Emir Kir est en contact avec un maire d'extrême droite depuis 2015

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite Dimanche 12 janvier 2020 | 23 h 05

En juillet 2016, le socialiste belge Emir Kir à Emirdagdans le bureau de son maire d'extrême droite – Photo réseau social.




ENQUÊTE EXCLUSIVE – Depuis la visite d'une délégation turque en Belgique, en décembre dernier, le bourgmestre PS de Saint-Josse est au coeur d'une polémique pour ses liens supposés avec des maires du MHP, le parti d'extrême droite en Turquie. Suite à une plainte interne déposée contre lui, ce lundi, il se rendra devant la commission de vigilance de son parti. L'enjeu est important : a-t-il oui ou non rompu le cordon sanitaire. Si oui, il pourrait être exclu du PS. Pour se défendre, Emir Kir dénonce une campagne « turcophobe » fomentée contre lui et affirme n'avoir aucun lien avec l'extrême droite. Dans son enquête exclusive, le journal RésistanceS démontre le contraire.

Après une visite au Parlement européen d'une délégation de l'Union des villes de Turquie, le mercredi 4 décembre dernier, cette dernière s'est rendue ensuite dans la 
commune bruxelloise de Saint-Josse. Elle a été officiellement reçue par son bourgmestre, le PS Emir Kir, par ailleurs député fédéral et ancien Secrétaire d'État sous le gouvernement régional bruxellois de Charles Picqué (PS). Parmi les maires turcs, deux appartiennent au Milliyetçi Hareket Partisi (MHP), en français « Parti d’action nationaliste », une formation d'extrême droite bien connue. C'est au sein du MHP que l'organisation para-militaire des Loups Gris, responsable d'actions terroristes contre ses opposants, a été fondée.

La révélation de cette visite à Saint-Josse va provoquer quelques réactions, en interne, au sein du Parti socialiste et dans les rangs de l'opposition communale à Saint-Josse, conduite par l'écologiste Zoé Genot. Le 5 décembre, le tout nouveau président de la Fédération bruxelloise du PS, Ahmed Laaouej, informe par communiqué de presse qu'il « ne cautionne pas la réception par Emir Kir de mandataires du MHP. La lutte contre l'extrême droite ne peut souffrir d'exception. Aucune forme de complaisance n'est acceptable ». Le 13 décembre, Jérémie Tojerow, un militant PS de Saint-Gilles décide de saisir la commission de vigilance de la Fédération bruxelloise du parti. Et précise dans son post publié à ce sujet sur Facebook : « Comme de nombreux militants, il me paraît impossible de réduire cette rencontre à un simple accident de parcours ou à une erreur de jugement. En effet, Emir Kir avait notamment déjà fait état d’une rencontre avec un maire d’extrême droite sur les réseaux sociaux en juillet 2018, évoquant ''une agréable rencontre''' ». Mercredi dernier, Simone Susskind accorde une interview au Vifdans laquelle elle tape du poing sur la table. Elle dit qu'Emir Kir « doit en finir avec son double discours ». La sénatrice socialiste répètera son propos lors d'une séquence du journal télévisé de la RTBF, vendredi passé.


Juillet 2015, Emir Kir (PS) et Ugur Serdar Kargin (MHP),au premier rang
du Festival international d'Emirdağ – Photo réseau social.


Des liens avec le maire d'extrême droite, depuis 2015 !
L'enquête du journal RésistanceS constate que le bourgmestre PS de Saint-Josse se rend à Emirdağ chaque été. Ce qui n'est pas un crime, bien entendu. Mais, il n'y effectue pas qu'un séjour estival sur les terres d'origine de sa famille. Le député-bourgmestre belge y est reçu comme un véritable chef d'État par son désormais ami Ugur Serdar Kargin.

En juillet 2015, Emir Kir se trouve côte à côte avec lui, au premier rang, dans le carré des VIP, du onzièmeFestival International de la municipalité d'Emirdağ. Tout sourire, il y trône alors comme un invité de marque. L'année suivante, présent au moment de la tentative de coup d'État contre le président turc Recep Tayyip Erdogan, soutenu par le MHP, Emir Kir est à nouveau en vacances chez Ugur Serdar Kargin. Après l'échec du putsch fomenté par une petite fraction de l'armée, le bourgmestre de Saint-Josse se rend une nouvelle fois dans son bureau à la mairie. Une occasion pour Kir de manifester son soutien au président turc. Lors de cette nouvelle visite, désormais annuelle, le socialiste belge dira notamment, selon un média turc :« Nous devons accomplir [à Emirdağun devoir de pèlerinage en raison de notre religion. C'est notre pèlerinage religieux, mais nous avons aussi un pèlerinage social à faire ici. Chaque [personne originaire de cette ville]doit visiter celle-ci [quand elle vient en Turquie pendant les vacances] ». Le bourgmestre belge profite encore de l'occasion pour encourager le maire MHP de poursuivre dans la modernisation de sa ville. Ensuite, ils défileront ensemble dans les rues d'Emirdağ pour serrer les mains de ses habitants présents sur leur passage.

