Réaction d’un militaire belge contre l’extrême droite

RésistanceS|Observatoire belge de l’extrême droite | Mercredi 2 juin2021 |22 : 14

Un jeune militaire belge auteur d’un courrier à RésistanceS (à gauche) avec feu Émile Janssens, lieutenant-général belge et dirigeant de Pro Belgica, une « association patriotique » liée à l’extrême droite national-catholique maurrassienne ©Archives RésistanceS et RIDAF Leuven

DROIT DE SUITE |Le 20 mars dernier, le web-journal RésistanceS publiait une enquête sur l’état de la présence de l’extrême droite au sein des forces armées belges. Notre investigation a démontré que des militaires d’active, des soldats et des officiers à la retraite ont des liens avec des partis et des groupes prônant l’instauration d’un régime autoritaire en Belgique. Un des militaires égratignés, de manière anonymisée, par notre enquête a souhaité réagir. Membre de Pro Belgica, il nous a communiqué le COURRIER REPRODUIT ci-dessous. Pour y dénoncer l’extrême droite, le racisme ou la violence, et défendre le roi, la monarchie et sa démocratie.

Suite à un article de RésistanceS qui traitait de l’extrême droite au sein des Forces Armées où je figurais comme « membre d’un mouvement d’extrême droite Pro Belgica » et où j’étais cité comme « m’affichant au grand jour sur les réseaux sociaux en faveur du Mouvement Nation en portant l’uniforme ». Il me tenait à cœur de rectifier le vrai du faux dans cette histoire, pour mon Honneur, celui de l’uniforme que je porte et de ce qu’il représente et celui de l’association Pro Belgica.

Pro Belgica

Je suis effectivement membre de l’association Pro Belgica, je vais vous en dire plus sur cette association Patriotique. Pro Belgica est :

Une association sans but lucratif, apolitique, ouverte à tous, sans distinction d’appartenance politique, religieuse ou sociale, qui œuvre pour le maintien de la commémoration annuelle des Combats de Septembre 1830, grâce auxquels la Belgique devint indépendante.
Le lien de ceux qui recherchent l’union et la concorde entre tous les Belges.

Pro Belgica veut :

Contribuer à la paix et à l’harmonie entre les Belges.
Encourager toute les manifestations d’union entre les Belges.
Promouvoir les couleurs tricolores du drapeau national.

Pro Belgica permet :

À des personnes conscientes de l’importance de la cohésion nationale, de se rencontrer et d’œuvrer ensemble à des activités de citoyens responsables en phase avec leur sensibilité belge.

Pro Belgica considère :

Que les régions et les communautés constituent ensemble la Belgique et forment une seule communauté de destin.
Que, par sa situation géographique et par ses traditions, la Belgique doit s’affirmer en Europe comme un exemple d’union.

Source : le site de l’association Pro Belgica.

Comme vous le voyez, cette association n’est pas un « mouvement d’extrême droite » bien au contraire. Comme le Général de Gaulle disait : « Le Patriotisme c’est aimer son pays, le Nationalisme c’est détester celui des autres. » J’aime mon pays, si cela fait de moi un nationaliste je ne comprends plus rien… Il faut bien faire la différence entre ces deux positions qui sont souvent trop vite mises dans le même panier.

Notre Pays compte plus de onze millions d’habitants, issus de cultures, religions ou pays différents et c’est ce qui rend notre pays unique ! Une mixité de populations qui ne forme qu’un peuple uni et indivisible ! Le problème de notre société actuelle est la peur de l’inconnu, la peur de l’autre… Cette peur nous rend plus faibles et permet à des mouvements de l’extrême à revenir aux plus hautes sphères de l’état et qui cultivent cette peur de l’autre, hors l’histoire nous la montrée c’est en unissant nos forces que nous changeons le monde pour en divisant. La division est la pire des choses qu’une société peut avoir, car la division amène à la tension qui elle-même amène à la confrontation.

Mouvement Nation

Pour le Mouvement Nation, je ne suis ni membre, ni adhérent, ni en faveur de leurs idées d’une période révolue… En tant que membre de la Défense, je me dois d’avoir un droit de réserve, de ne pas afficher mes convictions ou positions politiques, ce que je fais depuis mon premier jour d’incorporation. Je ne comprends pas pourquoi j’ai été cité comme faisant l’apologie de ce mouvement qui personnellement me répugne au plus haut point au vu des discours et messages de haines qu’il scande !

Être membre ou soutenir ce genre de mouvement et être Militaire est pour moi une adéquation, et je continuerais de discréditer ce genre de groupe de personnes qui ne représentent pas notre société actuelle.

Servir son Roi et Sa Patrie

Quoi de plus normal que de servir Son Roi et Sa Patrie pour un Militaire ? Hors dans l’article qui traitait de l’extrême droite au sein de la Défense, cette phrase est prise comme une « phrase d’extrême droite » … Je suis effectivement Royaliste, j’aime notre Souverain et suis attaché à ce qu’il représente, mais en plus de mes convictions personnelles sur la Personne du Roi, un Militaire prête serment le voici : « Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du Peuple belge. »

En m’engagent dans l’armée, je me dois de respecter le serment que j’ai fait et ce au péril de ma vie pour que notre pays reste un pays de droit et une nation indépendante. Notre mission à la Défense est de défendre les droits de la Nation, la démocratie et l’intégrité du territoire.

