Un courant d'extrême droite au Parti populaire ? (2/3)

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite | Lundi 15 janvier 2018


TRANSFUGES – Certes de manière « ultra », son programme politique se rattache plutôt au libéralisme. Le Parti populaire ne se revendique pas officiellement du Front national. Mais depuis sa création, sur le plan idéologique et stratégique, il en est fort proche. Rien d'étonnant dès lors de repérer parmi ses responsables l'un ou l'autre ancien du FN de Daniel Féret. Et plusieurs fans de Marine Le Pen. Comme à la N-VA, existe-t-il au PP un courant d'extrême droite interne ? – REVELATIONS



Le président et fondateur du Parti populaire (PP), Mischaël Modrikamen, l'affirme haut et fort : sa formation n'est pas d'extrême droite, mais appartient à la nouvelle droite nationale populiste qui émerge un peu partout en Europe. Néanmoins, depuis la naissance du PP, il y a bientôt huit ans, des liens réguliers existent avec la patronne du Front national français, l'actuelle députée Marine Le Pen.

Pour s'accaparer en Wallonie et à Bruxelles, l'électorat protestataire anti-immigrés et développant des phobies à l'égard des musulmans, les slogans du parti de l'avocat d'affaires carolo-bruxellois se sont aussi lepénisés depuis 2009. Mais ce phénomène touche également d'autres sphères politiques, comme nous l'ont montré par exemple les campagnes présidentielles de 2007 et 2012 de Nicolas Sarkozy.


Empêcher l'infiltration d'anciens du FN
Après l'implosion totale et définitive, en 2012, de la mouvance FN en Belgique, alors composée de plusieurs fractions frontistes concurrentes et ennemies, Modrikamen a toujours tout fait pour empêcher une infiltration de ses rangs par des transfuges de celle-ci. Des tentatives ont eu lieu, notamment par les derniers « cadres » du FN de Charles Pire, rassemblés ensuite au sein du parti-mort né « Nouvelle Wallonie Alternative » (NWA).. Mais à chaque fois, ces tentatives grossières ont été avortées.

Force est aujourd'hui de constater que malgré les déclarations de principe, des ex-FN se retrouvent pourtant au coeur du Parti populaire. Y compris dans son appareil dirigeant. Il faut le reconnaitre, ils n'y représentent qu'une minorité, mais, les idées lepénistes sont d'un autre côté de plus en plus partagées dans les rangs du PP. Il suffit de collationner les prises de parole de son président pour en être convaincu et les commentaires de ses lieutenants sur les réseaux sociaux.

Droite catholique intégriste
Le premier transfuge frontiste que nous avons découvert dans la hiérarchie structurelle de cette formation de droite populiste est Luc Eykerman. Il a été, jusqu'à son décès survenu en avril dernier à l'âge de 76 ans, le responsable officiel de quatre de sections locales bruxelloises du PP : celles d'Anderlecht, de Molenbeek-Saint-Jean, de Saint-Gilles et de Forest. Cette personnalité politique de petite envergure fut à plusieurs reprises candidat aux élections. Il est issu du CEPIC
, l'aile conservatrice du Parti social-chrétien (PSC), dont les activistes du Front de la jeunesse (FJ) servaient d'hommes de main.

Après la dissolution du CEPIC par le président de l'époque du PSC, au début des années quatre-vingt, Luc Eykerman est l'un des meneurs de son pseudopode, le Parti libéral chrétien
(PLC), dont l'influence lepéniste ne pouvait être niée. Après les premiers succès du Front national de Daniel Féret, le PLC et Luc Eykerman vont - par opportunisme électoral et convergence doctrinale – s'intégrer en 1989 au premier. La lune de miel sera cependant de courte durée. Six ans plus tard, Eykerman participe à la création du Front nouveau de Belgique (FNB), une scission conduite par la députée fédérale FN Marguerite Bastien.

Ex-Front national 
Luc Eyckerman n'est pas le seul transfuge d'extrême droite qui a adhéré au PP. C'est le cas aussi du baron Emanuele Licari di Catsel Mola. Selon le site du Parti populaire, celui-ci est son responsable officiel à Schaerbeek. Cette commune bruxelloise a toujours été un des « Eldorado » de la droite radicale. Rappelons-nous des dérivés populistes de l'un de ses anciens bourgmestres, Roger Nols, passé en quelques années du libéralisme au lepénisme. C'est le cas également de son ex-chef de la police, le commissaire Johan Demol, qui deviendra la tête de gondole du Vlaams Belang à Bruxelles.

