RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite | Mercredi 10 octobre 2018, 21h04
DOSSIER SPÉCIAL ÉLECTIONS 2018 (épisode 5/9) – L'Alliance nationaliste wallonne, les Identitaires ardennais et l'Alliance identitaire ardennaise avaient annoncé leur intention d'être présents, pour la première fois, aux élections communales de cette année. Comme Démocratie nationale, le Front wallon, la Nouvelle alliance francophone et Wallonie d'abord, présents en 2012, ils n'ont en réalité pas déposé de listes électorales aux scrutins du 14 octobre – POURQUOI EN SONT-ILS ABSENTS ?
L'extrême droite francophone en Belgique est bien particulière. Connue pour ses zizanies intestines, elle ne cesse de se fractionner. Cette lézardisation débouche sur des entrées et sorties dans tous les sens. La création de nouveaux partis par des dissidents duFront national est un phénomène régulier.
Au sein de la droite nationaliste, poujadiste et xénophobe, ils sont nombreux à tenter le tout pour le tout dans l'objectif de devenir « calife à la place du calife ». In fine, notre extrême droite locale ressemble à une armée mexicaine, une armée faisant du surplace. Avec des bataillons déserteurs ou passant leur tour pour ces élections. Présentation des troupes restées sur le carreau.
ALLIANCE NATIONALISTE WALLONNE (ANW)
Apparue à Saint-Hubert, dans les Ardennes, en avril 2015, l'ANW est dirigée par un dénommé Dimitri François. Ancien militaire de carrière, il milite dès les années 1980, à seulement 17 ans, au sein du Front national de Daniel Féret. Puis par opportunisme, il adhère au Parti socialiste et y demeure pendant plus de vingt ans. Après la création en 2009 du Parti populaire (PP), il fait partie de ses premiers militants.
Il n’y restera que peu de temps. Dès ses débuts, l'Alliance nationaliste wallonne a des ambitions électorales, comme jadis l'un de ses modèles, le mouvement rexiste de Léon Degrelle. Revendiquant une centaine d’adhérents (sans doute confondus avec les membres de son groupe Facebook), l'objectif de l'ANW est d'être présent aux élections communales et provinciales de 2018, puis des législatives et régionales de 2019. Particulièrement sur les réseaux sociaux, il fait beaucoup de bruit, mais souvent pour rien. La réalité de terrain est en effet toute autre : l'Alliance nationaliste wallonne, malgré un nom ronflant, persiste à n’être qu’un groupuscule, voire même une coquille vide, tournant sur elle-même par la seule énergie centrifuge de son pilier fondateur.
Avec des membres de la direction de la Nouvelle Wallonie alternative (NWA), issue du FN « rénové » (cf. NWA revoir l'épisode 4 de notre dossier Elections 2018), l'ANW crée le groupe Identitaires ardennais (voir sa notice plus loin). Suite à des conflits internes, Dimitri François, quitte la nouvelle structure, et lance une Alliance Identitaire Ardennaise.
ALLIANCE IDENTITAIRE ARDENNAISE (AIA)
Issu du groupe Identitaires ardennais (voir plus bas), l'AIA est fondée en août 2017 par Dimitri François, le dirigeant de l'Alliance nationaliste wallonne. En janvier 2018, il annonce dans les colonnes de La Dernière Heure que pour « les communales, les listes[de son AIA] sont presque clôturées à Saint-Hubert, Libramont, Arlon, Marche, Bouillon, Paliseul et Bertrix ». Il précise à propos de l'Alliance identitaire ardennaise :« Il ne s’agit pas d’extrême droite, mais de droite autonomiste. »
Perquisitionné et arrêté en octobre 2017, pour un dossier d'incitation à la haine raciale sur Internet(cf. la notice Identitaires ardennais, plus bas), Dimitri François n'a finalement déposé aucune liste électorale. Au tout début du mois de février dernier, sur sa page Facebook, il confirme l'absence de l'AIA aux élections à venir. Sans pour autant dissoudre son parti, François prévient qu'« ils continueront leur combat, mais en toute clandestinité ! Nous travaillerons d'arrache-pied, mais dans l'ombre ». Pour cela, un nouveau groupe spécial est mis en place, les « Patriotes anti-collabos ». Dont la mission « servira à identifier tous les gauchistes, tous les collabos et tous les traitres à la patrie ». Avec la précision suivante : « Cela ne sera pas perdu, car un jour, nous aurons peut-être besoin de cette liste ».
