Près de 50 extrémistes de droite « Fichés S » selon le ministre de la Justice

[RésistanceS | Bruxelles | dimanche 24 janvier 2021 | 19 : 15]



En Belgique aussi, une extrême droite underground s’entraîne à la «guerre raciale» via des activités légales, comme le «airsoft». Comme le montre cette photographie postée par un membre d’un groupuscule francophone – Document RIDAF-RésistanceS.


ÉTAT DES LIEUX – Après l’attaque du Capitole américain par des groupes d’extrême droite, quelle est la situation en Belgique face à une menace du même type ? La question a été posée par un député fédéral au ministre de la Justice. Sa réponse a été immédiate, avec des précisions sur la surveillance – par les services de renseignement - d’individus considérés comme pouvant passer à l’acte. Des élus, des ministres et des experts gouvernementaux ont ainsi déjà été directement menacés de mort. Notre constat : la « guerre raciale » est un fantasme, pas sa préparation.

 

La semaine dernière, au Parlement fédéral, lors de la séance des questions-réponses aux ministres fédéraux, le vice-premier ministre et ministre de la Justice, le libéral flamand Vincent Van Quickenborne (Open VLD), a été questionné sur les mesures prises par les autorités compétentes contre les groupes d'extrême droite actifs en Belgique. Cette question lui a été posée par le député Simon Moutquin (du groupe parlementaire commun Ecolo-Groen).

Son intervention fait suite à la « prise d’assaut », à Washington, du Capitole américain le 6 janvier dernier par « de dangereux groupes d'extrême droite ». « Un événement tragique pour les démocraties occidentales », note Simon Moutquin. Il précise : « Il s'agissait de groupes complotistes et réactionnaires. L'analyse des images montre un panel assez large et varié, regroupant néonazis, complotistes, satanistes et j'en passe – tous appartenant à des mouvances d'extrême droite. Le FBI [Federal Bureau of Investigation, le principal organe fédéral de police judiciaire et service de renseignement intérieur] a bien montré que c'est à travers les réseaux sociaux que des discours de haine physique ou verbale se dispersent. Ces images prouvent à quel point nos démocraties sont fragiles. »


EN BELGIQUE, DES DÉPUTÉS S’AFFICHENT AVEC DES ARMES !

L’actualité d’outre-Atlantique doit également, pour le parlementaire écologiste, nous interroger sur l’état de la menace de l’extrême droite active dans notre pays. Simon Moutquin : « Chez nous, nous observons aussi de dangereuses tendances à glorifier la violence, qui semblent s'intensifier. Ainsi, des députés d'extrême droite, présents dans ce Parlement, s'affichent avec des armes sur les réseaux sociaux et encouragent leurs militants à s'initier au port d'armes, tout en tenant des propos diffamatoires contre des «extrémistes musulmans». Cela donne une idée inquiétante de ce que ces gens pourraient entreprendre.»

Sans les nommer, c’est bien entendu les députés fédéraux du parti d’extrême droite flamand Vlaams Belang (VB) qui sont visés dans cette intervention parlementaire. Et en particulier, Dries Van Langenhove, élu en mai 2019 sur la liste du VB. Il s’était rendu célèbre, huit mois auparavant, dans une enquête journalistique « undercover » menée par un reporter de la télévision publique flamande (VRT) sur Schild en Vrienden (S&V). Ce groupe identitaire néerlandophone, fondé en 2017, autour de Dries Van Langenhove, avait pour modèle Génération identitaire, une organisation française phare de l’extrême droite radicale. Celle qui prépare ses activistes à la « guerre raciale » à venir selon des théories complotistes en vogue dans ce milieu politique. L’enquête de la VRT démontrait la véritable nature idéologique deS&V : glorification du nazisme allemand, antisémitisme, racisme biologique, incitation à la violence, exhibition d’armes de guerre, incitation à l’entraînement paramilitaire… Juste après l’intervention de Simon Moutquin ce mercredi au Parlement fédéral, la presse annonçait d’ailleurs que le parquet demandait la levée de l’immunité parlementaire de Dries Van Langenhove comme leader de Schild en Vrienden.

Le député du groupe Ecolo-Groen a également fait référence dans sa question à Vincent Van Quickenborne aux « camps qui ont été découverts dans l'Est de l'Europe, où des citoyens belges allaient s'entraîner pour promouvoir des idées d'extrême droite. ». La réalité de cette présence est surtout la participation à des stages au maniement d’armes de guerre.

 

L’EXTRÊME DROITE EST DANGEREUSE

Pour Simon Moutquin, le VB, sans le citer nommément toutefois, développe « une rhétorique remettant en question un gouvernement décrit comme "illégitime", de la même manière que ce qui se passe aux États-Unis. De plus, certains membres de cette formation arrivent dans une voiture flanquée de signes néonazis [Moutquin fait ici référence à la manifestation du Vlaams Belang contre la formation du gouvernement fédéral, en septembre 2020]. » Pour le parlementaire de la majorité fédérale, « la Belgique a également de quoi s'inquiéter du radicalisme d'extrême droite, qui est parfois stimulé par certains partis politiques. » VB et… N-VA ? Simon Moutquin ne précisera pas.

