RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite | Vendredi 12 février 2016 – Rectificatif : Mardi 17
février 2016. Mis en gras dans le texte]
INFO
EXCLUSIVE RESISTANCES -
Pour « La Droite », officiellement les ex-FN sont persona
non grata.
Vraiment ? RésistanceS.be a reçu un document prouvant un lien
direct de cette dissidence du Parti populaire (PP) avec un ex-député
régional du Front national belge, toujours membre de son asbl de
fondation. La « droite populaire » est-elle réellement
vaccinée contre la lepénisation?
Il
y a deux jours, La
Libre Belgique
consacre deux pages à la dernière vidéo de propagande de Mischaël
Modrikamen, le président-fondateur du Parti populaire (PP), diffusée
sur Internet par son journal, Le
Peuple.
Elle est essentiellement centrée sur le « péril musulman ».
Fondé en 2009, le PP est fondamentalement ancré à la « droite
de la droite », mais n'est pas considéré - par la plupart des
politologues - comme étant d'extrême droite. Pour avoir une analyse
détaillée de cette vidéo, le quotidien a demandé à Jean Faniel, le
directeur du Centre de recherche et d'informations socio-politique
(CRISP), et à moi-même, comme coordinateur de RésistanceS.be (par ailleurs déjà co-auteur d'un courrier du CRISP sur l'extrême droite électorale en 1997), un avis.
Pour nous deux, il n'y a pas de doute : cette vidéo reprend les
thématiques habituelles de la droite extrême : à sa façon,
avec sa rhétorique et son vocabulaire classique. C'est pour cette
raison que le Centre interfédéral pour l'égalité des chances a
ouvert un dossier, en vue d'une plainte judiciaire éventuelle, à
l'encontre de Modrikamen.
Droite
populaire en fusion ?
Suite
à ces informations, La
Libre Belgique
informe jeudi que le parti La Droite, fondé par des dissidents du PP
et des transfuges du Mouvement réformateur (MR), a décidé de
remettre en cause sa fusion possible avec la formation de Modrikamen.
Depuis plusieurs mois, cette fusion était un scénario envisagé par
ces deux micro-partis dont la survie aux prochaines élections n'est
pas assurée.
Depuis
sa création, il y a sept ans, le Parti populaire surfe sur des
scores en-dessous de ses espérances, malgré en 2010 l'élection
(pas directement, mais par apparentement) d'un premier député
fédéral (l'incontrôlable Laurent
Louis
qui sera rapidement mis dehors du parti et rejoindra la « galaxie
Dieudonné ») et d'un second, aux dernières élections
législatives.
Pour
sa part, La Droite, toujours à l'état de groupuscule, donc
inefficace sur le terrain, obtient néanmoins des résultats
encourageants, lors de divers sondages récents. L'explication :
sans être connu, ce parti aimante vers lui, par son nom uniquement,
des électeurs conservateurs déçus par le « laxisme »
du MR et du CDH sur les questions de société. Les mêmes pensent
peut-être également que le Parti populaire est une formation
d'extrême gauche. A l'ère de la confusion généralisée des
valeurs et des idées politiques, tout mouvement électoral peut-être
produit de façon non-conformiste.
Dès lors, dans ce contexte politique et par pur calcul électoral, les état-majeurs du PP et de La Droite ont envisagé, dans un premier temps, une fusion. En mettant de côté les conflits et incompatibilité d'humeur entre ses leaders, Mischaël Modrikamen et Aldo-Michel Mungo. Ensemble, ils estiment pouvoir facilement se rapprocher d'un score à deux chiffres. A ce sujet, le président de La Droite, lucide et stratège, avait déclaré en décembre dans les colonnes de La Libre Belgique : « Nous sommes condamnés à nous réunir quand nous voyons les sondages. Notre potentiel avoisine les dix pour cent. Si nous réalisons ce score, nous représenterons un groupe politique et nous pourrons réclamer notre place autour de la table des négociations. Sans regroupement, l’un de nous deux pourrait réaliser six pour cent, mais ce n’est pas suffisant. ». Le big-boss du PP suggéra même ensuite un nom possible pour ce nouveau parti en devenir : la « Droite populaire ».