Récemment sur Internet, le même Dimitri François a fait savoir que son AIA pourrait se présenter aux élections régionales et législatives en mai 2019. Avec qui ? « Un petit parti libéral », sans toutefois préciser son nom. Renseignement pris par RésistanceS, il s'agirait de VLC, pour Valeurs libérales citoyennes (à son sujet voir l'épisode 6 de notre dossier Elections 2018).
IDENTITAIRES ARDENNAIS (IA)
Ce groupe est créé d'abord sous le nom de Identitaires Ardennes par Olivier Buys, un des anciens membres de la direction du Front national « rénové ». Après la dissolution en 2012 de ce clan frontiste, Buys participe à la création de la Nouvelle Wallonie Alternative (NWA). Le succès électoral espéré par la NWA n'est pas au rendez-vous. Ce parti nationaliste belgo-wallon se vide alors de l'intérieur, et Olivier Buys, soutenu par d'autres ex-frontistes et NWA, lance les Identitaires Ardennes. Ils seront ensuite rejoints par l'Alliance nationaliste wallonne (ANW) de Dimitri François. Leur modèle est un mouvement d'extrême droite français, Les Identitaires (ex-Bloc identitaire), rendus plus célèbres suite aux actions de propagande de leur jeunesse, agissent sous le nom de Génération identitaire. Une fois de plus, en Belgique, la copie de l'original prend les allures d'une faction, pour ne pas dire « fraction », plusfolklorique que réellement structurée.
Cependant, sur Facebook, les Identitaires wallons se déchainent. Résultat : le quotidien La Dernière Heure informe que « en octobre 2017, le procureur du Roi annonce que le parquet du Luxembourg a ouvert un dossier concernant le groupuscule Identitaires Ardennes, à la suite de la diffusion sur Internet d’articles incitant à la haine et à la violence à l’égard essentiellement de la communauté musulmane ». Dans le cadre de cette enquête, Olivier Buys et Dimitri François sont perquisitionnés et arrêtés. L'instruction judiciaire devra déboucher sur l'ouverture d'un procès devant le tribunal correctionnel.
Suite à des conflits internes, Dimitri François quitte les Identitaires ardennaiset lance l'Alliance Identitaire Ardennaise(revoir plus haut sa notice). Pour sa part, leur président, Olivier Buys, annonce le 7 septembre dernier sur le site du mouvement Nation d'Hervé Van Laethem qu'il se « présenterai sous le nom de Nation aux prochaines élections communales », car « en Belgique francophone, c’est le mouvement Nation qui représente[la]volonté patriotique ». Poursuivi pour incitation à la haine raciale par la justice, Olivier Buys figure en effet en tête de la liste de Nation déposée à Saint-Hubert. Dans l'attente de son procès à venir ?
« Démocratie Nationale est un parti démocratique au service de la liberté. Nous affirmons que la légitimité politique réside dans la seule volonté populaire », telle est la profession de foi de cette formation politique d'extrême droite. Fondé sous le statut d'une asbl en avril 2011, dans les faits, le parti DN se revendique comme le «seul vrai successeur du FN en Belgique» (sic). L'eurodéputé Bruno Gollnisch, jusqu'alors numéro deux du Front national français, parraine la création de Démocratie Nationale. Ases débuts, DN est présidée par Patrick Cocriamont, l'un des quatre députés fédéraux de l'histoire du FN belge.
Ce Cocriamont provient de la mouvance pure et dure de la droite nationaliste. Sa formation idéologique a été façonnée par le Front de la jeunesse (FJ) et son Parti des forces nouvelles (PFN). Le FJ-PFN est alors dans les années 1970 et 1980, le groupement le plus actif de l'extrême droite à Bruxelles et en Wallonie. Il est en contact régulier avec le nazi Léon Degrelle, exilé en Espagne depuis 1945, ainsi que les leaders du mouvement négationniste, tels Robert Faurisson et Olivier Mathieu. Le FJ-PFN a formé politiquement des jeunes militants, qui plus tard rejoindront les directions des principaux partis d'extrême droite :Front national, front AGIR et même Vlaams Belang. Par exemple, le dirigeant de ce dernier, Filip Dewinter, vient de la section flamande du Front de la jeunesse. En 1991, par opportunisme politique, Patrick Cocriamont et d'autres du PFN passent au FN de Féret. C'est le cas de son « camarade » Daniel Leskens, qui fondera ensuite l'association des Amis de Drieu-La-Rochelle, destinée à défendre la mémoire littéraire et idéologique de l'un des plus illustres écrivains collaborateurs durant l'Occupation nazie de la France. Leskens est le théoricien de l'ombre du parti Démocratie Nationale.
