Nouveau concert néonazi en Flandre le 10 septembre prochain

RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite  | Mercredi 31 août 2022 | 22 h 15

 

Une partie du visuel du nouveau concert néonazi en Flandre. Le dernier avait au lieu il y a plus de trois ans.



RETOUR SUR SCÈNE | Après l’interdiction du Frontnacht prévu samedi dernier au pèlerinage nationaliste de l’IJzerwake, un nouveau concert néonazi aura lieu en Flandre. Le samedi 10 septembre prochain. Il est organisé par les derniers contacts belges de Blood & Honour, le réseau transnational d’origine anglaise constitué de « soldats de la Race blanche ».   | BRUITS DE HAINE RACIALE.

 

Dimanche passé, s’est déroulé comme chaque dernier week-end du mois d’août, dans les environs de la ville de Dixmude, en Flandre occidentale, l’IJzerwake (La Veillée de l'Yser), le pèlerinage des purs et durs du nationalisme identitaire flamand. De ceux qui scandent toujours « België Barst » (en français : Que la Belgique crève). Avec le défilé de ses clubs folkloriques, cercles nostalgiques, organes de presse, scouts en uniforme, amicales d’anciens combattants du Front de l’Est et groupes d’action : Voorpost, Vlaams Nationaal Jeugdverbond (VNJ), hebdomadaire 't Pallieterke, Taal aktie komitee (TAK), Nationalistische Studentenvereniging (NSV), Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond (KHVH), Sint Maartensfonds (SMF)… 

 

La veille de cet IJzerwake 2022, il était prévu pour la première fois le « festival Frontnacht » où devaient sur la scène se succéder divers groupes flamands et étrangers de rock identitaire racial. Avec des paroles pour séduire les jeunes néonazis. Après une mobilisation des antifascistes flamands, ce rendez-vous de la haine a été pour finir interdit. Les naziskins et autres nationalistes de la droite radicale qui avaient prévu de se rendre au Frontnacht le 27 août dernier ont l’occasion maintenant de se rattraper samedi en huit.

 

MODE OPÉRATOIRE : BLOOD & HONOUR

En effet, le 10 septembre prochain aura lieu un « concert RAC ». RAC ? Il s’agit dudit « Rock against communism », un concept né outre-Manche, dans le Londres des années 1980, et impulsé par Blood & Honour (B&H), l’organisation politique d’une partie des « crânes rasés », les skinheads, passés dans les rangs de l’extrême droite radicale pour devenir les « soldats politiques de la Race blanche », comme le proclamait son chef et fondateur Ian Stuart Donaldson (1957-1993). 

 

Samedi 10 septembre 2022, le concert RAC au programme se déroulera quelque part en Flandre, sur la base d’une inscription obligatoire et au préalable prise auprès d’une adresse e-mail impersonnelle. Pour des raisons de sécurité afin d’empêcher son annulation par les autorités politiques ou la présence d’une contre-manifestation antifasciste, le lieu exacte ne sera transmis aux participants que quelques heures avant l’ouverture de ses portes. Dans une salle louée, sous un faux motif, devant certainement se trouver dans une commune rurale. En cas d’obligation de changer de lieu, si celui-ci était découvert avant la date du concert, un plan B est en général prévu. Après avoir pris une double réservation ailleurs en Flandre ou même ailleurs en Belgique, voire même aux Pays-Bas ou en France.

 

Tout cela sur le mode opératoire habituel des concerts RAC de Blood & Honour, organisés déjà en Flandre dans les années 2000.

 

Concert du groupe belge Les Vilains de Fabian D., alias « Suck », en 2012 organisé par les néonazis de Blood & Honour. Il reste une des références majeures de la scène RAC belgo-française – Photo : Archives RIDAF Gent.


QUI SE PRODUIRA ?

À l’affiche du concert RAC du 10 septembre, il y a un groupe belge, Les Éburons, et quatre groupes français, Match Retour, Peine Capitale, Mauvais Troquet et Riot Krew. Dont le passif néonazi respectif est évident. État des lieux.

 

Les Éburons

Groupe belge de Bruxelles, dont l’appartenance au courant musical « NSHC », National Socialist Hardcore, est ouvertement revendiquée. Le chanteur, agissant maintenant sous le pseudonyme de « Glenn Boréen », est un Flamand francophone membre depuis plusieurs années du Mouvement Nation. Au début des années 2010, ce Glenn est l’un des responsables de Jeune Nation, composé à cette époque de naziskins wallons conduits par Emersson N., membre de la direction de Nation. Ce mouvement s’est associé alors à l’un des clans provenant du Front national belge.