Comment être nationaliste, raciste, fasciste ou tout autre membre d’un mouvement d’extrême droite et être militaire en même temps ? Cela est impossible car cela va à l’encontre de ce pour quoi un Militaire s’engage et un Militaire qui a ce genre de conviction n’a pas sa place au sein de la Défense ! Je continuerais de défendre les principes et les droits de notre pays en faisant mon devoir… Servir mon Pays et ses institutions. Et je continuerais de faire barrage à toutes les formes d’extrémisme, de racisme ou de discrimination. Plus que jamais « L’union fait la force » !

Dorian Jean-Claude Laurène Lamoot, le 28 Mai 2021.

NOTRE RÉPONSE

Ce jeune militaire de l’Armée belge défend son métier et l’institution nationale où il travaille. Il se fait l’avocat de l’association patriotique Pro Belgica et se dissocie totalement de l’extrême droite. Il se revendique du « patriotisme » qui diffère selon lui du « nationalisme », en empruntant une citation intemporelle au général-président de Gaulle. Or, le mot « patriotisme » - comme aujourd’hui celui de « souverainisme (il sera l’objet de la rubrique « Adversus Propaganda » de notre prochain périodique papier Le Journal de RésistanceS qui sortira au début juillet prochain) – est un synonyme de « nationalisme ».

L’auteur de ce courrier dénonce l’extrême droite, mais aussi des « mouvements de l’extrême » (sic), sans autre précision. Cette confusion permet des amalgames de propagande en général pour nous faire croire que les « extrêmes » de droite et de gauche, c’est kif-kif. Comme s’il n’existait d’ailleurs pas d’autre « extrêmes », comme l’« extrême écologisme », l’« extrême animalisme », l’« extrême libéralisme », l’« extrême centre »… Le président français Emmanuel Macron est par exemple l’emblème personnifié des deux derniers extrémisme.

Ce militaire écrit qu’il est « Royaliste » et qu’il « aime notre Souverain ». Il en a totalement le droit. Nous, nous avons le droit de rappeler qu’aimer s’en critiquer, en acceptant une vision bien particulière du récit national et un certain dogmatisme participe à la réécriture de l’Histoire de la famille royale belge. D’origine immigrée (le premier roi des Belges vient d’Allemagne pour régner – travailler - sur le pays à ses premiers pas, et fera venir par regroupement familial son épouse française), cette famille en peu de générations a été impliquée dans l’« exploitation de l’Homme par l’Homme » (de l’aristocratie et de la bourgeoisie belge sur le Prolétariat belge), dans le Colonialisme, dans la Collaboration et dans les compromissions économiques avec des régimes dictatoriaux théocratiques (Arabie saoudite et Espagne franquiste, notamment).

Quant à l’association Pro Belgica, dont il se revendique être membre, il est bon de rappeler que l’un de ses dirigeants historiques fut le lieutenant-général Émile Janssens (1902-1989), de 1983 à 1989, chef de la Force publique belge au Congo pour permettent son passage du colonialisme au néocolonialisme. Il est lié au mouvement néocolonialiste les Amitiés belgo-Katangaises qui viennent en appui à la sécession du Katanga du Congo. Il est membre-dirigeant du Mouvement d’action civique (MAC) et du Parti national belge (PNB) dans les années 1960, tous deux appartenant à la mouvance idéologique maurrassienne, dont l’idéologue est Charles Maurras (1868-1952), le théoricien du « Nationalisme intégral » et de l’« Antisémitisme d’État » qui eut avant la Guerre 39-45 une influence politique certaine sur le parti d’extrême droite catholique Rex de Léon Degrelle. La notice biographique Wikipédia de ce haut gradé de l’Armée belge d’extrême droite, mentionne : « Il se décrivait comme un ‘’petit maniaque’’ et adepte de la discipline ». Le dernier secrétaire de Janssens fut un dénommé Alain Escada qui passa ensuite du belgicanisme pur jus au frontisme national officiel, tendance national-catholiciste intégriste.

Sans doute que ce très jeune militaire de carrière qui nous a écrit ne le savait pas. À lui de décider maintenant s’il va rester affilié à l’association nationaliste Pro Belgica. Si jamais, il souhaiterait la quitter, qu’il sache qu’une place est disponible auprès de nous, la sienne. Il pourrait effectivement rejoindre l’association des Ami·e·s de RésistanceS (AdR). Pour cela, une condition : il devra d’abord lire beaucoup de livres sur l’Histoire de Belgique, et pas ceux référés dans nos manuels scolaires ou listés par Pro Belgica.

ALEXANDRE VICK

RésistanceS|Observatoire belge de l’extrême droite

LIRE NOTRE ENQUÊTE

· Les militaires belges de l’extrême droite(enquête de RésistanceS du 20 mars 2021)

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