RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite | Lundi 22 juillet 2019]
REVUE DE PRESSE – Dans un édito au bazooka, la revue « Kairos » met en cause les politiques « extrémistes » du centre qui ont ouvert la voie à la haine et à tous les populismes. Une analyse décapante, pointant la responsabilité des « partis traditionnels plus soucieux d'assurer leur soutien aux grandes fortunes, au patronat et aux multinationales ». Prétendument « centriste », leur ligne de conduite est, en fait, d'une grande violence – ANALYSE
Créé en juin 2012, le bimestriel belge « Kairos » fait rarement dans la dentelle. L'éditorial du numéro de juin-juillet 2019, intitulé « Tous contre les extrémismes ? », signé par Alexandre Penasse, mérite le détour. « Le vote extrémiste, explique-t-il, est la conséquence de la paupérisation organisée des milieux populaires ». Le rédacteur en chef de ce « journal antiproductiviste pour une société décente » raille le discours moralisateur des partis traditionnels qui répètent au peuple qu'« il faut aimer son prochain, même si les politiques socio-économiques s'attellent à créer de la précarité, et donc de la haine ».
L'éditorial de « Kairos » dénonce « le cynisme qui veut que les partis remportent le contrat de réparation des dégâts qu'ils ont participé à créer, puisque ce sont maintenant eux qui vont nous dire comment bien penser et faire le barrage aux ''anti-démocrates''. Le Mouvement Réformateur (MR) diabolisant sans argument le Parti du Travail de Belgique (PTB), sera de ceux qui nous expliqueront ce qu'est la démocratie, alors que leur politique, avec celle du parti 'socialiste' et autres réformateurs, a fini de détruire les classes populaires et provoque le ravage en cours de la classe moyenne. Leur cordon sanitaire n'est que le paravent de leurs politiques insalubres ».
« Repenser la notion ''d'extrême'' »
Alexandre Penasse estime qu'« il serait de bon ton de repenser la notion d'extrême ». Il cite le philosophe québécois Alain Deneault, auteur d'un ouvrage sur le sujet (« Les politiques de l'extrême centre », éditions Lux, 2017) : « L'extrême centre consiste à être intolérant envers tout ce qui ne s'insère pas dans le paramétrage très étroit de l'ordre du jour du programme oligarchique. L'extrême centre c'est donc ne tolérer rien d'autre que ce discours qui se présente arbitrairement comme relevant du centre. Pourquoi le centre ? Parce qu'il ne va pas se présenter comme étant radical, destructeur, impérialiste, au fond, violent par bien des aspects. Mais il se présente au contraire comme étant vrai, juste, équilibré, comme étant raisonnable, rationnel et ainsi de suite ».
En quoi consiste le caractère extrême de l'extrême centre souligné dans « Kairos » ? Dans un texte publié sur le blog de Médiapart, le 17 mai 2017, Alain Deneault précise : « La politique d'extrême centre défend un discours et un programme présentés comme exclusifs et impérieux. Il est extrême car il est intolérant à tout ce qui n'est pas lui. Rien d'autre ne serait envisageable que des dividendes pour les actionnaires, des fonds croissants pour les grandes entreprises et la haute finance, des accès multiples aux paradis fiscaux, moins de droits pour les travailleurs, moins de fonds pour les services publics ».
Le flop des discours moralisateurs
Une seule politique possible ? Tant que cette supercherie ne sera pas absolument démasquée, l'extrême droite et les populismes continueront à enfler. Il ne sert à rien, ajoute le rédac' chef de « Kairos », Alexandre Penasse, de « convoquer les images de la Seconde Guerre mondiale, et de réduire la population du vote d'extrême droite à ces nazillons, crânes rasés et Combat Shoes ».De fait,le résultat des récentes élections montre que ce n'est pas le discours moralisateur et culpabilisant(« Vous êtes tous des fachos ! ») qui permettra de vaincre l'extrême droite, mais bien lamiseen oeuvre d'une autre politique, plus juste et plus humaine.
CLAUDE DEMELENNE
RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite
© RésistanceS asbl |Bruxelles| Lundi 22 juillet 2019