RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite | Samedi 23 novembre 2019
Les comportements affairistes de Moreau ne peuvent que favoriser l'extrême droite
populiste et poujadiste, comme dans les années 1990 – Doc. Archives RIDAF. |
ANALYSE D'UN SCANDALE POLITICO-AFFAIRISTE – Le désormais ancien patron de l'intercommunale Nethysest une publicité géante pour les populistes. Les patrons voyous narguent le peuple avec leurs salaires à huit chiffres. Leur mot d'ordre : « Baise ton prochain » (*). Humilié, le peuple se venge. En votant mal. Stéphane Moreau et ses comparses sont des dangers publics. Ils favorisent l'offre et la demande d'extrême droite.
Il provient d'une entreprise publique issue de l'Association liégeoise d'électricité, une intercommunale gestionnaire des réseaux de distribution d'électricité au service de toute la population, qui agira ensuite sous l'appellation de Tecteo, pour s'intégrer plus tard dans Resa, une des sociétés de Nethys. En mai dernier, Resa a quitté Nethys pour devenir une filiale directe d'Enodia, le nouveau nom de l'intercommunale à scandale, Publifin. C'est l'organisation d'une finance publique pour le bien commun travestie en monde des affaires, sans lois ni éthique. Ancien bourgmestre de Ans, une commune limitrophe de Liège, il a aussi été un ponte du PS liégeois, un parti dans le parti. Suite à sa mise en cause dans les dossiers litigieux de l'intercommunale, il a été contesté à l'intérieur même de sa formation politique. Tout en gardant des soutiens internes importants, jusqu'il a peu. Ciblé dans l'affaire Publifin, il quitte le PS en 2017. Il évite ainsi d'en être chassé par ses instances internes. Son exclusion définitive était en effet à l'ordre du jour.
Stéphane Moreau (55 ans) est une caricature. L'ex-boss de Nethys trimballe tout l'attirail du patron nouveau riche. Arrogance, mépris du peuple, goût du secret, addiction à l'argent facile. Culture de la triche, aussi. Chez ces gens-là, on ne recule devant aucun mensonge pour arriver à ses fins : des millions, toujours plus de millions.
CAPITALISME PERVERS - Les grands patrons sont rarement des génies. Leur répertoire manque cruellement d'originalité. Ils ont toujours recours aux mêmes trucs et ficelles. Les affaires vont mal ? Ils restructurent, licencient, délocalisent. Simples variables d'ajustement, les travailleurs sont dans leur viseur. Les affaires vont bien ? Ils flambent. Folie des grandeurs : Moreau investit au Congo. Rachète le quotidien L'Avenir. Transforme Tecteo en « plus grande intercommunale du monde ».
Les grands patrons sont des grands enfants. Ils jouent à qui pisse le plus loin. Enfantins mais aussi un tantinet pervers, dans leur rapport à l'argent, « super-fétiche qui permet de tout acheter, surtout toutes les jouissances » (*). Le philosophe Dany-Robert Dufour souligne « la remarquable utilité de la perversion dans le capitalisme », ce qu'il appelle « une perversion de structure ». « Pour être un bon capitaliste, mieux vaut être pervers. Cela aide. Et plus on fonctionne à la perversion, plus cela aide » (*).
Affiche électorale de l'ex-PS Stéphane
Moureau qui utilisa la politique pour
devenir un affairiste – Doc. RTBF.
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LA RACE DES SEIGNEURS - Moreau and Co ont fait sécession. Ils ne vivent plus sur la même planète que le commun des mortels. Ils ne doutent d'ailleurs pas un instant être intrinsèquement « supérieurs » au commun des mortels. Ils appartiennent à la « race des Seigneurs ». Leurs salaires, primes, bonus, parachutes dorés, récompensent justement leur talent. Les surdoués accumulent des sur-salaires. Où est le problème ?
Le problème, c'est l'absence totale de scrupules de nos nouveaux seigneurs. Dans ce registre, Stéphane Moreau a fait fort. Il a carrément infiltré le PS liégeois. Détourné à ses fins personnelles le socialisme principautaire. Roulé dans la farine Jean-Claude Marcourt, l'homme fort - ou prétendu tel - du PS de la Cité ardente – qui a longtemps tout pardonné au surdoué Moreau, ses frasques, ses mensonges, son salaire classé « secret défense ».
LA COLÈRE DES PEUPLES - Un peu partout en Europe, les patrons cupides font le jeu de tous les populismes. Ils attisent la colère des peuples, choqués par les inégalités, la précarité d'un côté, l'abondance de l'autre. Les méga-riches piétinent le contrat social. Les citoyens se vengent en piétinant leur bulletin de vote. Ou en votant mal, pour les marchands de haine qui prétendent que le problème, ce n'est pas le grand patron voyou qui part avec la caisse, mais le voisin de pallier un peu trop basané qui « vient manger le pain des Belges ».
RUISSELLEMENT ÀL'ENVERS -L'argument est connu : certes les grands patrons sont des rapaces, mais in fine, ils créent de la richesse et celle-ci finira par profiter à l'ensemble des citoyens. Dans son livre « Baise ton prochain. Une histoire souterraine du capitalisme »(*), Dany-Robert Dufour s'intéresse au philosophe Berrnard de Mandeville qui dès 1714, à l'aube de la première révolution industrielle, a été le précurseur de cette fameuse « théorie du ruissellement ». Dany-Robert Dufour résume ainsi la pensée de Mandeville : « Il faut confier le destin du monde aux ''pires d'entre les hommes'' (les pervers), ceux qui veulent toujours plus, quels que soient les moyens à employer. Eux seuls sauront faire en sorte que la richesse s'accroisse et ruisselle ensuite sur le reste des hommes ». « Trois siècles plus tard, commente Dufour, il s'avère qu'aucune autre idée n'a autant transformé le monde. Nous sommes globalement plus riches. A ceci près que le ruissellement aurait tendance à couler à l'envers : les 1% d'individus les plus riches possèdent désormais autant que les 99% restants ».
« Baise ton prochain » : la supercherie des Moreau and Co ne trompe plus grand monde. Il est urgent de se révolter.
CLAUDE DEMELENNE
RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite
(*) « Baise ton prochain. Une histoire souterraine du capitalisme », Dany-Robert Dufour, Acte Sud, 2019.
LISEZ AUSSI comme Jean Cornil, essayiste, ancien directeur-adjoint du Centre fédéral pour l'égalité des chance et la lutte contre le racisme (aujourd'hui Unia) et ex-sénateur PS, ici avec l'éditeur Pierre Bertrand (éditions Couleur Livres), lors de la Foire du livre politique de Liège, le 16 novembre 2019, LE JOURNAL de RésistanceS, le périodique papier de l'asbl RésistanceS et de son web-journal RésistanceS CLIQUEZ ICI
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