RésistanceS |Observatoire belge de l’extrême droite | Jeudi 9 mars 2017
Enquête exclusive du journal d'investigation RésistanceS sur l'avenir de l'extrême droite belge francophone (4/4)
Jean Thiriart et ses amis russes
L'asbl
« Jeune Europe », fondée officiellement le 10 février
de cette année par deux dirigeants du Front national belge, l'ancien
député régional wallon Jean-Pierre Borbouse et le conseiller
communal Salvatore Nicotra de Fleurus, fait directement référence à
l'organisation politique Jeune Europe active en Belgique et dans
plusieurs Etats européens de 1962 à 1969, sous la houlette de son
dirigeant-fondateur, le Belge Jean Thiriart.
Celui-ci
a été l'un des principaux leaders de l'extrême droite belge du
début des années soixante, puis le théoricien du
« national-communautarisme », un nationalisme européen
tendance pure et dure. Chez les partisans acharnés de la « Nation
européenne », Jean Thiriart reste de nos jours une référence,
de Bruxelles à Moscou.
Collabo
et colonialiste
Né
en 1922 à Bruxelles, après un passage très court dans les rangs
des Jeunes Gardes socialiste (trotskistes), Jean Thiriart rejoignit
ensuite l'extrême droite. Durant l'occupation allemande, il prit sa
carte d'adhésion à l'AGRA, les « Amis du Grand Reich
allemand », un mouvement collaborationniste actif en Wallonie,
en particulier dans la région liégeoise, bien connue de la famille
de Thiriart. A la Libération du pays, l'adhérent de l'AGRA est
condamné à trois ans de prison. A sa sortie de l'ombre,
il se consacre à sa carrière professionnelle comme
opticien-lunetier. Mais au début de 1960, Jean Thiriart s'engage à
nouveau en politique, dans le milieu colonialiste. Il fait partie des
fondateurs du Comité
d’action et de défense des Belges d’Afrique (CADBA). Le CADBA
change de nom très vite en Mouvement d'action civique (MAC).
Ce
MAC rassemble en Belgique les partisans à la fois du Congo belge et
de l'Algérie française. Dans ce cadre, il apporte un soutien
logistique aux terroristes français de l'Organisation de l'armée
secrète (OAS).
Contre
l'Europe des Nations, la Nation européenne
En
1962, le MAC est rebaptisé en Jeune Europe et se développera
également dans d'autres pays européens : en France, en
Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne... À la place de l'« Europe
des Nations », JE défend, dans ses thèses pensées par
Thiriart, la création d'une « Nation européenne »,
allant de Brest à Vladivostok, soit de l'Atlantique à la frontière
de la Russie avec la Chine et la Corée du Nord.
Fort
d'un puissant corpus idéologique et d'une structure militante hyper
organisée, renforcée par une efficace « école des cadres »
(s'inspirant de l'enseignement léniniste), Jeune Europe disparait
cependant en 1969. Son fondateur, se revendiquant à la fois du
« nationalisme-européen » (inspiré par le fascisme
italien) et du « national-communisme » (soviétique),
reprendra une nouvelle retraite politique jusqu'en 1983.
Cette
année-là, le Front
nationaliste-nationalistische front (FNF), un petit groupuscule
nationaliste-révolutionnaire électoraliste carolorégien (0,53 %
aux élections communales de 1982), issu de l'extrême droite
euro-belgicaine, se transforma en Parti communautaire
national-européen (PCN), sous la
direction de son mentor Luc Michel. Un contact est pris avec Thiriart
qui participe ensuite aux premières années d'activités intenses du
PCN.
Conseillers
de Vladimir Poutine
En
1990, le chef-fondateur de Jeune Europe sera encore remis au goût du
jour, à la une de son mensuel (notre illustration ci-contre), par le
Parti des forces nouvelles (PFN), provenant du Front de la jeunesse,
la plus développée des organisations d'extrême droite en Belgique
francophone après Jeune Europe. Sur le plan de sa vision européenne,
le PFN s'est directement inspiré des thèses de Jean Thiriart. En
1991, Forces nouvelles fusionne avec le FN belge. Un parti d'extrême
droite qu'avaient déjà rejoint d'anciens militants de Jeune Europe.
Après
son décès en 1992, Jean Thiriart est resté une référence du
nationalisme européen, tant en Belgique qu'à l'étranger, notamment
en France, en Italie et en Russie. Parmi les conseillers politiques
du président Vladimir Poutine, il s'est trouvé quelques disciples
du fondateur-dirigeant de Jeune Europe.
MANUEL
ABRAMOWICZ
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