L'extrême droite au coeur des incidents à la Bourse ce dimanche

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite Lundi 28 mars 2016 10 h 33.
Réactualisation : Jeudi 31 mars 2016 12 h 36

INFO EXCLUSIVE -  Ce dimanche, entre 400 et 500 supporters ultras de différents clubs de football du pays se sont rendus à la Bourse, dans le centre de Bruxelles, pour officiellement y rendre un hommage aux victimes des attentats du 22 mars. A leur manière : des coups ont été donnés, des insultes proférées, des slogans racistes hurlés et des affrontements avec la police ont ensuite eu lieu. Une nouveauté ? Des ex-têtes connues de la scène nazie-skin, dont le chanteur d'un groupe de RAC, s'y trouvaient - L'EXTRÊME DROITE Y ETAIT !

Suite aux violences de ce dimanche à la Bourse de Bruxelles, commises par des hooligans, Walfoot.be, un site d'information consacré à l'actualité footballistique précisait, hier soir, dans un article : « Ce n'était pas une manifestation d'extrême droite, il y avait des participants d'origine turque ou marocaine. Il y a eu deux ou trois saluts nazis, mais c'était des cas isolés. La plupart ne désiraient pas cela et sont intervenus. ». A la base, le rassemblement initial a regroupé, écrit Walfoot.be, « beaucoup de Firms (nom d'un groupe de hooligans d'un club) de plusieurs clubs belges. Des Wallons, des Flamands et même des hooligans du canton de l'est (Eupen). Il y avait plus de 150 hooligans d'Anderlecht. Ceux du Club de Bruges, de Gand et de l'Antwerp étaient plus de 70, accompagnés par ceux du Beerschot (30), du Standard (20) de Charleroi (15) de STVV (15), le Liège, du RWDM, de la Louvière et donc de l'AS Eupen. »

Ces hooligans, tous ensemble, ont défilé derrière un calicot unitaire sur lequel était écrit : « FCK ISIS – Casuals against terrorism ». Soit : « Fuck Islamic state – Hooligans contre le terrorisme ».

Une étude sociologique, publiée en 2008, informe que « le casual » est « un nouveau genre de hooligan dans la ville ». Dans celle-ci, on y apprend que « le hooligan se distingue des autres supporters par sa violence. Chez les hooligans Casuals que nous avons observés, la violence dépasse l’affrontement spontané de deux bandes rivales. Ils ont une volonté acharnée d’en découdre ouvertement et consciemment. Cette violence change de statut pour devenir un style de vie revendiqué, une recherche de plaisir affirmée : ''Ce qu’on aime c’est sentir l’adrénaline monter, cette sorte de pression avant d’aller se battre. Et le foot ce n’est qu’un prétexte pour se foutre sur la gueule, loin des stades et loin de la police. (...) C’est ça une bagarre de hooligans, un combat de rue intense qui procure de multiples sensations fortes et qui permet à chacun de se surpasser pour les autres et pour eux-mêmes. Et souvent alors qu’on goutte à ce genre d’émotions, il est difficile de s’en détacher, on devient dépendant. On veut toujours se battre de plus en plus, prendre de plus en plus de risque et à la fin il est très difficile de se retirer, de se ranger.'' (témoignage recueilli d'un jeune hooligan) » (1).

Officiellement apolitiques, chez ces hooligans se trouvent cependant des militants d'extrême droite. Depuis plus d'un an déjà, le slogan « FCK ISIS » est régulièrement visible dans les stades de football, en Belgique comme à l'étranger. Dans la ville allemande de Cologne, en octobre 2014, une manifestation anti-islamistes de plus de 3.000 supporters ultras de football a été organisée par l'organisation des « Hooligans gegen Salafisten » (HoGeSa). Avec la participation de hooligans venus de Belgique, dont plusieurs connus pour leur engagement à l'extrême droite.


Militants d'extrême droite

Parmi ces hooligans présents à la Bourse ce dimanche, le journal d'investigation RésistanceS.be a pu reconnaitre plusieurs militants d'extrême droite. C'est le cas de « Jeanke S. », un des principaux activistes des Autonome nationalisten Vlaanderen (ANV), un groupuscule néonazi actif à Anvers, à Gand et à Bruxelles. Celui-ci avait d'ailleurs annoncé sur Internet, le matin même vers 9 h, son arrivée dans la capitale.




Le groupe antifasciste flamand Blokbuster a pour sa part repéré, dans le cortège des hooligans ayant débarqué à Bruxelles par la gare du nord, un responsable de la section gantoise du Vlaams Belang. Celui-ci est même l’un des douze membres de son bureau politique local. L'information a ensuite été confirmée par notre partenaire néerlandophone « AFF/Verzet ». Ce cadre du VB est Martin Gyselinck. Par ailleurs, il est également un des activistes importants de Voorpost. Ce « groupe d'action nationaliste » est l'une des structures fondatrices, en 1978, du parti d'extrême droite flamand. Voorpost se charge en partie du service de sécurité du VB.

Naziskins présents !
Parmi ces supporters ultras, Arthur C. était aussi sur place à la Bourse, ce dimanche après-midi (comme le montre la photo ci-dessous). C'est une vieille connaissance de RésistanceS.be. Connu sous le pseudonyme de  « Thure », ce bruxellois s'était rendu célèbre dans un reportage de la RTBF consacré aux skinheads diffusé en 1988. Il militait à cette époque au Parti des forces nouvelles (PFN), ainsi qu'au VMO-Bruxelles qui sera à la base de la création du groupuscule néonazi L'Assaut. Déjà supporter de foot ultra, Thure jouait alors dans le groupe skin-nazi de musique « Fight Action », dont le chanteur avait milité au Parti nationaliste français et européen (PNFE) avant de se réfugier chez nous suite à des violences commises en France. En 1991, Thure avait été recruté pour assurer la sécurité du négationniste français Robert Faurisson venu assisté au procès du néonazi Olivier Mathieu.

