Procès des « six de NATION » : audience du 14 octobre

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite Mercredi 14 octobre 2015   Réactualisation : 16 octobre 2015


CHRONIQUE JUDICIAIRE - Ce mercredi matin, une nouvelle audience du procès d'un dirigeant de NATION et de cinq de ses activistes s'est déroulée devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Ils y sont poursuivis suite au lynchage d'un SDF polonais et de coups portés contre deux policiers belges. En présence de nombreuses forces de l'ordre et de militants antifascistes, l'audience fut de courte durée et remise au mois de décembre. Plusieurs enseignements peuvent néanmoins déjà être tirés - RECIT ET PHOTOS EXCLUSIFS DE RESISTANCES.


Faisant suite à celle du mardi premier septembre dernier (voir notre article Le procès des « six de NATION » s'est ouvert ce mardi), elle devait débuter exactement à 8 h 45. Pour finir, l'audience de ce mercredi 14 octobre du procès de Pascal Cornet (47 ans), un des dirigeants de NATION, de Lucas H. (20 ans), Jonathan D. (32 ans), Gregory B. (24 ans), Geoffrey B. (25 ans) et Andy VDH. (28 ans), cinq militants ou sympathisants de ce mouvement d'extrême droite belgicain francophone de tendance « national-solidariste », n'a commencé qu'une heure plus tard.

La cause de ce retard : l'évacuation pour des raisons de sécurité de la salle d'audience, alors déjà occupée par une dizaine de militants antifascistes, ainsi que par des journalistes de Télé Bruxelles, de la RTBF radio et du journal d'investigation RésistanceS.be, arrivés sur place bien avant les inculpés de NATION.


Six lâches contre un SDF antifasciste !

Pour rappel, le « procès des six de NATION » est celui de la ratonnade d'un SDF polonais, commise le lundi premier juin dernier devant le Parlement européen de Bruxelles. Ce lynchage s'est déroulé après une contre-manifestation avortée du défilé hebdomadaire de collectifs de soutien aux sans-papiers. Contre-manif organisée par NATION et les Vlaanderen Identitair (VLI), un nouveau groupuscule nationaliste dirigé par un ex-cadre du Vlaams Belang. Attablés à une terrasse d'un café de la place du Luxembourg, des militants de NATION se heurtèrent à ce SDF qui avait exprimé à sa manière son antifascisme.

Les gros-bras de NATION aux allures NS (nazi-skinheads) décidèrent alors, comme l'atteste une vidéo amateur filmée par un témoin de la scène, de régler à leur façon l'incident. A plusieurs, tels des fauves sauvages, ils se jetèrent sur l'homme seul pour le mettre à terre et le lyncher royalement à coup de poings et de bottines militaires. Aucunement héroïque, cet acte ultra violent immonde s'est déroulé dans la plus pure tradition des hordes nazies de jadis. L'uniforme des SA en moins ! La lâcheté est une des caractéristiques des bandes urbaines d'extrême droite responsables, ici, de faits de délinquance. Prenant la fuite rapidement une fois leur forfait commis, en espérant ne pas être inquiétés, ils furent cependant suivis par deux militaires, présents en faction devant l'europarlement dans le cadre des mesures de sécurité antiterroristes actuelles. Ces soldats de l'Armée belge ont pu ainsi appeler une patrouille de police en renfort. Celle-ci opéra immédiatement l'arrestation de Pascal Cornet, Lucas H., Jonathan D., Gregory B., Geoffrey B. et Andy VDH.


Policiers victimes de NATION !

N'étant pas des enfants de cœur (certains ont des casiers judiciaires, comme l'avouera lui-même ensuite dans la presse le secrétaire général de NATION), la neutralisation de ces individus a été difficile. Au cours de leur arrestation, deux jeunes policiers furent ainsi blessés suite aux coups portés par certains des interpellés.