Juillet 2016, Emir Kir (PS) et Ugur Serdar Kargin (MHP) ensemble
défilant dans les rues d'Emirdağ – Photo réseau social.

En juillet 2018, Emir Kir est de retour dans « la petite Belgique ». Sur le mur de son profil Facebook, il publie une photo de lui dans le bureau d'Ugur Serdar Kargin. Il précise qu'il s'agit d'une simple rencontre anodine et uniquement liée à sa présence en vacances sur place. Pourtant, le grand quotidienHürriyetavait annoncé, le 18 juillet, quelques jours avant l'arrivée de Kir, son déplacement politique. Tout comme Belemtürk. Le 23 juillet, ce média turc écrit : « Le député fédéral et maire de Saint-Josse Emir Kir sera dans la région du 25 au 30 juillet afin d'établir divers contacts à Emirdağ et sa région. En plus des contacts officiels, le maire rencontrera également des expatriés qui sont venus passés leurs vacances dans leur ville natale. Emir Kir, le maire d'Emirdağ Uğur Serdar Kargın et le gouverneur d'Emirdağ Huseyin visiteront M. Bey, puis les districts de Saray, Yunak, Özburun, Adayazı, Karacalar, Hamzaacılı, Tez, Suvermez, Yüreğir, Çaykışla, Güveççi et des villages ».

Nous sommes bien loin d'activités classiques de simples vacances dans le pays d'origine de ses parents. Y compris en été, Kir semble poursuivre sa campagne permanente de séduction de son principal électorat, les Turcs de Bruxelles. Comme en témoignage, force est de constater, ses pèlerinages annuelles chez Ugur Serdar Kargin, le maire 
d'extrême droite d'Emirdağ.

Juillet 2017, le député-bourgmestre belge Emir Kir se retrouve une nouvelle fois
dans le bureau d'Ugur Serdar Kargin, maire d'extrême droite d'Emirdağ – Photo réseau social.

Bras droit levé à la manière des Loups Gris
L'homologue turc d'Emir Kir, né en 1971, est un membre fort actif du Parti d'action nationaliste, et ce, depuis bien longtemps. Professionnellement actif dans le commerce du marbre, ce n'est pourtant qu'en 2014 qu'Ugur Serdar Kargin s'engage réellement au grand jour en politique. Après les élections locales du 30 mars 2014, il devient le maires d'Emirdağ. Cette cité deviendra ainsi l'une des 167 petites villes et communes tombées aux mains du MHP. Elle se transformera bien vite comme l'un de ses fiefs électoraux. Comme en témoigne l'activités politiques de la section locale du MHP. Au début du mois d'août 2014, quelques mois après la victoire d'Ugur Serdar Kargin, le secrétaire général du parti d'extrême droite (le deuxième de son histoire, débutée en 1969) se rend sur place pour une visite officielle. Devlet Bahçeli y est reçu en grande pompe. Il y a un an et demi, c'est Ugur Serdar Kargin qui se rendra en visite chez le chef suprême du MHP. Il exprime ainsi son allégeance indéfectible au parti, comme il le fait encore aujourd'hui pour son président-fondateur, Alparslan Türkeş (1917-1997), alias « Basburg » (le Meneur), un des conspirateurs d'un coup d’État militaire qui eut lieu en 1960.

Lors des meetings et de manifestations de rue de son parti, le maire d'Emirdağ n'hésite jamais à lever le bras droit pour faire le signe des Loups gris. Comme aurait pu, en quelques secondes, le constatez en personne le bourgmestre PS de Saint-Josse, ami avec lui sur Facebook où figurent de nombreuses photos d'Ugur Serdar Kargin ne laissant aucun doute sur son appartenance politique. D'ailleurs, dans le bureau de celui-ci, comme dans des cafés turcs de Saint-Josse, se trouve au mur, bien placé, l'emblème de l'extrême droite anatolienne. Emir Kir lui-même sera pris en photo en-dessous de celui-ci, lors d'une de ses visites estivales à la mairie d'Emirdağ.



SIMON HARYS
RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite
 


Le maire Ugur Serdar Kargin, lors d'un meeting du parti d'extrême droite MHP,
en novembre 2018, faisant le signe de ralliement des Loups gris – Photo réseau social.


Ugur Serdar Kargin en août 2019 à la tribune d'un meeting
d'extrême droite, avec l'emblème des Loups gris.
– Photo réseau social.


Visite officielle à Emirdağ, en août 2014, de Devlet Bahçeli,
le chef suprême du parti d'extrême droite MHP – Photo réseau social.

Le maire d'Emirdağ Ugur Serdar Kargin en visite en juillet 2018 chez
Devlet Bahçeli, le chef du MHP – Photo réseau social.




Le député-bourgmestre Emir Kir, lors de l'une
d'une énième rencontre dans le bureau d'Ugur Serdar Kargin,
sous l'emblème affiché des Loups gris, la plus célèbre
organisation de l'extrême droite turque – Photo réseau social.





Emir Kir (PS, socialiste) et Ugur Serdar Kargin (MHP, extrême droite) en juillet 2018 - Photo réseau social.


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Lire les deux précédents articles de RésistanceS sur ce sujet