Si dès 2012, DN s'est donné les allures d'une formation sérieuse, très vite, force est de constater qu'il s'agit dans la réalité d'un énième groupuscule, comme tous les autres qui représentent encore l'extrême droite francophone. Aux élections communales d'il y a six ans, Démocratie Nationale n'est capable de déposer que deux listes, avec un total de seulement quatorze candidats. Ses résultats frisent le ridicule : 1,1 % àWoluwé-Saint-Lambert et 0,5 % à Charleroi, pourtant une terre fertile pour la droite nationaliste populiste depuis le milieu des années 1990. Dans l'impossibilité militante de présenter des listes aux législatives de 2014, DN participe à la liste électorale Faire place Nette (FpN). Déposée dans le Hainaut (son résultat sera d'un peu plus de 2 %), cette liste est une initiative d'ex-frontistes belges sous l'égide de leaders du Vlaams Belang et du président-fondateur d'honneur du FN français, Jean-Marie Le Pen en personne.
Depuis lors, le parti Démocratie Nationalea quasi cessé d'exister. Seul son président, Marco Santi, le maintient en vie. Ce qui lui permet de participer à des voyages à l'étranger dans le cadre de délégation d'extrême droite pour, par exemple, aller en Syrie, y rencontrer les autorités officielles, y compris son président, le dictateur Bachar el-Assad. N'apparaissant plus au sein de DN, l'ancien député fédéral frontiste Patrick Cocriamont quant à lui, reste néanmoins toujours à l'heure actuelle l'un des dirigeants de l'association Faire Front(FF), également issue du FN belge.
FRONT WALLON (FW)
Ce front régionaliste provient de la Fédération des nationalistes wallons (FNW) et de l'asbl Rassemblement Bleu Marine (RBM), deux pseudopodes du Front national « rénové », alors notamment conduit de 2007 à 2012, sous la direction de deux anciens députés régionaux frontistes : Charles Pire, ex-responsable local à Huy du Parti social chrétien (PSC), et Charles Petitjean, ancien membre de la direction du Parti réformateur libéral (PRL). En octobre 2013, la création du Front wallon est confirmée au Moniteur belge. Charles Petitjean s'accapare le poste de président et est secondé par Salvatore Russo, le secrétaire général de la FNW et cofondateur avec lui de l’asbl RBM.
Tout comme les autres clans de l'extrême droite francophone, le FW s'affirme comme étant l'unique héritier du Front national, seul parti de la « droite nationale » digne de ce nom. Avec lui aussi la folie des grandeurs est une singularité. Mais la loi des urnes va vite rappeler le véritable niveau de la représentativité des petits partis d'extrême droite. Aux régionales de 2014 dans la circonscription de Charleroi, le Front wallon conduite par son président-fondateur ne récolte que 0,6 %, contre plus de 6 % pour le FN aux précédentes élections. La liste du FW tirée par Salvatore Russo pour la Chambre des représentants ne rassemble elle que 0,4 %.
Ces résultats ridicules ne vont cependant pas démotiver les dirigeants de ce parti maigrichon. Dans ce but, il abuse d'hyperboles : « Le Front Wallon désormais est plus que présent sur l'ensemble du territoire wallon. Les adhésions se multiplient et un regroupement des forces de droite s'opère », peut-on ainsi lire en septembre 2016 dans un de ses communiqués de presse.Dans un autre, diffusé en mai 2018 : « Pour le FW, il est évident que les partis actuellement représentés dans les différents parlements qui ont des élus se revendiquant de l'Islam n'ont aucune intention de stopper[la] massive radicalisation[islamique]. [...] le seul refuge des électrices, des électeurs lors des élections communales et provinciales est le Front Wallon ! ». Quatre mois plus tard, dans un e-mail réceptionné par le journal RésistanceS, Charles Petitjean écrit que pour finir son front ne présentera aucune liste aux élections du 14 octobre 2018. Sa justification ? « Car trop difficile de cerner, d'authentifier les candidat(e)s afin de pas être accusé d'être un parti d'extrême droite » (sic). Le présidentdu FW promet cependant : « Nous préparons par contre les régionales de 2019 avec des espérances d'élus ». Pour camoufler la réalité crue, l'espoir fait toujours vivre.
