Le Front national belge joue sa survie devant la cour d'Appel de Liège (1/2)

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite | Mardi 9 février 2016


© Photo RésistanceS.be.
EXCLUSIVITE RESISTANCES.BE – PREMIER COMPTE-RENDU JUDICIAIRE - Devant la cour d'Appel de Liège, le FN belge s'est opposé ce mardi au Front national français. En conflit avec lui, depuis plusieurs années, la formation de Marine Le Pen tente de le tuer judiciairement. L'arrêt de cet énième épisode d'une longue saga judiciaire sera rendu en mars prochain. Voici notre compte-rendu – SUIVI DU RECIT DE PETER DANTON

Ce mardi matin, devant la septième chambre de la cour d'Appel de Liège, s'est déroulé, durant plus de deux heures, l'acte, sans doute final, d'une saga judiciaire interminable, débutée en 2005, opposant le Front national français à l'asbl FN Belge (née sous le nom de « Front national-Nationaal front, FN-NF »). Cette association sans but lucratif, mais qui obtiendra entre 1988 et 2003 des succès électoraux significatifs, avec l'élection de dizaines de conseillers communaux, provinciaux et plusieurs députés, est à la base de la création, en 1985, dans notre pays du Front national belge.

En première instance, puis une première fois en appel en 2012, dans une affaire compliquée et constituée d'une série d'actions judiciaires diverses, les frontistes belges avaient perdu contre les frontistes français. A la demande personnelle de Marine Le Pen, qui préside depuis 2011 le FN d'outre-Quiévrain, les utilisations en Belgique, comme « marques », du nom de son parti (Front national), de ses initiales (FN) et de son emblème (la flamme tricolore) furent interdites par décision judiciaire. Ce qui devait signifier la fin de l'aventure de ce parti d'extrême droite dans notre pays. Seulement voilà, s'était sans compter sur la ténacité des derniers militants de l'asbl FN Belge (qui en droit peut toujours garder son nom). Ils se sont retrouvés aujourd'hui, comme plaignants, devant la cour d'Appel de Liège pour y contrer l'hégémonie du FN français.

Audience de ce mardi
Le procès en question s'est tenu dans une salle peu remplie, sans journalistes mais en présence de quelques frontistes belges, comme le conseiller communal Salvatore Nicotra, l'ancien député régional wallon Jean-Pierre Borbouse et Florence Rorive, une nouvelle membre de son bureau politique, par ailleurs fille de Daniel Féret, le président-fondateur du FN belge. Lors de l'audience de ce matin, et dans ses conclusions de 38 pages remises à la cour d'Appel, le FN Belge, par la voix de son avocat, estime que ses « membres sont librement en droit d’utiliser, en ce compris pour des élections, sa dénomination sociale, soit l’appellation ''Front National belge''. » Le plaignant demande dès lors à la cour de rendre un arrêt dans ce sens.

Les conclusions du FN français (62 pages au total !) sont évidemment toutes autres. Le parti français demande, entre autres, via son avocat belge, Maitre Ghislain Dubois, que la cour condamne l’asbl FN belge « à changer de dénomination sociale, dans les 48 heures de la signification de l’arrêt à intervenir, et à choisir un nom qui n’entraîne aucun risque de confusion avec le nom, le sigle et le logo » du Front national de Marine Le Pen. Des dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral confondus, pour un montant total de 25.000 euros, sont également réclamés par les Français aux Belges.

> Salvatore Nicotra et Jean-Pierre Borbouse aux 30 ans du FN belge, le 14 novembre dernier 
à Fleurus © Photo RésistanceS





Dubois doit se « déporter »
La plaidoirie de maitre Ghislain Dubois était attendue avec impatience par les dirigeants du FN belge : ceux-ci le connaissent fort bien puisqu'il fut jadis de leur camp. En 2007, à l'occasion de l'élection présidentielle française, Jean-Pierre Borbouse avait fondé avec lui, et d'autres dirigeants frontistes de l'époque (Pire, Sessler, Tonnelier et Licari di Castel Mola), le Comité belge de soutien à Jean-Marie Le Pen. Membre du bureau politique du parti d'extrême droite belge l'année suivante, Dubois s'est retrouvé ensuite dans un clan opposé de la mouvance frontiste.

C'est pour cette raison que Jean-Pierre Borbouse, en sa qualité de membre de l'asbl FN belge, dans un courrier envoyé, le 6 février dernier, au bâtonnier du Barreau de Liège, lui a demandé qu'il se « déporte » de ce procès.

Extrait de ce courrier : « L'obsession qu'a Me Dubois à se poser en fossoyeur du Front national belge m'interpelle et comme le relève (un) article relatif à son récent engagement [dans l'appareil politique du FN de Marine Le Pen], Me Dubois n'a-t-il pas depuis le début l'intention de se lancer en politique et de devenir le représentant politique du FN français en Belgique voire de créer son propre parti avec le soutien du FN français ? »

Pour comprendre cette cuisine interne aux frontistes, il faut savoir que l'avocat de Marine Le Pen en Belgique est également, depuis peu, un des assistants parlementaires du FN français au Parlement européen, comme l'avait révélé en août dernier le journal RésistanceS, information exclusive reprise par le quotidien La Libre Belgique.



> L'avocat liégeois Ghislain Dubois lors d'une soirée du FN belge en 2008, avec Jean-Marie Le Pen, alors toujours président du Front national français - Photo DR





Le 8 mars prochain : la mort ou la vie
La demande frontistes belges de « déportation » de Ghislain Dubois ne sera pas suivie d'effet chez le bâtonnier. Mais la partie entamée contre lui n'est pas close. Des membres du FN belge ont effectivement déposé de multiples plaintes à son encontre. Affaire à suivre donc.

Pour en revenir au procès de ce matin, son issue
sera capitale. Soit le Front national disparaitra définitivement du paysage politique en Belgique, soit il pourra s'y relancer pour récupérer « son » électorat. Un électorat plus important aujourd'hui, selon plusieurs sondages, que lors de son interdiction de se présenter aux élections en 2014. L'avenir possible de l'extrême droite électorale en Wallonie et à Bruxelles sera connu dans un mois. La cour d'Appel de Liège rendra son arrêt le 8 mars prochain.

ALEXANDRE VICK 
RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite 





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A LIRE ENCORE SUR CETTE AUDIENCE

NOTRE SECOND COMPTE-RENDU DE CE PROCES

FN contre FN, la dernière bataille livrée à Liège (2/2) 
Par Peter Danton, un des correspondants liégeois de RésistanceS










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