Il y a six ans, Thure faisait partie du noyau fondateur de la Belgium defence league (BDL). Cette ligue prenait exemple sur l'English defence league (EDL), une organisation d'extrême droite fondée outre-Manche - dans l'objectif de combattre « l'islamisation de notre société » - par des supporters ultras anglais de football. Hier, devant la Bourse, Thure s'est violemment attaqué à coup de poing à une personne qui avait osé s'opposer à la présence des « Hooligans contre le terrorisme ». 











Une autre gloire de la scène skinhead a encore été identifiée sur les marches de la Bourse. Il s'agit de Fabien D., alias « Suck », le fondateur et chanteur bruxellois du groupe de musique brugeois Les Vilains. De sa création en 1997 à sa disparition en 2012, il a été le groupe belge le plus populaire du « RAC » (Rock against communism), la musique des skin-nazis. Le titre de son premier disque, édité en 1998, était « Belgique hooligans ».

Ne sachant pas à qui ils tendaient le micro, les envoyés spéciaux des télévisions française I Télé et russe RT (Russia Today) ont permis à Suck de s'exprimer sur leur antenne respective à propos des attentats du 22 mars. L'ex-chanteur des Vilains dira : « C'est les bobos de gauche. Les bobos de gauche, c'est leur faute à eux. Moi, je viens de Molenbeek, il y a vingt ans on était tous copains. Nos copains s'étaient les marocains. Mais maintenant, il y a des ghettos. Ils ont fait des ghettos. Quand moi je passe, les gens se retournent et on me dit ''Qu'est-ce que tu fais ici ?''. J'entends les gens, ils ne parlent même plus français ou flamand sur la rue. C'est une bombe à retardement. On le disait, il y a vingt ans. On nous traitait de racistes. Eh bien, elle a explosé cette semaine la bombe à retardement. Mais nous on le disait il y a vingt ans. On nous a interdit (de le dire). Parce qu'on était jugé d'extrême droite. Alors que j'avais des amis immigrés qui me disaient, si j'étais belge, je suis comme toi, ce qu'on fait à votre pays, on vous encule ! » (sic).


La vidéo de l'interview improvisée de Suck par I Télé, posté sur Facebook, a été ensuite partagée 1990 fois. Notamment par un certain Sylvain V., avec son commentaire personnel suivant : « On ne peut pas appeler ça un discours d'extrême-droite. C'est la pure vérité ! Celle qui dérange... ». Ancien membre du Parti populaire, l'auteur des lignes en question avait fondé pour les élections législatives de 2014 une éphémère formation politique d'ultra droite populiste, la « Vox Populi Belgica ».

En Wallonie, le groupe brugeois Les Vilains bénéficiait de fans qui étaient alors très actifs à Jeune Nation, la section de jeunesse du mouvement Nation. Fabian D. avait déjà été en contact, dans les années 1990, avec des hooligans qui militaient dans le groupe néonazi L'Assaut, dont le dirigeant-fondateur, Hervé Van Laethem, redeviendra samedi prochain le nouveau président de Nation.





Plus tard, après les incidents du milieu d'après-midi, le mouvement Nation et son partenaire flamand actuel, les Vlaanderen Identitair  (VLI), vont communiquer leur soutien à ceux qu'ils considèrent comme des « patriotes » (sic). Juste après les incidents commis à la Bourse, Rob Verreycken, le leader du groupuscule VLI et ancien responsable du Vlaams Belang, a posté sur sa page Facebook le commentaire suivant : « 450 compatriotes sont venus pour montrer au monde entier leur - et notre - juste colère (NDLR : suite aux attentats de mardi dernier), ainsi que leur détermination pour lutter contre l'islamisation de notre pays. »


Une violence peu médiatisée ! Pourquoi ?

Malgré l'étonnement de beaucoup, le déchainement de violence de ce dimanche perpétré par ces hooligans est pourtant une habitude. Aujourd'hui, il inquiète parce qu'il s'est déroulé devant l'emplacement d'hommage aux victimes du terrorisme dans un contexte particulièrement dramatique. La violence urbaine de supporters ultras se déroule cependant régulièrement dans les soirées d'après-match de football. Elle est alors peu médiatisée.


Pour ces hooligans, la violence est un mode d'expression, une raison d'existence. Ce phénomène de société ne semble pas réellement inquiéter les autorités compétentes. Elles sont bien plus sensibilisées et mobilisées par la violence qui s'exprime dans les quartiers populaires de nos villes lors d'émeutes, survenant souvent suite à une « friction » entre des jeunes et la police.

Pour mieux comprendre ce qui s'est passé ce dimanche à Bruxelles, le journal RésistanceS.be vous propose un articles analytique qu'il avait déjà publié en 2001 sur le hooliganisme et son infiltration par des groupes d'extrême droite. Aujourd'hui, il garde toute son actualité. Pour lire cet article CLIQUEZ ICI



RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite 



(1) Denis Bernardeau Moreau, Julien Bonomi, Cecile Collinet : « Le Casual, un nouveau genre de hooligan dans la ville », in Les Annales de la Recherche Urbaine, Plan Urbanisme - Construction - Architecture, 2008, pp.37-45.


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    © RésistanceS Bruxelles | Lundi 28 mars 2016 





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