Suite à ces faits extrêmement violents et qui seront médiatisés par les journaux télévisés de la RTBF, de RTL-TVI...) et par la majorité des quotidiens d'information (La Capitale, La Dernière Heure, Le Soir, La Libre Belgique...), le Centre interfédéral pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, l'organisme public en charge notamment de l'application des lois antiracistes, antinégationnistes et antidiscriminatoires, se constitua partie civile contre les « six de NATION ». Tout comme la principale victime, le SDF polonais, les deux policiers blessés et la zone de police d'Ixelles où la ratonnade fut commise et l'arrestation des suspects réalisée.

L'équipe de Télé Bruxelles était présente au procès (à gauche), tout comme le
SDF polonais victime de la ratonnade (à droite) © Photo RésistanceS / B. Labeur






C

Compte-rendu d'audience

Retour au Palais de Justice. Ce 14 octobre, après l'évacuation de la salle d'audience, un cordon de sécurité fut établi devant celle-ci. Présents en grand nombre, des policiers en uniforme et en civil contrôlèrent ensuite les identités, puis fouillèrent les inculpés et le public venu assister à leur procès. Parmi lui, des parents et compagnes des militants de NATION, ainsi qu'Eddy De Smedt, son secrétaire général et chef de sa section bruxelloise d'Evere, dont plusieurs des inculpés sont membres. Avec lui, seuls deux autres activistes de NATION s'étaient déplacés pour venir soutenir leurs « camarades » poursuivis devant le tribunal correctionnel. Une fois le contrôle de sécurité terminé, le procès pouvait enfin débuter.

Le juge s'adressa, comme l'usage le veut, aux avocats de la défense. Celui de Lucas H. ouvrit le bal pour demander, tout de go, que l'audience d'aujourd'hui soit remise à une date ultérieure. Le motif ? Il n'avait pas reçu les conclusions de l'une des parties civiles (la zone de police d'Ixelles) ce qui l'empêcha de pouvoir calibrer sa plaidoirie prévue au programme de l'audience du jour. Montrant qu'il connaissait parfaitement bien le dossier judiciaire, en étant capable de citer de mémoire des extraits de celui-ci, le juge du tribunal rétorqua que l'interrogatoire par la police de Lucas H. après son arrestation démontrait que le motif de la demande de report de son avocat n'était pas des plus pertinentes. Mais bon, puisque les autres avocats des inculpés de la ratonnade de juin dernier le demandèrent également, la décision fut prise de remettre l'audience aux lundi 14 et mardi 15 décembre prochains. Ce qui permettra de développer aisément l'instruction d'audience et les plaidoiries des différentes parties concernées par ce procès.

Interview par Télé Bruxelles de Patrick Charlier, le directeur f.f. du Centre pour l'Egalité des Chances et de la Lutte contre le Racisme, l'une des trois parties civiles dans ce procès © Photo RésistanceS / B. Lebar

























Un procès riche en enseignements
Une fois de plus, au cours de l'audience de ce 14 octobre, comme lors de la précédente, des informations des plus intéressantes ont pu être recueillies et des comportements particuliers observés. Voici le résultat de notre récolte :

  • Au vu de la présence massive à ce procès de policiers en uniforme et en civil, ainsi que des mesures de sécurité déployées, nos forces de l'ordre semblent le considérer comme étant à grand risque.

  • Les inculpés ne semblent pas se rendre réellement compte de la gravité des charges à leur encontre. Ils déambulent dans les couloirs du Palais de justice et dans la salle d'audience comme des touristes dans un musée.

  • Le soutien du mouvement NATION à ses membres et sympathisants inculpés devant le tribunal correctionnel est extrêmement limité. Il reste d'une très grande discrétion. A l'exception d'une déclaration lapidaire de soutien, publiée sans grande publicité sur internet, aucune campagne de solidarité n'a été lancée, contrairement à la tradition en vigueur dans les mouvements radicaux en pareille circonstance. Lorsque le fondateur de NATION, alors dirigeant du groupe néonazi L'Assaut, avait été, suite à une opération commando violente commise contre un stand antiraciste à Liège, arrêté, emprisonné (durant un mois à la prison de Lantin) et jugé, un mouvement du nom de « Solidarité Nationaliste » avait été spécialement fondé pour le soutenir. Dans le cas actuel : rien de tel n'a été mis en place pour les « six de NATION ».

