Un film sur la résistance, l'exil, l'intégration et le travail social

RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite  | Dimanche 24 janvier 2016]



CHRONIQUE CINEMA SOCIAL - Ce week-end de janvier, RésistanceS.be a vu le nouveau film français « Nous trois ou rien », réalisé par Kheiron, jeune humoriste franco-iranien. Avec lui, Leila Bekhti, Zabou Breitman, Gérard Darmon... Une saga dure, impitoyable mais pleine d'humour. C'est le parcours à la fois ordinaire et exceptionnel de réfugiés arrivés clandestinement en France. Une comédie sur la résistance contre les dictatures iraniennes, aussi sur l'immigration et l’histoire d’une réussite du travail social dans une banlieue parisienne.


Sur le ton d'une comédie grinçante, ce récit commence à l'époque de la dictature du Shah d'Iran, soutenue alors par l'Occident. Elle nous raconte l’histoire d'un couple de communistes iraniens antifascistes et laïques, Hibat et Fereshteh Tabib, histoire vécue par les propres parents de Kheiron.
Pour ses activités politiques contestataires, motivées par ses aspirations démocratiques, le jeune avocat à peine diplômé Hibat est incarcéré dans une des horribles prisons de ce régime despotique. Après avoir refusé de manger un biscuit offert aux détenus par les matons au nom du monarque, sous le prétexte de son anniversaire, avec un haut degré de perversion, l’insoumis Hibat va être jeté au cachot en isolement total et subir, durant plusieurs mois, des séances de torture destinées à le faire plier, pour qu’il fasse acte d’allégeance en avalant ce biscuit. Intellectuellement armé par son engagement politique, il résistera jusqu'au bout à cet enfer carcéral.
Après plus de sept années d'emprisonnement, avec pour voisins d’infortune plusieurs activistes islamistes, aussi hostiles aux détenus progressistes laïques qu’au Shah, Hibat et ses camarades sont libérés suite à la médiatisation internationale de son cas, ainsi qu’à la pression de la rue en Iran. A sa sortie de prison, nous sommes en 1979, vient alors le renversement et la fuite du Shah, chassé par le succès de masse d'une révolution, dominée par l'ayatollah Khomeiny.
La dictature sanguinaire est très vite remplacée par une république islamique qui se révèle tout aussi antidémocratique. La chasse est à nouveau ouverte par les nouveaux maitres du pays contre tous les opposants. De sorte que la direction clandestine du parti des Tabib ordonne l'exfiltration de plusieurs cadres, recherchés par la police islamique, dont Hibat, et ce afin de les sauver et préparer l’organisation d’une opposition politique depuis l'étranger. Pour sa jeune épouse Fereshteh, la condition de ce départ précipité de son mari est non négociable : « nous trois ou rien » ! Avec leur bébé, ils chemineront clandestinement, aidés par la résistance kurde, à travers les montagnes glaciales qui séparent l'Iran de son voisin turc.


Travail social et intégration en France
Après un long périple de plus d'un an, via Istanbul, ils aboutissent en tant que réfugiés politiques en France, « pays de la première révolution » dira Hibat. Installés à Stains, une commune populaire en banlieue nord de Paris, la petite famille Tabib va entamer un long parcours du combattant, commun pour bon nombre de migrants, dans le but de s'intégrer à leur nouvelle terre d'accueil : pauvreté, petits-boulots, labyrinthes kafkaïens auprès d'administrations, reprises d'études dans une entraide conjugale mutuelle pour obtenir les équivalences de diplômes (elle, dans le médical, comme infirmière, lui comme avocat) logement dans un HLM « périmé » et sans meubles, survie dans un environnement violent...
Ils feront face à ces innombrables soucis du quotidien, et décideront très vite que la France est définitivement leur pays d’adoption. Enfin arrivés au bout de leur itinéraire personnel d'intégration, ils développeront sans réel soutien financier, avec une bonne dose de créativité, deux associations de quartier populaire en y brisant petit à petit toutes les barrières, rendant ainsi possible un vivre ensemble solidaire et respectueux de toutes les différences culturelles, sociales, philosophiques.
Malgré les difficultés et les multiples obstacles, Hibat et Fereshteh Tabib, grâce à leurs expériences, leur détermination et l’aide précieuse de travailleurs sociaux, verront leurs « petites entreprises » couronnées de succès et de reconnaissance. Une démonstration qu'il est toujours possible de gagner des combats et vaincre les préjugés, malgré l’hostilité proclamée d’un environnement délaissé.



Débattre et comprendre 
« Nous trois ou rien » de Kheiron est un magnifique film de cinéma traitant une large palette de thèmes, tels la survie sous la dictature, la prison, la torture, la résistance populaire, l'exil, l'accueil des réfugiés, la vie dans les quartiers difficiles, la diversité, le travail social et l'intégration réussie.  D’une grande modernité, riche d’autant de réalisme que d’humour « décalé », soulignant ainsi l’absurdité de l’intolérance, ce film doit être vu par un large public, pour l’intelligence du débat et la compréhension de ces sujets de notre société contemporaine.


MANUEL ABRAMOWICZ & THEO POELAERT

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