Garde
la main pour mieux marchander
Cela
était sans compter sur les remous suscités par la dernière vidéo
de propagande du PP. Mungo désormais ne souhaite plus de fusion
entre les deux entités populistes. Sans pour autant rejeter une
nouvelle séparation. Le PP et La Droite pourraient en effet toujours
se présenter aux prochaines échéances électorales, sans opérer
une fusion, mais en proposant à sa place, un cartel. L'extrême
droitisation de Modrikamen est l'excuse de se revirement.
Officiellement. Il permet à Mungo d'avoir un nouvel avantage dans
les négociations de rapprochement. Le marchandage devrait être des
plus rudes, pour l'un comme pour l'autre. Partir en position de force
est dès lors recherché à tout prix. En jouant sur le chantage
« FN », La Droite garde ainsi la main pour imposer des
conditions pour la constitution d'un cartel.
Le
quotidien La
Libre Belgique
note : « La
Droite avait récemment précisé qu’en cas de fusion entre les
deux partis, les anciens membres du FN belge n’étaient évidemment
pas les bienvenus et qu’il n’était pas question de tenir des
discours d’extrême droite. On peut, dès lors, imaginer que les
propos tenus par Mischaël Modrikamen sont de nature à rebuter le
possible partenaire. »
Les
électeurs orphelins du Front national belge - qui n'a pas pu se
présenter aux élections communales de 2012 sous son nom (à l'exception de deux communes wallonnes) et aux législatives de
2014 (suite aux procès
du FN français enclenchés contre lui),
constituent un cheptel électoral a récupérer. Dans
un commentaire posté à la suite de la publication de l'article de
La Libre Belgique
ce 10 février, un lecteur, Pierre Manick, écrit à juste titre sur
« lalibre.be » : « Modrikamen
c'est juste un type qui a compris que la politique ça peut rapporter
très gros. Depuis les ennuis judiciaires du FN belge et de son
mentor Daniel Féret, il y avait une place vide à l'extrême droite
de l'échiquier politique belge : Modrikamen et son Parti "populiste"
l'ont prise. »
C'est
pour cela, qu'à plusieurs reprises, le président du PP est monté au front
avec un discours lepéniste et en se laissant traiter, sur les
plateaux télés de débats politiques, de « digne représentant
du FN » en Belgique, notamment par le député fédéral MR
Denis Ducarme. Permettant d'un seul coup de se faire identifier, sous
cette « labélisation », comme l'héritier du FN par les
derniers électeurs et sympathisants de ce parti à Bruxelles et en
Wallonie (de plus en plus nombreux). Tout en affirmant avec
détermination, comme le 13 août 2013 dans les colonnes du quotidien
La Dernière
Heure :
« Nous
ne sommes pas d'extrême droite ».
L'être officiellement condamnerait le PP à se retrouver exclu du
paysage médiatique par le cordon sanitaire. Le son de cloche est
identique au sein de La Droite.
Pour Aldo-Michel Mungo, toute identification à l'extrême droite est considérée comme intolérable. Parce que dangereuse. L'homme impose un politiquement correct orthodoxe sur le profil que doit adopter La Droite. Aucun lien avec les frontistes n'est accepté. Dans ce sens, Mungo a affirmé, en décembre dernier, dans le journal La Libre : « Nous sommes à l’égard des anciens du Front national belge plus catégoriques que le PP. ». Ce « cordon sanitaire » imposé par le président de La Droite est-il vraiment d'application dans les faits ? Pour le savoir, RésistanceS.be a enquêté...
