Le « pape » de l'extrême droite intellectuelle française à l'université de Gand ce mardi

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite Dimanche 27 octobre 2019

Le carton d'invitation pour la conférence du chef de la Nouvelle Droite à l'Université de Gand.



CE MARDI SOIR À 20 HEURES – Le NSV organise une conférence d'Alain de Benoist à l'université de Gand. Cette association d'étudiants nationalistes est liée au Vlaams Belang. Leur orateur est le leader de la « Nouvelle Droite », le courant intellectuel de l'extrême droite française européïste qui bénéficie en Belgique, depuis le début des années 1970, de nombreux disciples, tant francophones que néerlandophones – L'EXTRÊME DROITE S'INCRUSTE À L'UNIVERSITÉ DE GAND.

Dans deux jour, Alain de Benoist prendra la parole à l'université flamande de Gand. Cet intellectuel français est l'invité du 
Nationalistische Studentenvereniging (NSV), une association regroupant en Flandre et à Bruxelles des étudiants d'extrême droite. Sa conférence est organisée avec l'appui de la revue nationaliste pan-néerlandaise TeKosde l'historien Luc Pauwels. C'est ce dernier qui s'occupera de l'animation de la conférence. 

Ce rendez-vous d'extrême droite à Gand ce mardi 29 octobre ouvre les activités de l'
année universitaire 2019-2020 du NSV. Alain de Benoisty présentera son dernier livre, intitulé « Contre le Libéralisme, la société n'est pas un marché ».Il est présenté par ses organisateurs comme étant un « philosophe, fondateur français de l'idéologie de la Nouvelle Droite » au service de la « Renaissance européenne ». Leader du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne (GRECE), ancien activiste de l'extrême droite colonialiste des années 1960, de Benoist est encore l'auteur de nombreux ouvrages politiques.

WHO'S WHO. Pour mieux comprendre le contexte exacte et le but de cette activité du NSV, le Journal de Résistances a réalisé un who' who pour répondre à ces questions : Qu'est-ce qu'est la Nouvelle Droite ? D'où vient Alain de Benoist ? Le GRECE est-il toujours d'extrême droite ? Que fait le NSV ? Qui est Luc Pauwels ? Sa revue TeKos est-elle la plate-forme du GRECE en Flandre ? Quelles sont leurs liens avec le Vlaams Belang ? Ce who's who a été concoctée sur la base d'une recherche de Manuel Abramowicz publiée dans « Les Cahiers du Libre examen », revue du Cercle d'étude des étudiants de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), en mars 1992, réactualisée en octobre 2019 par Simon Harys.


Article de l'historien Max Gallo paru
dans L'Expess du 11 avril 1981.
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NOUVELLE DROITE (ND) – Ladite « Nouvelle Droite » apparait en France, sous la forme d'un courant idéologique conduit d'abord par le Groupement de recherche et d'études pour la Civilisation européenne (GRECE), puis par le Club de l'Horloge, sa dissidence national-libérale. La ND puisse ses racines politiques dans la mouvance d'extrême droite radicale active contre l'indépendance de l'Algérie française. Cette mouvance est directement liée à l'Organisation de l'Armée secrète (OAS), responsables d'actions terroristes. Tirant un bilan négatif de l'option militariste conduite par l'OAS et suite à l'échec de la voie électorale avec la candidature en 1965 de l'avocat d'extrême droite Tixier-Vignancour à la Présidentielle, le GRECE propose la conduite d'un « combat culturel », de type métapolitique et intellectuel, pour conquérir le pouvoir. La Nouvelle Droite met en place un nouveau logiciel idéologique à destination des vieux mouvements d'extrême droite. Après la France, la ND va se développer en Italie, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne et en Belgique.




