Le racisme tue toujours, pour finir

RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite  | Jeudi 11 avril 2019 | 13 h 40


DE HIER À AUJOURD'HUI – Lors de la manifestation « Stop racisme », en mars dernier, une jeune bruxelloise à dit à la tribune : « le racisme tue, je le sais, mes parents ont été assassinés par un raciste ».Kenza Isnasni survivante d'un acte terroriste anti-maghrébins et anti-musulmans, commis en 2002 à Bruxelles, se bat pour que cette idéologie politique criminogène soit combattue comme il le faut – SE SOUVENIR POUR POURSUIVRE LE COMBAT.

Un cri de colère. Kenza Isnasni lors de son discours le 24 mars à Bruxelles © RésistanceS – M. Abramowicz 

Dans une vidéo qui a été vue plus d'un demi million de fois sur Internet, Kenza Isnasni rappelle aux naïfs que l'idéologie raciste est un délit, mais aussi un crime. Un mal de société ravageur qui pour finir tue toujours. Kenza Isnasni le sait fort bien : ses parents, en mai 2002, furent assassinés, au petit matin, dans la commune bruxelloise de Schaerbeek.

L'auteur de ce double meurtre : Hendrik Vyt, était âgé 80 ans. Il était leur voisin et connu comme un vieux fasciste qui revendiquait sans détour son adhésion aux slogans de Jean-Marie Le Pen. Vyt était membre à l'époque du Vlaams Blok. Ce parti d'extrême droite flamand qui - diffuse depuis sa création en 1978 la haine des immigrés et des Belges d'origine étrangère - changera d'appellation, deux ans plus tard, pour devenir le Vlaams Belang (VB). Ce changement de nom intervient à la suite de la condamnation de trois de ses associations internes le structurant. Le motif : leur idéologie raciste.


De Schaerbeek à Christchurch, le racisme tue
Tué par une balle dans le dos au moment de la prière du matin, Ahmed Isnasni, le papa de Kenza Isnasni, avait 47 ans. Sa maman, Habiba El Hajji, avait 48 ans. Ils ont été abattus de sang froid. Leurs meurtres ont été commis sous le regard de leurs quatre enfants : Abdelmounaïm alors âgé de 17 ans, Yassine, 10 ans, Walid, 6 ans et Kenza. Les trois frères de la dernière ont été blessés par le tueur raciste d'extrême droite dans son raid criminel haineux. 

Ce massacre a été commis après un long moment de dérive et de harcèlement raciste de ce voisin sur une paisible famille belgo-marocaine de Schaerbeek. Un comportement inquiétant qu'elle avait signalé aux autorités compétentes. Pour qui, il n'y avait rien de particulier à relever, apparement. Pourtant, le vieux voisin était connu de la justice depuis plusieurs années pour des faits de coups et blessures. Àqui voulait l'entendre, Hendrik Vyt affirmait qu'il bénéficiait de protection au sein de la police. Il se revendiquait comme étant être un ami de l'ex-chef de la police schaerbeekoise, Johan Demol, qui était passé en 1999 dans les rangs du Vlaams Blok pour en devenir sa tête de gondole électorale dans la Région de Bruxelles-capitale pour séduire les francophones tentés par les sirènes de l'extrême droite.

A la tribune, à l'arrivée de la manifestation annuelle « Stop racisme », le dimanche 24 mars dernier, sur la place du Jeu de balle dans les Marolles, le vieux quartier populaire de Bruxelles ville, Kenza Isnasni a tenu un discours empreint d'émotion pour rappeler la mort de ses parents. Son propos était aussi un vibrant cri de colère contre le racisme ambiant qui frappe chaque jour d'honnêtes citoyens. Sur un ton combatif, elle n'a rien laissé passer. Kenza Isnasni a été droit au but, après une analyse claire et précise d'une idéologie politique qui se termine par des assassinats, comme venait encore de le prouver, quelques jours auparavant, l'attaque terroriste commise à Christchurch. Le vendredi 15 mars 2019, deux mosquées de cette petite ville de Nouvelle-Zélande furent la cible d'un extrémiste de droite anti-musulmans des plus déterminés et surarmés,Brenton Tarrant, un Australienâgé de 28 ans. Cette tuerie terroriste a couté la vie à cinquante hommes, femmes, de tout âge, et à de très jeunes enfants. La plus jeune victime n'avait que trois ans. Le tueur raciste avait lui aussi été influencé politiquement, après un voyage en France, notamment par la thèse conspirationniste du « Grand Remplacement » diffusée en partie par Marine Le Pen. Une influence identique à celle qu'avait exercé le père de l'actuelle présidente du Rassemblement national français, le nouveau nom depuis 2008 du Front national, sur Hendrik Vyt. Contrairement à Brenton Tarrant, le raciste belge ne sera jamais jugé pour ses crimes. Après les meurtres de Ahmed Isnasni et de Habiba El Hajji, ainsi que les coups de feu portés sur leurs enfants, le sympathisant du Vlaams Blok incendia leurs appartements et y mourra brûlé vif. Comme un djihadiste, il se fit martyr ici de la cause nationaliste européenne.