Surtout lorsque le front se dégarni de plus en plus et se transforme en coquille vide. Comprenant que son engagement est dans une impasse, son numéro deux quitte par opportunisme, et le désir de devenir « calife à la place du calife », avec armes et bagages, le navire avant son naufrage. Sans cette perspective, Salvatore Russo récupère les restes de la Nouvelle Wallonie alternative (NWA, fondée en 2012 par des membres du clan frontiste de l'ex-FN « rénové »), pour en devenir le président. Depuis, la NWA s'est associée au mouvement « national-solidariste » Nation pour les élections du 14 octobre 2018. L'ancien secrétaire général du FW conduit à Charleroi aux élections provinciales la liste NWA-Nation. Salvatore Russo rajoute ainsi un clou au cercueil du Front wallon.
NOUVELLE ALLIANCE FRANCOPHONE (NAF)
La NAF n’est plus active aujourd'hui. Elle apparait à Saint-Ghislain, une petite commune près de Mons. Cette « nouvelle alliance » y est conduite à l'occasion des élections communales de 2012 par le conseiller communal sortant Alex Quévy. élu en 2006 sur la liste locale du Front national, qu’il quitte ensuite pour fonder les Forces démocrates wallonnes (FDW), d'où accoucherala NAF. Avec un score de 3,1 %, il n'est plus réélu en 2012 au conseil communal de Saint-Ghilain.
Aux élections législatives de 2014, la NAF appelle à voter pour la liste Faire place Nette (FpN), et en particulier pour son troisième candidat, Jean-François Godart, un commissaire de police retraité. Depuis, la NAF s’est évaporée, et ce Godart s'est retrouvé sur la liste des candidats pour les provinciales du 14 octobre 2014 du parti politique AGIR.
Ce mouvement régionaliste affirme qu'il n'appartient pas à l'extrême droite. Pourtant, son nom est celui choisi en 2009 par Force Nationale (FNationale), un parti fondé en 2006par des dissidents bruxellois et wallons du FN historique et de son clone, le Front nouveau de Belgique (FNB). Le leader de FNationale, et ensuite de Wallonie d'abord, est Juan Lemmens.
Celui-ci est un militant d'extrême droite depuis bien longtemps. Dans les années 1970, il a fait partie du GRECE-Belgique, la section belge du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne, un laboratoire d'idées de ladite « Nouvelle Droite », ayant proposé une stratégie de prise du pouvoir à la vieille extrême droite. Après les premiers succès électoraux dans notre pays du Front national, avec d'autres « néodroitistes », Lemmens le rejoint et accède à sa direction. En 1995, quand le FN se divise en deux, il passe au FNB.
Présent pour la première fois aux élections en 2009, soit quelques semaines après son apparition, Wallonie d'abord engrange des premiers résultats encourageants : 1,18 % à Charleroi aux régionales et plus de 1,50 % aux européennes. Leurs listes sont conduites par Alain Sadaune et Christian Haudegand, deux anciens membres de la direction du Front national de Daniel Féret. Trois ans plus tard, aux communales, Wallonie d'abord obtient 5 % à Manage (Hainaut), plus de 6 % à Dison (Liège) et un élu. Aux régionales de 2014, la liste de ce mouvement arrive à 1,23 % à Charleroi et 1,84 % dans la circonscription de Liège.
Son seul élu, au conseil communal de Dison, l'a depuis quitté pour fonder un autre groupe Agir ensemble, puis adhérer à la Coordination patriotique initiée par Nation en 2017, avant de rejoindre le parti politique AGIR, créé par le « canal historique » de feu le FN belge. La fin de Wallonie d'abord est alors annoncé par ses détracteurs internes dans la « famille » nationaliste. Contacté par téléphone, son président, Juan Lemmens, assure que pour les élections régionales du mois de mai 2019, Wallonie d'abord sera bel et bien de retour.
NOUVELLE WALLONIE ALTERNATIVE (NWA),
PARTI DES PENSIONNÉS et PARTI WALLON (PW) ?
Ces trois formations politiques existent toujours, maisne se présentent pas sous leur nom aux scrutins du 14 octobre 2018, à l'exception de la Nouvelle Wallonie alternative qui propose une liste uniquement à Charleroi avec le mouvement Nation.
Le Parti des pensionnés (PdP) et le Parti wallon (PW) pour leur part présentent leurs candidats sur des listes du « nouveau » parti politique AGIR. Pour en savoir plus sur la NWA, le PdP et le PW, relisez l'épisode 4 de notre dossier Elections 2018.
ALEXANDRE VICK
RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite
© RésistanceS | Bruxelles | 10 octobre 2018