Pour sa part, c'est à la fin des années nonante qu'Emanuele Licari apparaît au coeur de la droite extrême. Son nom figure dans l'organigramme du Front national belge, alors toujours aux mains de son président-fondateur, le docteur en médecine Daniel Féret. Le jeune aristocrate d'origine italienne n'est pas un simple petit encarté sans relief. Il est un des « hommes du président ». Ce qui lui permet de se retrouver candidat de la formation d'extrême droite belgicaine aux élections européennes de 1999. Avec quelques autres frontistes, il va même recevoir le soutien médiatique de
Polémique, dont le directeur, Alain Escada, est également le président de l'association Belgique & Chrétienté. Ce journal est directement lié au FN. Il est édité par une nébuleuse se revendiquant du journal le Nouvel Europe magazine et du national-catholicisme belge, liée aux intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Dans Polémique, les « écrivains maudits », ceux qui prêtèrent leur plume pour vanter les mérites de l'occupation allemande durant la Deuxième Guerre mondiale, sont des références idéologiques, comme l'antisémite Henry Coston (1910-2001).


Comité de soutien à Le Pen
Après le scrutin européen, Emanuele Licari restera encore quelques années au FN. Avec d'autres de ses dirigeants, il participe même à la création du CBSJMLP, soit le Comité belge de soutien à Jean-Marie Le Pen à la Présidentielle de 2007. Après la tentative ratée de putsch au FN pour mettre dehors Daniel Féret, l'arist
ocrate le quitte, d'abord pour rejoindre l'éphémère « Union pour un mouvement populaire » (UMP), une dissidence de Force nationale, lui-même scission du FN, puis pour le mouvement Nation. Pour un laps de temps bien plus court qu'au Front nat'. Licari permettra néanmoins la mise en relation de ce mouvement issu d'une dissidence radicale du Front nouveau de Belgique (FNB), conduite par le dirigeant-fondateur du groupe néonazi L'Assaut, avec le député européen néofasciste italien Roberto Fiori. Mais comme beaucoup d'autres, Licari ne restera que quelques temps au sein de Nation où le turn over est l'une des caractéristiques.




Retour dès lors pour le « baron noir » à la maison-mère. Il participe à la recomposition en 2012 du FN belge via son « canal historique » que fait survivre, tant bien que mal, son ami belgo-italien Salvatore Nicotra, retiré dans son fief de Fleurus, près de Charleroi. Suite aux déboires devant les tribunaux de ce FN - qui y est poursuivi par Marine Le Pen qui ne veut plus aucune trace de celui-ci dans le paysage électoral de notre pays -, Licari prend à nouveau la route de la migration politique. Depuis, il a été promu responsable de la section schaerbeekoise du Parti Populaire. Sans pour autant en émettre le souhait !

Contacté par téléphone, ce lundi, Emanuele Licari nous a affirmé qu'il figurait bien comme responsable du PP à Schaerbeek, mais cela totalement indépendamment de sa volonté. « 
C'est Jérôme Munier, le responsable du parti pour l'arrondissement de Bruxelles-Capitale qui m'avait demandé d'adhérer. Pour ma part, je ne souhaite pas y déposer une liste pour les prochaines élections communales. Je vais d'ailleurs déménager dans une autre commune et prévenir les instances du PP », nous dira-t-il d'ailleurs. Une évidence, le passé politique de M. Licari n'a semble-t-il posé aucun souci au « recruteur » en question du parti de Mischaël Modrikamen, qui en matière de Front national s'y connait, comme nous le verrons plus loin dans notre article.

« La (pseudo) gauche des banquiers juifs »
Contrairement au baron Licari, la tête de liste du PP pour la circonscription de Bruxelles aux dernières élections législatives, Tatiana Hachimi, ne provient pas du sérail de l'extrême droite – elle a milité au Mouvement réformateur (MR) – mais partage souvent certains de ses combats sur les réseaux sociaux. Elle y est même une militante numérique acharnée. Elle aime en général les activités du
Cercle Pol Vandromme, en particulier lorsqu'il invite le leader du Groupement de recherche et d'étude pour la civilisation européenne (GRECE), un cercle de réflexion au service de l'extrême droite plurielle depuis sa création à la fin des années soixante en France.

