manifestants, d’après un journaliste de L’Incorrect, un mensuel chic « fabo » (fasciste-bohème), qui en est proche.

 

La version du CRAF-RN de l’incident est la suivante : « Un provocateur (NDLR : Yvan Benedetti) s'est présenté place des Pyramides avant la fin de notre manifestation pour prendre place devant la statue de Jeanne d'Arc. Il lui a été demandé de se retirer en attendant notre départ mais il s'est mis face aux caméras des journalistes présents pour signifier son refus. Alors que nous tentions de le reconduire calmement vers l'extérieur, il a porté les premiers coups. L'Action française ne peut accepter ce genre de provocation de la part de personnes avec lesquelles nous ne partageons rien. »


CHACUN SON TOUR

Après la diffusion d’une vidéo de LDC-News, un web-média nationaliste, de l’agression visant Benedetti, un commentaire posté sur le mur Facebook de Christian Bouchet, un vieux cadre de la nébuleuse fasciste française, s’inquiète de la situation par ces mots : « Étaler ce genre de dispute devant les caméras c'est pas fin, aucun participant n'en ressors grandi. » Un autre note : « Triste spectacle. Les Antifas doivent bien rire... »

 

Heureux, la semaine passée de relater les affrontements entre le service d'ordre du syndicat communiste CGT et des blacks blocs d'ultra gauche, après le défilé parisien du Premier Mai, ce lundi c’est l'extrême droite qui doit cruellement se rappeler que les règlements de compte internes sont une vielle pratique chez elle.

 

Lors de l'attaque le 8 mai 1988, à la même occasion, commis par un commando de l’OJC, le même Benedetti avait déjà été tabassé, avec de nombreux autres affiliés de l’Œuvre française. Lors de la tentative d'infiltration avortée du mouvement social des « Gilets jaunes », en décembre 2018, le chef des Nationalistes avait également été fameusement « bouscule »... L’attaque de ce dimanche de l’Action française contre Yvan Benedetti ne restera certainement pas impunie. Cependant, son groupuscule aurait-il assez de volontaires pour se venger des monarchistes nationalistes catholiques ? Devra-t-il encore faire appel à ses homologues belges degrellistes pour renforcer ses maigres troupes ?

 

Une évidence, cet événement laissera des traces dans le mur déjà si fracturé de l’extrême droite active en marge du Rassemblement national de Marine Le Pen. Pour l’heure, Les Nationalistes vont devoir surtout revoir leur dispositif sécuritaire, habituellement constitué de gros bras en uniforme noir. Ce dimanche, il a sérieusement failli à sa mission de protection du « Chef ».

 

SIMON HARYS

RésistanceS Observatoire belge de l’extrême droite
Avec RIDAF-Paris


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VIDÉO DE LA RIXE

DEVANT JEANNE D’ARC


Le passage à tabac d'Yvan Benedetti, « Chef des Nationalistes », par une trentaine de membres de l'Action française, à Paris, le dimanche 9 mai 2021 lors de l’hommage d’extrême droite à Jeanne d’Arc a été filmé. La vidéo peut se voir par ce lien Twitter





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