  • Les associations françaises de soutien aux « prisonniers politiques » d'extrême droite (y compris ceux actifs en dehors du territoire français), avec lesquelles NATION a pourtant des contacts réguliers, par exemple avec le Comité de liaison et d'aide nationaliste (CLAN) ou le Comité d’entraide aux prisonniers européens (CEPE), restent totalement silencieuses sur le sort de leurs « camarades » nationalistes identitaires belges.

    Lucas H. et son avocat à la sortie de l'audience d'aujourd'hui © Photo RésistanceS / B. Labeur
























  • L'absence des principaux dirigeants de NATION devant et dans la salle d'audience a également été observée une fois de plus. Seul Eddy De Smedt s'y montre. Pour sa part, Jean-Pierre Demol, l'officiel président de NATION, s'est présenté à l'audience de ce mercredi 14 octobre, en compagnie de Serge Carli, membre du mouvement depuis sa fondation en 1999, mais uniquement à la fin de celle-ci et devant le Palais de Justice de Bruxelles. Bien loin du caméraman de Télé Bruxelles et du photographe de presse se trouvant, eux, depuis 8 h 45 à l'intérieur du palais. Demol ne voulait certainement pas être pris en image avec les présumés auteurs du tabassage du SDF polonais et des coups portés contre les deux policiers. Il y a des images apparemment politiquement incorrectes pour les dirigeants de NATION.

  • L'entente ne semble pas être au beau fixe entre Pascal Cornet et les autres inculpés de NATION, ainsi qu'avec Eddy De Smedt. « Pur produit de l'école de cadres du Mouvement », selon un document de NATION posté sur son site Internet, Cornet a été élu à sa direction en 2009. Il sera ensuite désigné au poste de secrétaire général. Mais en septembre 2014, c'est De Smedt qui le remplacera, dans le cadre d'un jeu de chaise musicale lié à des enjeux internes. Lors de l'audience d'aujourd'hui et lors de la première, en septembre dernier, Pascal Cornet s'est systématiquement retrouvé en position d'isolement, alors que les autres inculpés restèrent groupés autour d'Eddy De Smedt. Cette observation vient confirmer les tensions internes dans les rangs de NATION provoquées par le lynchage du SDF polonais. Comme RésistanceS.be l'avait déjà révélé en exclusivité dans son article Tabassage du SDF polonais : crise interne chez NATION.

A l'exception de Lucas H., les cinq autres inculpés de NATION sont sortis de l'audience en
se cachant le visage ou tête baissée © Photo RésistanceS / B. Lebar


Le journal d'investigation RésistanceS, spécialiste depuis sa création il y a plus de 18 ans, dans les révélations sur les petits - et grands - secrets de l'extrême droite, continuera bien évidemment à vous informer sur le développement de cette affaire judiciaire des plus négatives pour le mouvement NATION.



MANUEL ABRAMOWICZ

Avec B. Lebar et C. Calybru
RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite 
 


Eddy De Smedt, seul dirigeant de NATION présent au procès, ici accompagné
de Stéphane Hemmeryckx, un de ses hommes de main, avec lequel il participa,
cinq jours avant, à une manifestation aux Pays-Bas organisée par un parti néonazi
batave (voir ici). A droite, Pascal Cornet, l'ex-secrétaire général du mouvement qui
fut remplacé, lors du Congrès de NATION, tenu en septembre 2014, par De Smedt
© Photo RésistanceS / B. Labeur





Lors de cette audience du procès des « six de NATION » des militants antifascistes et antiracistes,
notamment du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (MRAX),
ainsi que des membres de l'équipe du journal RésistanceS.be, étaient également
présents en nombre © Photo RésistanceS / B. Lebar







LIRE LE PREMIER ARTICLE SUR LE PROCES DES «SIX DE NATION»





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