La même Hachami sur Facebook interviendra en juin 2011 - capture d'écran en notre possession – dans une conversation d'un de ses amis à propos de « la (pseudo) gauche des banquiers juifs et du showbiz ». Elle manifestait alors sans rougir sa sympathie avec le secrétaire national du FN jusqu'en 2012 et néanmoins toujours membre de la direction de l'association de Financement du Front national (AFFN) jusqu'en décembre 2016.


Rassembler la droite populaire sous un seul drapeau
D'autres membres des instances du Parti populaire expriment encore leurs liens avec la droite nationaliste pure et dure, dont la xénophobie est systématique et le racisme jamais très loin, camouflé le plus souvent derrière l'épouvantail de l'islamisme.

C'est le cas de Grégory Vanden Bruel. Ayant « un peu milité au cdH » durant la présidence de ce parti par Joëlle Milquet, il dénoncera le « politiquement correct » qui y régnait alors. Affirmant être favorable au « débat d'idées », les siennes se limitent à celles de la droite musclée. Ce diplômé de l'Université Libre de Bruxelles (ULB), haut lieu du libre examen, va les exprimer dans des articles qu'il fait publier sur le site « Boulevard Voltaire ». Ce média sur Internet est une plate-forme de rencontre et de synergie d'idées véhiculées par la droite conservatrice et celles d'auteurs liés à l'extrême droite.

En 2014, après les élections régionales, Grégory Vanden Bruel obtient le poste d'attaché parlementaire au Parlement wallon pour le compte d'André-Pierre Puget, le député régional du Parti populaire. Depuis, ce dernier a fait scission de la formation de Modrikamen et a fondé son propre mouvement « J-Existe ». Son attaché parlementaire poursuit quant à lui, avec d'autres du PP ou d'anciens de ce parti, son idée de rassembler les forces de la droite populaire sous l'égide d'un seul drapeau pour la sauvegarde de « notre civilisation ».

A son sujet, Vanden Bruel écrit en juillet dernier sur le mur de son profil Facebook : « Pour relever les défis qui se présentent à elle, notre civilisation aura besoin d'hommes et de femmes capables de prendre leur destin, individuel et collectif, en main. Il faudra donc rompre avec les grandes utopies actuelles et renouer avec l'héroïsme passé. ».

Un modèle pour y parvenir ? Pour Vanden Bruel, c'est le
parti Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan qui trace la voie. Au deuxième tour de la Présidentielle 2017, en accord avec son programme politique pour la France, Dupont-Aignan s'était rallié au FN de Marine Le Pen. En espérant, en cas de victoire, devenir le premier ministre de la présidente frontiste française.


Le PP avec le
Front national de la jeunesse

Pour terminer notre tour d'horizon des pépéistes proches du lepénisme, il faut bien entendu reciter ici Jérôme Munier, que nous avait déjà évoqué le baron Emanuele Licari plus haut dans cet article.

Responsable pour la Région de Bruxelles-Capitale, il est aussi le président des jeunes du Parti populaire. En interne, et alors en très bon terme politique avec Grégory Vanden Bruel, Jérôme Munier y défend aussi une ligne radicale pour gouverner le PP. Rien d'étonnant alors d'apprendre qu'il y a tout juste un an, il participait pour le compte de son parti à un forum contre l'Union européenne. Son organisateur ? Le FNJ, c'est-à-dire le Front national de la jeunesse. Pour comprendre cet attelage politique, reprenons cet adage populaire : « dis-moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es... ».

Courant d'extrême droite interne
A la lecture de son programme politique d'origine, il ne peut être affirmé que l'ADN idéologique du Parti populaire de Mischaël Modrikamen ait une souche d'extrême droite. Néanmoins, après cet état de lieu, il ne pourra être nié non plus qu'il existe, comme à la N-VA de Bart De Wever et Theo Francken, en interne au PP un véritable courant d'extrême droite.

Et ce ne sont pas leur président respectif qui iront débrancher la prise de ces deux courants. Que du contraire. Nous savons fort bien pourquoi.



MANUEL ABRAMOWICZ
RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite 



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