Face au  constat que « l'extrême droite est dangereuse, l'extrême droite tue en Europe et ailleurs », il posera plusieurs questions au ministre de la Justice : « Quels enseignements pour la sécurité intérieure de notre pays tirez-vous de la prise d'assaut du Capitole ? Comment évaluez-vous les risques d'attaque contre les élus et les institutions démocratiques belges ? Des mesures supplémentaires ont-elles été prises pour surveiller des groupuscules d'extrême droite ? Existe-t-il un plan de déradicalisation visant ces personnes, à l'instar de ce qui est souvent évoqué – à juste titre – pour l'extrémisme islamiste? »

Pour le vice-premier ministre libéral et ministre fédéral de la Justice Vincent Van Quickenborne, tout d’abord : « la situation aux États-Unis est bien sûr très spécifique. Elle est caractérisée par une grande polarisation de la société, polarisation qui s'est accrue depuis l'élection de Donald Trump à la présidence et qui a culminé avec les violences inacceptables du 6 janvier. » Évoquant l’histoire particulière  de l’Amérique – liée à la mémoire de la guerre de Sécession, de l'esclavage, de la ségrégation raciale et à la libre circulation des armes à feux –, il précisera que « l'existence actuelle de nombreuses discriminations jouent un rôle capital » pour expliquer la situation particulière des États-Unis. 

 

POLITICIENS ET EXPERTS MENACÉS

D’après Vincent Van Quickenborne, le contexte américain « ne peut heureusement pas être comparé avec ce qui se passe dans notre pays. » Néanmoins, le ministre de la Justice informe que « grâce aux réseaux sociaux, les idées circulent facilement. L'influence des thèses des suprémacistes blancs et de groupes complotistes comme le mouvement QAnon est constatée en Belgique où elle alimente notre scène extrémiste de droite. »

Sur la base d’informations en sa possession, le ministre fédéral de la Justice note que des responsables politiques, durant ces dernières années, ont été directement menacés par des individus appartenant à la sphère extrémiste de droite. En précisant que « les motivations de ces menaces sont souvent liées à une politique migratoire jugée trop laxiste. » Mais également dues à la crise sanitaire provoquée par la covid-19. Outre des politiciens, les experts virologues qui conseillent le gouvernement ont encore été l’objet de menaces. C’est pourquoi, « les services belges suivent bien sûr la situation avec une attention particulière. »

Vincent Van Quickenborne précisera à Simon Moutquin et à ses collègues du Parlement fédéral que « les services de renseignement et de sécurité belges n'ont heureusement pas attendu les événements du 6 janvier à Washington DC pour surveiller et lutter contre les individus et les groupes extrémistes de droite dans notre pays. » Le ministre de la Justice relève d’ailleurs que les groupes d’extrême droite sont même en augmentation depuis quelques années. Pour les observer et les combattre, Van Quickenborne rappelle l’existence du « Plan Radicalisme ». Celui-ci « permet une action coordonnée entre les services ayant une finalité judiciaire, administrative, socio-préventive ou curative quel que soit le niveau de pouvoir (fédéral, régional ou local). »


PRÈS DE « 50 FICHÉS S » D’ULTRA DROITE ?

Les députés fédéraux ont été informés que les services de renseignement et de sécurité belges « collaborent, échangent des informations, établissent les priorités, font de la détection précoce et s'accordent sur la bonne approche au sein des fameuses local task forces et du groupe de travail ‘Extrémisme de droite’ présidé par l'OCAM [Organe de coordination pour l'analyse de la menace terroriste]. »

Selon la réponse du ministre de la Justice, il a été rendu public que « la base de données commune, autrement dit la liste des terroristes extrémistes » relève, en ce mois de janvier, que 28 individus d’extrême droite considérés comme des « propagandistes de haine » et 21 individus décrits comme des « extrémistes de droite potentiellement violents » s’y retrouvaient. En précisant que « ces chiffres sont en augmentation constante. » Dans notre pays, plus de 49 militants d’extrême droite seraient dès lors listés comme représentant un danger immédiat pour la sécurité. Comme le sont en France, les « Fichés S ».


Après avoir écouté la réponse du ministre fédéral de la Justice, l’écologiste Simon Moutquin a conclu en évoquant le ciblage de manière diffamatoire, une semaine auparavant, de deux collègues de son groupe parlementaire par des députés d’extrême droite. Échange musclé qui a été suivi de menaces de mort proférées sur les réseaux sociaux. « Cela démontre encore une fois que même si nous ne devons pas comparer notre situation à celle des États-Unis, il faut trouver des solutions pour répondre aux délits de presse et aux délits de haine sur les réseaux sociaux qui peuvent stimuler des choses. Il faut se rendre compte aujourd'hui que quand on est élu d'une démocratie, on peut avoir peur pour sa vie parce que certains la menacent. Cela doit tous nous mobiliser, que vous soyez ministres ou parlementaires. »

 

PRÉPARATION À LADITE « GUERRE RACIALE »

Le contenu de la question du député de la majorité au ministre fédéral de la Justice, et les réponses de ce dernier, confirment les données également recueillies par RésistanceS, l’Observatoire belge de l’extrême droite.

La violence politique de ce courant idéologique est permanente. Ses discours portent en eux un lexique de guerre. Ses activistes les plus radicaux s’entraînent au maniement  d’armes. Mais pour contrer la législation belge, ils le font soit dans des pays où c’est autorisé, soit via des activités sportives légales (paintball, airsoft…). Comme le démontrent diverses sources. La « guerre raciale » est un fantasme, pas sa préparation.



ALEXANDRE VICK

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite






PRÉPARATION À LA « GUERRE RACIALE » ! 


L’extrême droite radicale s’entraîne à la « guerre raciale » via des activités légales, comme le « airsoft ». En Flandre, mais également à Bruxelles et en Wallonie, comme le montrent ces photographies - prises de 2012 à 2014 - de membres d’un groupuscule francophone lors de camps d'entrainement paramilitaire ./



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