Emblème officiel du GRECE.
L'origine celtique de type
germanique est évidente et
pas un hasard.
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GROUPEMENT DE RECHERCHE ET D'ÉTUDES POUR LA CIVILISATION EUROPÉENNE (GRECE)
Sa fondation est proclamée officiellement en janvier 1969. Le GRECE est à la base de la Nouvelle Droite. Il fonctionne comme un « laboratoire d'idée », un think tank. Ses travaux intellectuels, présentées durant ses colloques annuels et publiés dans ses revues, visent à la réécriture de l'Histoire des nationalismes français, allemand ou italien. L'objectif est de présenter une plate-forme politique neuve, après avoir dédiaboliser l'idéologie primitive du maurrassisme, du nazisme et du fascisme. Faisant place à l'Institut Iliade (« pour la longue mémoire européenne »), de manière désormais plus confidentielle, le GRECE existe néanmoins toujours en 2019 pour poursuivre la publication de ses revues, Nouvelle École et Éléments. Le 19 octobre dernier, le président du Groupement pour la Civilisation européenne, Michel Thibault, participait à la première réunion de sa nouvelle section locale fondée dans la ville de Cannes, sous le nom du Cercle Hérodote. Le GRECE continue de baser ses théories doctrinales sur le nationalisme völkische germanique. Rien n'a changé depuis 1969.


ALAIN de BENOIST – Né en 1943, Alain de Benoist est l'un des membres-fondateurs du GRECE, deviendra très vite son principal chef et sa tête de gondole. C'est au lycée, à 17 ans, qu'il s'engage dans l'action politique. Il est membre de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN). La FEN est en relation avec l'OAS. Le jeune de Benoist écrit des articles dans Défense de l'Occident, de l'écrivain et dirigeant fasciste français Maurice Bardèche, et dans Europe Action, revue qui défend déjà le combat pour la « survie de la Race blanche ». Marqué par la révolte étudiante de Mai-68, pour la contrer, avec d'autres activistes de la FEN et d'Europe Action, il fonde en 1969 le GRECE. Préconisant une union des droites pour vaincre la gauche, des grécistes se rapprochent de la droite conservatrice. Ce qui permet à Alain de Benoist de devenir chroniqueur au Figaro Magazine. Malgré cette notoriété gagnée au sein de la haute bourgeoisie, il garde des liens avec la droite radicale la plus subversive. Le chef du GRECE est par exemple lié à l'Institut supérieur des sciences psychosomatiques, biologiques et raciales, mis sur pied par les néonazis du Nouvel Ordre Européen (NOE), dont est membre Léon Degrelle, le chef des nazis belges et également référence de la Nouvelle Droite. Au sujet d'Alain de Benoist, le philosophe français Raymond Aron écrira dans ses mémoires en 1981 : « il rappelle irrésistiblement les fascistes ou les nationaux-socialistes (je ne l'accuse pas d'être l'un deux, je dis qu'il pense souvent de la même manière qu'eux). »

Malgré son engagement idéologique au sein de l'extrême droite la plus radicale, en 1994, le politologue Pierre-André Taguieff, dans un livre entièrement consacré au courant de pensée conduit par de Benoist (« Sur la Nouvelle Droite. Jalons d'une analyse critique », Descartes & Cie, Paris), va le disculper de toute sympathie maintenue avec les doctrines fasciste et nazie. Plus près de nous, c'est un autre philosophe français, venant de la gauche comme Taguieff, qui va se rapprocher d'Alain de Benoist. Depuis plusieurs années effectivement le libertaire Michel Onfray fraye son parcours intellectuel avec le pape de la Nouvelle Droite. Onfray pense très fort qu'il n'est plus d'extrême droite. Apparemment, Taguieff comme Onfray ne lisent pas Éléments, la revue publiée sous la conduite et l'influence d'Alain de Benoist, pour le bien de la « Civilisation européenne », comme le proclame toujours son sous-titre. Dans les derniers numéros d'Éléments, il était possible de lire la promotion d'ouvrages proposés par des éditions d'extrême droite, comme Dualpha. Ses liens avec d'autres revues de la même famille politique ne sont pas cachés, comme avec Livr'arbitres,le Bulletin célinien ou le périodique flamand TeKos rédigée par des anciens dirigeants du Vlaams Belang (voir supra). Dans le dernier numéro d'Éléments(octobre-novembre 2019, n° 180), le lecteur pouvait découvrir une interview complaisante avec Clément Martin, le directeur de la communication de Génération identitaire, et une autre avec Martin Sellner, l'un des fondateur de Identitäre Bewegung Österreich (IBÖ, Mouvement identitaire autrichien), initiateur des opérations « Defend Europe » contre ladite « immigration massive et incontrôlée ».Éléments a encore exprimé ses sympathies pour CasaPound, mouvement du fascisme italien renaissant. Des liens existent aussi avec Réfléchir & Agir, un magazine nazi-chic racialiste du sud de la France. Dans un entretien accordé, le 17 octobre de cette année, à l'hebdomadaire français Le Point, Matteo Salvani a affirmé qu'Alain de Benoist est une de ses références idéologique. Le chef de file de l'extrême droite italienne dit : « J'ai participé à plus d'une conférence avec lui sur l'avenir de l'Europe, sur la mondialisation, sur les identités des peuples, sur les valeurs de la culture et de la famille ». Rien de grave pour Taguieff-Onfray ?