... du
Bloc identitaire au FN belge
En
décembre 2010, Aldo-Michel Mungo représentait en personne des
« citoyens
vigilants »
engagés dans la résistance à « l'islamisation
de l'Europe »
lors d'un rassemblement à Paris. Une « grande messe anti-musulmane »
co-organisée par le Bloc identitaire, un mouvement d'extrême droite
pur et dur. La vidéo de l'intervention parisienne d'Aldo-Michel
Mungo, à la tribune du Bloc identitaire et de ses potes, sera
ensuite récupérée par le Front national belge qui le diffusera
directement sur son site Internet de l'époque.
Dans
son discours prononcé lors des 30
ans du FN belge, le samedi 14
novembre 2015 à Fleurus, Jean-Piere Borbouse, l'un de ses derniers
dirigeants, a affirmé avoir été invité à une
réunion de La Droite. Une information reprise dans le
reportage
du journal RésistanceS.be
consacré à cet anniversaire des frontistes belges.
Hors de lui, et exigeant que cette information soit retirée dans les
vingt-quatre heures, Aldo-Michel Mungo nous avait menacé de
poursuites judiciaires.
>
Jean-Pierre Borbouse et Daniel Féret, ex-député régional et
président-fondateur du Front national, lors de ses 30 ans, le 14
novembre dernier.
Information
exclusive RésistanceS
Nous
avons obtenu en exclusivité un
document démontrant que Borbouse avait bel et bien été invité à
un rendez-vous de La Droite. Il
s'agit d'une invitation par e-mail de son bureau
politique « à la réunion de rentrée » de
la formation de Mungo. Cette
réunion était programmée pour le
18 octobre 2015, dans une taverne de la commune de Jambes.
Son ordre du jour : « Les
différentes actions de l’année 2015-2016, les perspectives de
croissance du parti,
les
propositions en vue de présenter des listes aux élections
communales de 2018. L’objectif étant de présenter 100 listes dans
100 communes. »
Selon le parti La Droite, il s'agissait d'un meeting public ouvert au grand public. Dès que le frontiste Jean-Pierre Borbouse fut identifié comme tel, ses organisations le mirent dehors.
Selon le parti La Droite, il s'agissait d'un meeting public ouvert au grand public. Dès que le frontiste Jean-Pierre Borbouse fut identifié comme tel, ses organisations le mirent dehors.
Mais,
Jean-Pierre Borbouse affirme, noir sur blanc, qu'il fut accueilli à
cette réunion par son leader. Dans
un courrier qu'il nous a communiqué, Borbouse écrit : « Je
vous confirme que j'étais présent à cette réunion. Monsieur
Aldo-Michel Mungo m'a présenté aux autres invités comme étant un
ancien député du Front national. Au cours de cette réunion j'ai
pris la parole afin de les informer que leurs estimations sur la
possibilité d'avoir des élus lors des prochaines élections étaient
faussées puisqu'elles ne tenaient pas compte du fait que le FN belge
serait présent lors prochain scrutin et que dans ce cas La Droite
serait incapable de franchir les seuils d'éligibilités. »
Qui
dit la vérité ? Borbouse ou Mungo ?
Le premier n'est
pas un « simple
citoyen » : il est une des célébrités bien identifiée
du Front national. Il fut conseiller communal à Charleroi sous ses
couleurs, député régional wallon, son imprimeur, le co-fondateur
du Comité belge de soutien à Jean-Marie Le Pen pour la
présidentielle de 2007 (avec d'autres chefs du FN : Pire,
Sessler, Tonnelier...).
Résumons
ce schmilblick
:
dans La
Libre Belgique,
Aldo-Michel
Mungo dénonce officiellement la dérive lepéniste de son comparse,
Mischaël Modrikamen. Mais
aurait
accueilli dans ses coulisses un premier dirigeant du Front national.
Une contradiction qui devrait susciter des controverses internes dans
la mouvance de ladite « droite populaire ». A suivre.
MANUEL ABRAMOWICZ
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Vendredi 12 février 2016