Six questions pour reconnaître l'extrême droite américaine

[Journal de RésistanceS | Bruxelles | Samedi 9 janvier 2021 | 12 : 05]


Meeting de la « droite alternative » US en novembre 2016 après l'élection de Donald Trump. - Image réseau social.




ÉTAT DES LIEUX – 
Après l'attaque du Capitole, mercredi dernier, organisée par des partisans de Donald Trump, RésistanceS fait le point sur l'extrême droite d'outre-Atlantique. Comment se présente-t-elle ? Comment est-elle structurée ? Qui la compose ? Quelle est son idéologie précise ? Représente-t-elle un réel danger ?

 

Les images de télévision et celles diffusées sur les réseaux sociaux constituent déjà ce moment politique qui marquera l'Histoire des États-Unis. Du jamais vu : Le Capitole a été, ce mercredi 6 janvier, envahi par des manifestants venus à Washington pour un meeting, avec Donald Trump en personne, dans le but de contester le résultat de l'élection présidentielle de novembre dernier. L'attaque du parlement américain était planifiée par divers groupes de partisans fanatiques du président sortant. De petites escouades, opérant comme des commandos paramilitaires, ont investi Le Capitole pour l'occuper et provoquer un coup de force contre la nouvelle administration présidentielle. Le but, dans leur vision idéologique : « empêcher le socialisme de s'installer aux États-Unis », rien de moins. La base du discours est des plus simplistes chez les trumpistes et de type conspirationniste : « la réélection de Trump a été volée par les membres de l'« État profond » qui dirigeraient en secret le pays tout entier.

 

La majorité des « insurgés » de mercredi provient des rangs de l'extrême droite américaine. Un courant politique bien particulier.


 

1. COMMENT SE PRÉSENTE-T-ELLE ?

Aux États-Unis, l'extrême droite est représentée par trois sous-courants. Le premier est celui de la vieille extrême droite.Traditionnelle et folklorique, elle est aujourd'hui totalement marginalisée. Ce sont des groupuscules sectaires, décimés sur l'ensemble du territoire américain, issus de l'atomisation de l'historique Ku Klux Klan (KKK) et du courant nazi américain des années 1930, qui la représentent.

 

Le deuxième sous-courant est celui de lnouvelle extrême droite. Elle se présente comme une « alternative » à la droite historique. Apparue dans les années 2010, elle s'inspire de l'extrême droite européenne, en particulier de la « Nouvelle Droite » qui se développe dans les années 1970 en France avec le Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne (Grece) d'abord. L'un de ses théoriciens, feu Guillaume Faye, lié à la droite radicale US, en est devenu une référence. Autre source européenne : la « mouvance identitaire » présente depuis près de 20 ans en France, en Espagne, en Autriche ou encore en Allemagne.

 

Cette droite radicale prône une nouvelle stratégie de prise du pouvoir, notamment par le « combat culturel ». Elle s'est totalement adaptée à notre époque par un discours et un look reconstruits sur les anciennes bases du fascisme et du nazisme européen. Du folklore d'antan, ses activistes ont désormais les allures du gendre idéal. Organisations représentatives de ce sous-courant d'extrême droite aux États-Unis : l'Alt-right et les Proud Boys.

 

Pour finir, le troisième sous-courant de l'extrême droite nord-américaine est celui des ultra conservateurs du Parti républicain. Ils y sont présents pour l'influencer de l'intérieur et arriver au pouvoir derrière son blason. D'une façon ou d'une autre, les conservateurs républicains sont liés à la « nouvelle extrême droite » américaine. Même si officiellement, les conservateurs nient toutes relations politiques avec elle.

 

Ce sous-courant idéologique et stratégique s'exprime au sein du Tea Party et chaque année lors de la Conservative Political Action Conference (CPAC). Marion Maréchal, ancienne parlementaire du Front national français et meneuse dans l'ombre de l'extrême droite national-libérale conservatrice française, avait lors de l'édition 2018 pris la parole devant l'assemblée annuelle de la CPAC. Pour sa part, sa tante, Marine Le Pen recevra l'année suivante le soutien officiel pour sa campagne à l'élection présidentielle de Steve Bannon, conseiller idéologique d'extrême droite de Donald Trump lors de son arrivée à la présidence des États-Unis.