 

Le batteur du groupe Les Éburons se cache lui derrière le pseudonyme « Joholocaust ».  Dans son CD « Hiver Nucléaire », une citation est mise en exergue : elle provient d’un écrit de Léon Degrelle, le fondateur en 1936 du parti fasciste national-catholique belge Rex. Durant la Seconde Guerre mondiale, Degrelle a mis sur pied la Légion wallonne qui sera ensuite incorporée aux divisions étrangères de la Waffen-SS pour combattre sur le front de l'Est le Communisme. Après la défaite du Troisième Reich hitlérien, exilé en Espagne alors sous la coupe du dictateur Franco, Degrelle a été condamné à mort par contumace en Belgique. Il restera actif au sein notamment du Nouvel Ordre Européen (NOE), un réseau transnational pour faire perdurer dans l’extrême droite le national-socialisme. Chaque année, les disciples belges, français, allemands ou encore mexicains de Léon Degrelle se rendaient chez lui en pèlerinage. Cela a été aussi le cas des dirigeants du Vlaamse Militanten Orde (VMO) ou plus tard de Koen Dillen, cadre du Vlaams Belang et fils de son président-fondateur. Selon la citation de Degrelle figurant sur la pochette du CD des Éburons, pour sauver l’Europe, une « énorme révolution morale est nécessaire ». Avec des « hommes qui apprennent à aimer, à se sacrifier, à vivre, à se battre et à mourir pour un idéal supérieur. » La plage titulaire d’« Hiver Nucléaire » ne parle pas d'énergie ni de bombes nucléaires, mais de « peuples étrangers » qui provoquent la « chute de la civilisation européenne. »

 



< Les naziskins de Jeune Nation (JN), section jeune du Mouvement Nation, en 2012 faisant le salut d’honneur au Troisième Reich hitlérien. Glenn, l’actuel chanteur des Éburons, est au centre de la photo, et Emmerson H., chef de JN, à l’extrême droite. Tous les deux portes un t-shirt avec l’emblème du Soleil noir nazi  – Photo : Archives RIDAF Charleroi.

 

 

Nazis de tradition, Les Éburons sont tout aussi naturellement conspirationnistes et antisémites. Dans leur chanson « Destruction », ils affirment que « nos valeurs et nos mœurs, nos nations et nos identités, notre fierté et notre civilisation sont détruites pour mieux répondre au projet sioniste ». Et donc le communisme, le capitalisme, le sionisme qui se cachent derrière la Franc-maçonnerie et le mondialisme doivent « être détruits ». Dans le morceau « Démence », la vision du monde n'est pas plus encourageante. Les citoyens sont « conduits à l'abattoir comme des porcs » et la liberté est uniquement conditionnelle, sur une scène des plus mortifère. Dans une autre chanson du même CD, les antifas, les communistes, les policiers et les juges sont traités de « fils de putes ». Un autre CD de ce groupe bruxellois de RAC, « Nous voulons, nous sommes », est également accompagné d'une citation de Léon Degrelle. Sur l'une des photos, un membre des Éburons porte un t-shirt avec une croix celtique et le slogan « White Power World Wide ». Sur une autre photo, le même homme porte l'image d'une tête de mort sur sa veste, identique à celle de la SS-Panzer-Division Totenkopf.

 

Match Retour

Ce groupe de musique français RAC de Lyon est à l’affiche du concert du 10 septembre. La tête de mort de la SS se retrouve également sur le blason de Match Retour, accompagnée d'un ballon de football, d’une pinte de bière et d’un coup de poing américain. Il résume bien ce que le groupe lyonnais représente : le néonazisme et les hooligans du football. Son CD « Deuxième Mi-temps » rend hommage au chef de la mafia américaine Al Capone, véritable idole pour ces naziskins. Dans le morceau « Blood and Honour », son leader historique Ian Stuart Donaldson et ses fidèles sont vénérés : « Contre les antifascistes, les anarchistes et les communistes, ils sont les seuls réalistes contre ces parasites. » Dans le livret, la chanson « Une cause nationale » met en scène Vercingétorix. Le chef gaulois figure d’ailleurs sur l'affiche du concert du 10 septembre. La chanson « FCK ISIS » ne rejette pas seulement l'Organisation de l’État islamique, mais tout ce qui appartient à l'Islam. 

 

Le 20 avril 2019, Match Retour a joué lors d'une fête organisée à l'occasion du cent trentième anniversaire d'Adolf Hitler. En août de l’année passée, le groupe lyonnais jouait lors d'une réunion en Suisse des Hammerskins, un autre réseau de skinheads néonazis et violents, lui d’origine étatsuniennes, ayant comme Blood & Honour quelques sections en Europe.

 

Peine Capitale

Il se moque de « LGBTQXYZ+ » sur son premier album sans titre. Les clips vidéo officiels du groupe montrent un nombre ostensible de combattants : une fois des soldats dans une guerre mondiale luttant contre les « conspirations des juifs et des francs-maçons » ; une autre fois des soldats paradant en pas serrés en contraste avec « les excès des Gay Prides et de personnes transgenres ».

 

Mauvais Troquet

Ce groupe Oi! Français plutôt punk ne voit aucun problème à partager la scène avec des groupes de crânes rasés néonazis. Une vidéo d'un de leurs concerts montre un de ses fans portant un t-shirt Blood & Honour. 