Pour une rue « Ahmed et Habiba »
« Le racisme tue, je le sais » a scandé à la tribune antiraciste Kenza Isnasni. Pour finir son discours de combat, elle demandera aux manifestants de citer, tous ensemble, les prénoms de ses parents assassinés pour se souvenir que le racisme tue toujours, pour finir. A plusieurs reprises, avec force, « Ahmed », « Habiba » se firent entendre par des voix solidaires et déterminées sur la place publique des Marolles.

Afin que la mémoire de ce couple de bruxellois assassiné par un nervis d'extrême droite soit honorée et que la dénonciation du racisme assassin soit reconnu, Kenza Isnasni, avec le soutien de plusieurs collectifs militants, demande officiellement aux autorités communales de Schaerbeek que la rue où le double meurtre de ses parents fut commis porte leurs prénoms.

Comme celui d'autres maghrébins, ce fut le cas par exemple du travailleur Ben Hamou en 1980 à Laeken (assassiné par des activistes du Front de la jeunesse), d'autres personnes issues de l'immigration, de juifs à Anvers et à Bruxelles dans des attentats terroristes, de femmes ou d'homosexuels, les meurtres de Ahmed Isnasni et de Habiba El Hajji sont des crimes au motif de l'origine de leurs victimes. Le double assassinat commis à Schaerbeek en mai 2002 était un acte terroriste anti-maghrébins et anti-musulmans commis par un « loup solitaire » radicalisé. Dont le passage à l'acte meurtrier ne put se faire qu'après le passage en boucle de discours politiques de haine. En 2019, cette vulgate nauséabonde continue à se diffuser abondamment sur des affiches politiques, dans des tracts électoraux, à la télévision et sur internet. La lutte continue.


MANUEL ABRAMOWICZ

RésistanceS | Observatoire belge de l’extrême droite


[Toutes les informations judiciaires sur le criminel belge raciste Hendrik Vyt et son appartenance politique à l'extrême droite proviennent de l'article « Meurtre raciste à Schaerbeek. Cinq enfants orphelins », d'Emmanuelle Praet, publié dans le quotidien « La Dernière Heure » du 8 mai 2002. En ligne : www.dhnet.be/actu/faits/meurtre-raciste-a-schaerbeek-cinq-enfants-orphelins-51b7d3d8e4b0de6db99086f9].


TOUS ENSEMBLE NOUS
STOPPERONS LE RACISME
Dimanche 24 mars à Bruxelles dans le cortège de RésistanceS à la manifestation annuelle « Stop racisme », Silvio Marra de l'association populaire Quartier sans racisme (QSR) et Mehdi Kassou de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés Bruxelles.
© Photo RésistanceS.be – M. Abramowicz 



DÉBAT & HOMMAGE


Un hommage à Ahmed Isnasni, Habiba El Hajjiaux et aux autres victimes assassinées en Belgique par l'idéologie raciste, au cours de ces dernières années, sera rendu lors du « Samedi de résistance(s) » qui aura lieu le samedi 25 mai prochain au Théâtre de Poche, après le débat-réflexion « Bilan critique de trente années de lutte contre l'extrême droite » où prendront la parole Anne Morelli, historienne spécialiste des mécanismes politiques du racisme (ULB) et ancienne vice-présidente du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (MRAX), Esther Kouablan, directrice actuelle du MRAX, Silvio Marra, ancien syndicaliste aux Forges de Clabecq et cofondateur de l'association populaire Quartier sans racisme (QSR), et Julien Dohet, historien spécialiste de l'extrême droite et membre du Front antifasciste 2.0 (Liège).

Plus d'infos bientôt ici



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