Un nouveau lien continu avec l'extrême droite ? Ce mardi 29 octobre à l'université de Gand lors de la prise de parole d'Alain de Benoist à la conférence de rentrée de l'Association des étudiants nationalistes flamands. Par ailleurs, ce n'est pas la première fois que le pape de la Nouvelle Droite européenne vient donner une conférence en Belgique. Comme l'avait révélé le Journal de RésistanceS, en mai 2016, Alain de Benoist était l'invité, dans un hôtel chic bruxellois, du Cercle Pol Vandromme, une structure animée par des expatriés français installés chez nous, proches du GRECE mais également des Libéraux démocrates de Claude Moniquet (ex-Liste Desthexe). Sur cette conférence, lire notre article Lancement en Belgique d'une revue d'«extrême droite» française : le retour de la «Nouvelle Droite ». Le 19 mars dernier, de Benoist est de retour à Bruxelles, pour présenter son livre « Contre le libéralisme » (internationaliste, pas nationaliste), toujours pour le compte du Cercle Pol Vandromme.



NATIONALISTISCHE STUDENTENVERENIGING (NSV)– Fondé en 1976, par des dissidents du Katholieke vlaams hoogstudenten verbond (KVHV), le vieux cercle historique des étudiants catholiques, leNationalistische Studentenvereniging (NSV) est toujours, en ce début d'année universitaire, implanté à Anvers, Louvain, Gand et Bruxelles. Parmi les fondateurs du Vlaams Blok (VB, Bloc flamand), le nom de 1978 à 2004 de l'actuel Vlaams Belang (VB, Intérêt flamand), il y a des membres ou d'anciens dirigeants du NSV, dont son premier leader, Edwin Truyens, qui reste toujours actif dans l'amicale des anciens du NSV. Presque tout membre du VB qui se respecte et qui a entrepris des études après 1976, est passé par ses rangs. Cette associations étudiantes regroupent des militants radicaux de la cause national-flamande. Le NSV collabore régulièrement à d’autres groupes d’action nationaliste, comme le TAK ou le Voorpost. Dans les années 1980-1990, il avait des contacts avec le groupe néonazi francophone L’Assaut et Robert Steuckers, le dirigeant de la Nouvelle Droite bruxelloise franco-néerlandophone. Le NSV éditait un journal, « Branding » (Brisant). Auparavant son organe de presse portait le titre de « Signaal » qui fut aussi celui du journal de la propagande nationale-socialiste durant la dernière guerre mondiale. La croix celtique, symbole de l'extrême droite européenne, reste en 2019, le sien aussi.