 

Riot Krew

Dernier groupe de l’affiche du concert du 10 septembre, il se présente comme « un groupe patriotique qui défend la France et les différentes régions françaises ». Sur son CD « Mauvaise Troupe », il y a une chanson intitulée « Diksmuide 08 »... La chanson fait référence à la ville flamande où se déroule chaque année à la fin août le pèlerinage de l’IJzerwake, à un concert en Belgique et à l'ambiance lors de la reprise de la musique de Skrewdriver, le groupe du fondateur de Blood & Honour, Ian Stuart Donaldson, du groupe musical Oi! Short Cropped, originaire de Turnhout, qui a à plusieurs reprises partagé la scène avec des groupes de musique néonazis, ainsi qu’avec le groupe belge Les Vilains. Riot Krew est originaire de Monbéliard, à la frontière entre la France et la Suisse. Il semble aussi bien connaître la Flandre. 

 

Service d’ordre du Mouvement Nation lors d’une manifestation en 2012, avec Glenn des Éburons (troisième sur cette photo à partir de sa gauche) et un activiste du parti néonazi grec Aube dorée (premier à partir de sa droite). Le Chef de Nation, Hervé Van Laethem (ici avec le mégaphone) est un vieux « compagnon de route » en Belgique des naziskins – Photo : Archives RIDAF Namur.



 

 

LES VILAINS DE BLOOD & HONOUR

Dans l’ombre historique des groupes du concert RAC qui aura lieu le 10 septembre en Flandre, des références apparaissent à l’organisation néonazie transnationale Blood & Honour et à celles du groupe belge Oï ! Les Vilains.

 

Sur le premier CD de Match Retour, plusieurs divisions de Blood & Honour sont remerciées. « Une mention spéciale pour nos frères belges » figure : Bjorn, Sven, Teun, Roel, Eef ou encore Suck. Ce dernier a été le chanteur et le leader du groupe Les Vilains, le plus connu des groupes RAC belges. Il fut actif de 1997 à 2012. Derrière le surnom « Suck » se cache Fabian D.. Originaire de la commune bruxelloise de Molenbeek, ce supporter ultra de son club local de football, le RWDM, s’installe dans les années 1990 dans la ville flamande de Bruges où il ouvre « De Kastelein », un pub qui deviendra une plaque-tournante des skinheads NS européens, notamment des activistes de Blood & Honour. « Suck » tient maintenant le café brugeois « Barock ». En mars 2016, il gagne son heure de gloire médiatique. Au moment des incidents ultra-violents commis par des hooligans à la Bourse de Bruxelles à l’occasion de l’hommage rendu aux victimes des attentats bruxellois islamique de Daesh, « Suck » est interviewé par la chaine française I Télé et russe RT (Russia Today). À l’observation du pédigrée politique de cet individu rien d’étonnant de voir le rôle important qu’il joue encore dans l’underground musical de l’extrême droite subversive.

 

Au début des années 1990, Fabian D. est directement lié à L’Assaut. Issu en 1988 du VMO-Bruxelles, des cadres de ce groupe d’action néonazi francophone seront plus tard, en 1999, à la base de la fondation du Mouvement Nation. Dans lequel est toujours actif le chanteur des Éburons qui garde par ailleurs de bons contacts avec « Suck ».

 

 

Fabien D., alias « Suck » (en haut au centre de cette photo) du groupe naziskin belge de référence Les Vilains (1997-2012), ici en mars 2016, lors des incidents provoqués par plus de quatre cents hooligans à la Bourse de Bruxelles – Photo : RIDAF-Bruxelles.



 

L’HEURE EST ARRIVÉE

Tout les groupes annoncés pour la Frontnacht du 28 août dernier se connaissent déjà depuis des années. Il en va de même pour les groupes annoncés maintenant à l’affiche du concert RAC. Le 15 octobre 2008, les groupes Short Cropped, Les Vilains et Match Retour devaient donner un concert dans la ville d’origine de ce dernier, mais il a été annulé lorsque le propriétaire a réalisé à quels individus, sans le savoir, il avait loué sa salle. 

 

Le concert du samedi 10 septembre annonce le retour en Flandre des naziskins et autres adeptes de RAC ou de NSHC. Le dernier rendez-vous pour un rassemblement de ce type avait lieu le 12 janvier 2019 dans la commune de Oostkamp, en Flandre occidentale. Sous le titre de « Still Standing Vlaanderen », il avait été organisé par le café brugeois « Barock » de Fabian D.

 

Samedi en huit, si vous voyez soudain un grand nombre de plaques d'immatriculation françaises, hollandaises ou allemandes, dans un endroit reculé de la campagne flamande (voir wallonne si les organisateurs décident au dernier moment de le déplacer), vous savez que l’heure du retour des naziskins en Belgique est arrivée.

 

 


SIMON HARYS (avec VERZET)

RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite

 

 

 



Cet article que vous venez de lire est une adaptation en français, revue, adaptée, complétée et allongée, avec des photos inédites, par Simon Harys de celui publié ce mardi 30 août 2022 par notre média partenaire flamand Verzet. Il a été traduit du néerlandais au français par Chris Verboom, membre de la rédaction de RésistanceS.

















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