2. EXISTE-T-IL DES CARACTÉRISTIQUES COMMUNES ?

Même si la concurrence - pour recruter le plus de militants et s'accaparer le leadership du nationalisme américain - et des désaccords existent sur des points doctrinaux ou stratégiques, les convergences sont nombreuses.

 

La droite radicale rejette l'ensemble des institutions fédérales américaines. Elle dénonce la confiscation du pouvoir par ledit « État profond » et préconise la constitution d'un bastion américain contre le reste du monde. Une idéologie quasi identique les rallie.

 


3. QUELLE EST SON IDÉOLOGIE ?

Nationaliste, suprémaciste, raciste, sexiste ou encore homophobe, l'extrême droite  US développe une vision du monde alarmiste. Elle s'oppose - malgré son affirmation légaliste - au modèle démocratique.

 

L'idéologie qui prime est basée sur le « nationalisme blanc ». Avec une rhétorique binaire : « eux » contre « nous ». On y retrouve une mythification d'un passé historique totalement revisité et réinterprété. Avec des références pour des personnages autoritaires de l'Histoire nationale.


 

4. COMMENT EST-ELLE ORGANISÉE ?

Les ultra-conservateurs s'activent sous la forme de tendances internes dans le Parti républicain. Les organisations de la vieille et de la nouvelle extrême droite se structurent sur un modèle hyper hiérarchisé, sans aucune démocratie interne.

 

Ces droites sont formées par de petits groupes militants dirigés par des chefs charismatiques. Elles se dotent de sections paramilitaires et leurs membres suivent des entraînements au maniement des armes à feu. Pour diffuser leur propagande, les réseaux sociaux sont massivement utilisés.

 


5. L'EXTRÊME DROITE AMÉRICAINE PEUT-ELLE S'UNIR ?

La majorité des organisations de la droite radicale américaine sait que pour gagner le combat, il est nécessaire de passer par un rassemblement unitaire. Après l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche, des tentatives ont été opérées pour y parvenir.

 

Comme en août 2017, lors de la marche « Unite the right », organisée à Charlottesville, dans l'État de Virginie. Un coup de force où les groupuscules de l'extrême droite historique et ceux de la nouvelle droite radicale alternative ont défilé ensemble. Son initiateur, Jason Eric Kessler, est un activiste bien connu de l'Alt-right.

 

Durant le mandat de Trump, une bonne partie de l'extrême droite nord-américaine lui est restée fidèle, malgré quelques défections, comme celle de Steve Bannon. À l'occasion de la contestation du résultat de l'élection présidentielle en novembre de l'année passée, la majorité des groupes fanatiques des supporters trumpistes se sont rendus à la « marche » du 6 janvier à Washington. Ces groupes disparates pourraient, sous la présidence démocrate, être tentés par une structuration unitaire pour mener de front le combat contre « le socialisme américain » et pour la « sauvegarde des Blancs » d'Amérique.


 

6. REPRÉSENTE-T-ELLE UN DANGER ?

La défiance à l'égard des institutions publiques et des médias est permanente dans cette mouvance politique. Les Blancs auraient été abandonnés par le pouvoir au détriment des étrangers, des musulmans...  La croyance conspirationniste dans une invasion étrangère massive, pour remplacer la population autochtone, et anéantir les Américains blancs, est généralisée. Ce qui provoque un repli sectaire et fanatique.

 

Le discours politique qui s'entend dans les rangs de la droite radicale est un discours de guerre. Sur le terrain, lors de manifestations de rue, les affrontements très violents avec des contre-manifestants antifascistes sont réguliers. Comme à Charlottesville en 2017 où une jeune avocate antiraciste fut assassinée par un extrémiste nationaliste blanc.

 

Dénonçant un complot mondial, l'extrême droite américaine se prépare à la « guerre raciale » à venir, selon elle, d'un moment à un autre. C'est la raison pour laquelle la crainte d'actions terroristes, commis par des nationalistes blancs, est une nouvelle fois renouvelée. Une évidence. La radioscopie de l'extrême droite active de l'autre côté de l'Océan Atlantique démontre que tous les éléments idéologiques et structurels sont réunis pour provoquer un cocktail explosif.



MANUEL ABRAMOWICZ

Journal de RésistanceS
Observatoire belge de l'extrême droite


 

INTERVENTIONS DE RÉSISTANCES DANS LA PRESSE BELGE
Suite à l'attaque du Capitole, le 6 janvier dernier, par les partisans purs et durs de Donald Trump, le journal RésistanceS a été consulté par plusieurs médias belges.








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