LUC PAUWELS – C'est lui qui va ouvrir, ce mardi, à l'université de Gand, la conférence d'Alain de Benoist programmée par le NSV. Né en 1940, Luc Pauwels est depuis le début des années 1970 l'un des principaux animateurs de la Nouvelle Droite en Flandre. Il dirige la revue Teksten, Kommentaren en Studies (TeKos). Pauwels est le correspondant flamand d'Éléments, le magazine du GRECE. Il provient du même milieu politique que son mentor français. Il y a plus cinquante ans, Pauwels militait dans la section flamande de Jeune Europe (JE), un mouvement d'extrême droite européen, fondé à Bruxelles. Il participe ensuite à une scission qui donne naissance à l'Europafront, encore plus ultra que JE. Pauwels est affilié au Teutoonse Orde, un groupuscule mystique pan-germanique encadré par un ancien SS flamand. Il est aussi proche de Were Di, le cercle de réflexion idéologique national-socialiste conduit par Karel Dillen, le président-fondateur du Vlaams Blok. 


TeKos – C'est la revue confidentielle Teksten, Kommentaren en Studies (TeKos) de Luc Pauwels qui co-organise la conférence de ce mardi d'Alain de Benoist à l'université de Gand. TeKosest officiellement éditée par Knooppunt Delta (Jonction Delta), auparavant Deltastichting (Institut Delta). Cette association se revendique comme « flamande, conservatrice, indépendante, laïque, pluraliste et indépendante des partis ». Elle a été fondée en 1965 par Luc Pauwels. TeKos milite pour la création des Grands-Pays-Bas, après la destruction de l'État belge. 

Parmi ses signatures régulières, malgré son indépendance partisane autoproclamée, on retrouvent des responsables ou d'anciens chefs du Vlaams Belang, comme Francis Van den Eynde, Peter Logghe et Jurgen Ceder. L'emblème de Tekoset de Knooppunt Delta est le même que celui du GRECE d'Alain de Benoist.

VLAAMS BELANG – Fondé en 1978, sous la forme d'un cartel électoral, par deux groupuscules nationalistes indépendantistes flamands (le VNP et le VVP, dissidents de la Volksunie, l'ancêtre de la N-VA), sous le nom de Vlaams Blok, le VB deviendra le plus important parti d'extrême droite en Europe, après le Front national français. Comme lui, il s'est inspiré en partie des thèses « métapolitiques » élaborées et offertes par le GRECE d'Alain de Benoist à l'extrême droite pour lui permettre d'émerger sur le plan électoral, via une stratégie de « combat culturel » volée à la stratégie communiste gramsciste. Le premier idéologue du VB, Roeland Raes, est directement lié au GRECE dès ses débuts. Raes diffuse les thèses de la ND en Flandre. Également lié aux réseaux néonazis, celui qui était devenu sénateur et vice-président du Bloc flamand, est en 2010 condamné pour négationnisme. D'autres dirigeants du VB furent encore influencés par la Nouvelle Droite d'Alain de Benoist. C'est le cas du deuxième président du VB, Frank Van Hecke, qui consacra son mémoire universitaire de la Vrij universiteit Brussel (VUB) à ce courant intellectuel d'extrême droite, et Filip Dewinter, le leader de son « canal historique ».

Roeland Raes (à gauche), vice-président du Vlaams Belang, au début des années 1990,  lors d'une rencontre avec l'extrême droite wallonne néorexiste. Il a également été le responsable en Flandre du GRECE.


MOBILISATION ANTIFASCISTE – La présence d'Alain de Benoist, dans deux jours, à l'université de Gand devra attirer le gratin de l'extrême droite flamande, mais aussi bruxelloise et wallonne. Plusieurs dirigeants radicaux de la première mobilise leurs troupes pour y aller. C'est le cas de Luc Vermeulen, l'un des chefs du groupe d'action nationaliste Voorpost et responsable du service de sécurité du Vlaams Belang. Àla date d'aujourd'hui, seuls 67 personnes s'y sont inscrites via le réseau social Facebook. Deux-cents et neuf autres personnes ont manifesté cependant leur intérêt pour la conférence proposée par le NSV et Tekos, la revue de la Nouvelle Droite flamande.

La venue du pape de la ND française pourrait provoquer la mobilisation d'étudiants antifascistes qui ne compteront alors pas laisser le campus aux nationalistes. Mardi, l'ambiance de la soirée à l'université de Gand pourrait être explosive.


SIMON HARYS
RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite







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